La Faculté des Lettres
PAS building room 2401
Read in English
The duke, the prince of Taranto and the seneschal of Lombardy accompanied by their men, reach the abbey. When the duke gets into Florantine’s room, he finds her bedridden. Florantine having recognized the duke even before he entered her room is pretending to be sick and acts as though she is happy to see Garnier. To trick him even more, she renounces Lion.
Florantine uses her sickness as an excuse to postpone their departure so that Lion would have time to come save her. Marie sends a messenger to Lion, who is near the abbey, in order to have him come save his mistress. Lion heads for Florantine’s room. When he enters the room, the duke understands the betrayal and that the only solution left to him is to sell his life dearly.
While he is confronting Lion, the Calabrians are slaughtering Lion’s rear-guard and are moving towards their lord in order to save him. Lion, now defeated, is taken prisoner, together with Florantine. He remembers the prediction of the White Knight, so he sincerely repents his sins, and God sends the White Knight to help him. As soon as he is rescued, Lion pursues the duke and the seneschal of Lombardy and kills them both. Before disappearing, the White Knight miraculously heals Lion’s wounds.
Lion explains his attitude regarding Clarisse to Florantine and swears his loyalty. He then conquers back Monlusant, where King Henry and the duke of Vauvenisse lead a procession in their honor. Lion tells them of everything that had happened since his departure from Monterose. The next morning, King Henry gives his daughter in marriage to Lion, and in the evening they have a great celebration. Bauduyn de Monclin arrives as a guest of honor during the celebration.
That night, Lion and Florantine consummate their love, and he fathers twins named Herpin and Guillaume.
Shortly after the marriage, Lion asks Florantine’s permission to take leave so that he can take revenge on the duke of Calabria. He entrusts Florantine and the protection of Monlusant to Bauduyn. With King Henry, the duke of Raymon de Vauvenisse and leading a great army, he enters the country of Calabria. However, before having laid siege to Reggio, the duke of Garnier reaches Rome where he wants to obtain the sanction of the pope, thanks to the influence of his cousin Gaudiffer de Savoie. The pope sends a cardinal to the battlefield with the instruction to bring back Lion and King Henry. Our hero is granted an audience with the pope during which he gives his version of events, while Gaudiffer defends the cause of the duke of Calabria. The pope sends the parties in front of a jury of twelve pairs, in the presence of which Garnier offers to become Lion’s vassal and to pay him a hundred thousand gold florins. Lion can refuse neither this offer, nor the kiss of peace from Garnier, who, in turn, is only thinking of revenge.
While Garnier returns to his land and readies himself to betray Lion, the latter obtains a second audience with the pope. The pope cannot help but notice the striking resemblance between Lion and his father Herpin. After having heard about Lion’s adventures and his desire to find his parents, the pope tells Lion that Herpin died during a pilgrimage. The pope summons the only witness of the incident, Gaudiffer de Savoie, and he orders him to take Lion to the grave of Herpin. Gaudiffer accepts, since this is his opportunity to rid himself of the son as well.
Ensi per deden Rege s’alloient devisant.
Atant es vous li messaige c’on pallas vait entrant.
11780Il demande le duc et on li vait moustrant;
Adont per devant ly se vait agenoillant,
Et si lou salluait haultement en oiant
De celui que pour nous volt naistre en Beliant
11784Et morir en la croix pour nous faire garant.
Et li duc li ait dit: « Bien soie tu venant,
Amis; et dont vient tu? Ne lou me va cellant. »
Et cis li vai le brief ynellement tandant,
11788Et li duc de Callabre le ressut maintenant;
Et quant la lettre tint, la cire vait froissant;
Pués lisit la tenour et vai deden trouvant
Que Genoivre sa niesse li vai briefment mandant
11792Qu’a l’abaye viengne que en Puille est ceans,
Et la porait trouver en ceu lieu habergans
Florantine la belle que il desire tant.
Quant li duc de Callabre vait la chose escoutant,
11796« Comment Jhesu de gloire si me vait bien aidant!
Genoivre ma cousine que j’allait banissant
Ait trouvee m’amie Florantine au corpz franc
Deden une abbaye. Chevalier, or avant!
11800Faite mettre ma selle ou destrier aufferant.
Qui m’ayme si me xeuce et a Dieu vous commant,
Car joie n’arait en jour de mon vivant
Tant que j’arait la belle que je desire tant! »
11804Le prince de Tarante le vait hault escriant:
« Sire colsin, dist il, entandez mon samblant:
Se croire me vollez, je vous jure et creans
Que chescun vestirait le hauber jozerant
11808Et arait en son chief le hialme lusant.
On ne sceit a la foid qui on vait encontrant,
Et hons qui est en guerre et qui se va doubtant
Ne doit par le pays aller cheminant
11812Qui ne soit aprestés d’avoir son couvenant
Pour deffandre son corpz s’on lou vait assaillant.
- Per ma foid, s’ai dit li duc, tu ais le cuer saichant. »
Trousser vont lour armure, le cherroy va devant.
11816Le prince de Tarante vait le duc tost suyant,
Li senechault lombart ne vait mie arestant,
Et cinc cent chevalier qu’escuier souffisant
S’en vont aprés le duc durement cheminant.
11820Or voit Dieu, c’il li plait, Florantine aidant,
Car se Dieu ne li vait forment renouvellant…
Li duc Garnier chevalche et su appartenant,
Et per neut et per jour se vait fort esploitant;
11824Et tant ait chevalchiér, se dist nostre romant,
Que l’abbaye voit et le biaulz lieu plaisant.
Au prince de Tarante le vai briefment moustrant,
Et li ait dit: « Cosins, entandez mon samblant;
11828Velay le proppre lieu que tant voy desirant
Ou celle est ostellee qui fait m’ait si dollant.
Or allons de parrt Dieu fierement esploitant,
Car je desire moult que je y voise entrant. »
11832Et li prince respont: « Tout a voustre commant. »
Dont brochent lez chevalz et chevalchiér ont tant
Que per devant l’abbye se vont arestant.
A la porte trouverent l’abbause souffisant,
11836Et li duc ait dit quant la vait regardant:
« Dammedieu vous benie qu’an la Vierge plaisant
Volt envoier son filz pour nous faire garant. »
Et l’abbesse se vait forment humilliant;
11840Adont li vait li duc vistement demandant:
« Damme, arait je hosteit en vous lieu souffisant
Affin que nous despens vous irait bien paiant? »
Et la damme respont: « Il est a vous commant. »
11844Adont l’an vait li duc moult forment merciant.
En l’abbye est entréz ly et cez sergens.
En cez estauble vont lour chevalz establant.
N’i ot bergerie qu’i ne voissent emplant,
11848Ne saulle ne cusine ou ne voissent logant.
Et Marie qui vait Florantine servant…
La damme n’alloit point de sa chambre issant;
Bien poc y vait Marie, maix bien vit l’aparant
11852Du pueple qui s’alloit droit leans amaissant.
Marie demandait tantost a ung sergens:
« Comment ait nom li sire que telz gens va servant? »
Et cis respondit haultement en oiant:
11856« C’est li duc de Callabre au herdis couvenant. »
Quant Marie l’oyt si muait son samblant.
Quant Marie ot celui que li ait recordee
Que le duc de Callabre qui ait le cuer dervéz
11860Estoit la descendus, moult ot le corpz yrés,
Et dit: « Sainte Marie! L’apportent si li malfelz!
Li diable d’infer l’ont icy arivér. »
A Florantine vint, tantost li ait comptér:
11864« Damme je doubte moult, per ma crestienteit,
Que ne soions cognute en yceste hyretez,
Car li duc de Callabre a son riche bernez
Est [en] yceste abbaye, j’an sai la veriteit.
11868Je croy bien per ma foid que Genoivre l’ait mandér. »
Quant Florantine l’ot, s’ait tanrement plorér,
Et dit: « Laisse, mechant, j’ai trop sy demorér;
Je me doubte forment que ne me torne a viltez!
11872Ay, Lion, dous amis, ja m’aviez vous mandéz
Que seriez ceans ains que fuissent paisséz
Doulx jour acomplir! Ainsi le m’ait comptér
Ung verlet que orain me dit la veriteit;
11876Et se cis duc m’anmayne, mal m’est allés! »
La soupire la damme, tanrement ait plourér.
La damme fuit dollante, en lie n’ot qu’esmaier.
Assés ploure et souppire, ne ne sot concillier.Ou celle est ostellee qui fait m’ait si dollant.
Or allons de parrt Dieu fierement esploitant,
Car je desire moult que je y voise entrant. »
11832Et li prince respont: « Tout a voustre commant. »
Dont brochent lez chevalz et chevalchiér ont tant
Que per devant l’abbye se vont arestant.
A la porte trouverent l’abbause souffisant,
11836Et li duc ait dit quant la vait regardant:
« Dammedieu vous benie qu’an la Vierge plaisant
Volt envoier son filz pour nous faire garant. »
Et l’abbesse se vait forment humilliant;
11840Adont li vait li duc vistement demandant:
« Damme, arait je hosteit en vous lieu souffisant
Affin que nous despens vous irait bien paiant? »
Et la damme respont: « Il est a vous commant. »
11844Adont l’an vait li duc moult forment merciant.
En l’abbye est entréz ly et cez sergens.
En cez estauble vont lour chevalz establant.
N’i ot bergerie qu’i ne voissent emplant,
11848Ne saulle ne cusine ou ne voissent logant.
Et Marie qui vait Florantine servant…
La damme n’alloit point de sa chambre issant;
Bien poc y vait Marie, maix bien vit l’aparant
11852Du pueple qui s’alloit droit leans amaissant.
Marie demandait tantost a ung sergens:
« Comment ait nom li sire que telz gens va servant? »
Et cis respondit haultement en oiant:
11856« C’est li duc de Callabre au herdis couvenant. »
Quant Marie l’oyt si muait son samblant.
Quant Marie ot celui que li ait recordee
Que le duc de Callabre qui ait le cuer dervéz
11860Estoit la descendus, moult ot le corpz yrés,
Et dit: « Sainte Marie! L’apportent si li malfelz!
Li diable d’infer l’ont icy arivér. »
A Florantine vint, tantost li ait comptér:
11864« Damme je doubte moult, per ma crestienteit,
Que ne soions cognute en yceste hyretez,
Car li duc de Callabre a son riche bernez
Est [en] yceste abbaye, j’an sai la veriteit.
11868Je croy bien per ma foid que Genoivre l’ait mandér. »
Quant Florantine l’ot, s’ait tanrement plorér,
Et dit: « Laisse, mechant, j’ai trop sy demorér;
Je me doubte forment que ne me torne a viltez!
11872Ay, Lion, dous amis, ja m’aviez vous mandéz
Que seriez ceans ains que fuissent paisséz
Doulx jour acomplir! Ainsi le m’ait comptér
Ung verlet que orain me dit la veriteit;
11876Et se cis duc m’anmayne, mal m’est allés! »
La soupire la damme, tanrement ait plourér.
La damme fuit dollante, en lie n’ot qu’esmaier.
Assés ploure et souppire, ne ne sot concillier.
11880Et li duc de Callabre quant se va habergier
Per deden l’abbaye, Genoivre san targier
S’an allait contre lui pour son corpz festyer;
Et li duc li demande: « Et ou est ma mollier,
11884Florantine la belle que j’ayme du cuer antier? »
Et Genoivre respont: « Bien le sai ensignier.
Venés vous an avuec moy san point de l’estargier
Et je vous moustrerait la belle au corpz ligier. »
11888Et li duc respondit: « Ceu fait a ottroieir. »
Genoivre va devant et li duc vai dairier.
A la chambre s’an vint; quant le dut approchier,
Tost et ysnellement s’an vait a l’ux busquier,
11892Et Marie li vint tantost deverrollier.
Quant elle vit Genoivre si se print a signier,
Et li duc li ait dit san point de l’estargier:
« Marie, je vous doie poc amer et prisier
11896Qu’ainsi de Florantine me faites eslongier.
Mais sitost que porait a Rege repairier,
Saichiez je vous ferait ardoir et essillier!
- Sire, s’ai dit la damme, si m’en doit annoier. »
11900Li duc entre en la chambre, si prist a regaitier
Et voit deden ung lit Florantine mussier.
Plux mallaide se fait qu’elle n’eust mestier;
Elle avoit le sien chief sus ung orillier
11904Et li duc la sallue san point de l’estargier.
Oyez de Florantine que sot bien lozangier:
Quant elle vit le duc ver lie approchier,
Si dit: « Bien vingniez, sire, per Dieu le droiturier;
11908J’avoie de vous veyr aussi grant desirier.
Seés vous delez moy, a vous vuelz plaidoier. »
Et quant li duc l’oyt, en lui n’ot qu’aliessier;
Si joiant fuit au cuer quant l’oyt desraingnier,
11912Ne volcist pais tenir tout l’or de Monpellier.
Dever le lit se vait ung petit apoieir,
Et pués li ait dit: « Damme, ne vous pouez dressier?
- Nennin, dit Florantine, per le corpz saint Richier!
11916Pués que je me partit de vous saulle l’autrier
Ne pot se petit nom ne boire ne mengier.
Forment me sus repantie quant m’en volt eslongier.
Si vos dirait pour quoy il m’en doit ennoier:
11920M’amour avoie mis en Lion le guerrier,
Mais j’ai fait follie que tant l’ait heu chier,
Car il n’est point loialz, bien le puez tesmoingnier.
A Clarisse vous suer c’est vollus aquointier.
11924Mais per celui Signour qui tout ait a jugier,
Je me laroie ansois tous lez membre tranchier
Que jamais li garson m’eust a mollier;
Et se vous me vollez jurer et fiancier
11928Que vous vous penerés de ly a dapmaigier
Et de la villonnie qu’i m’ait faite vangier,
Que se vous le poués ne tenir ne baillier
Que vous n’an pranderés ne maille ne denier
11932Que vous ne li faissiez la teste jus rongier
Ou pandre a une fourche comme laron murdrier,
En couvent vous arait, sur Dieu le droiturier,
Que jamaix en ma vie ne vous volrait laissier;
11936Ains vorait voustre corpz prandre et nossoieir,
Car ja n’arait Lion li cuver pautonnier
Que pour voustre suer m’ait ainsi vollut oblieir! »
Et quant li duc l’oyt, Dieu print a graicyer,
11940Et dit: « Dammedieu tenés ma foid san detryer,
Tout ainsi le vous ferait que volrez ottroier. »
« Damme, s’ai dit li duc, sur serment vous pués jurer
Que se vous me vollez per amour espozer,
11944Que de Lion ferait le pays descombreir
Et le vous randerait quoy qu’i doie coster;
Et pués si lou ferait au gibet trayner
Et ma suer volrait faire ardoir et enbraiser. »
11948La damme print la foid, bien le solt engigner,
Et pués se li ait dit: « O vous m’en vuelz aller,
Mais je sus si mallaide qu’i vous fault awarder
Au main ung jour ou doulx que je puisse lever
11952Et souffrir chevalchier ou en ung cher mener.
- Damme, s’ai dit li duc, ceu fait a creanter;
Tout ceu que vollez dire, ne doie pais reffuser;
Maix d’unne chose vous prie, bien le dobvez agreer:
11956Qu’a Genoivre vuelliez son meffait pardonner.
- Sire, s’ai dit la damme, je m’y vuelz acorder.
Faite que je lou voie, car moult le doie amer,
Car pour la moie honnour me fist a vous livrer.
11960Maintenant m’enpersoit et ce lle voy bien cler. »
Adont fist on Genoivre vistement appeller.
Elle vint en la chambre, print le a salluer
Florantine, la damme qui tant fist a loeir.
11964Et celle li ait dit, si c’on l’oys bien cler:
« Genoivre, je vous vuelz vous meffait pardonner,
Car oncque enver my ne volcist rien penser;
Se vous eusse creus ne fuit pour amander,
11968Et pour ceu que mon corpz vuelliez amonter.
Mais amour m’ait fait ung garson enamer
De quoy per nezung tour ne m’en pouoie oster;
Or ait tant fait ver moy, se Dieu me puist aidier,
11972Que je volroie jai c’on laissaist encrouuer.
- Damme, s’ai dit Genoivre, Dieu vous ait fait parrler…
Et que lou riche duc vollés honnour porter.
- Per Dieu il se puet bien vanter
11976Que je sus tout a ly san jamais dessevrer.
A signour le volrait se je puét recullier,
Se Jhesu Crist me fait de ceu malz repaisser. »
Ensi fist Florantine per saigement parrler
11980Tant que li duc Garnier s’i vait dou tout fyer.
Mais autant li venist aller piere pourter.
Mais il n’est nulz vivans qui se puist garder
De l’engin d’unne femme quant son fait vuelt celler,
11984Car quant elle se vuelt d’un mallice aviser
Pour homme dessevoir, desdirre et enchanter,
Elle en vient au quoron et le fait demener
Tout en teille maniere qu’elle le sceit panser;
11988Et s’il est nulz venans qui se vuelle garder
De l’engins d’unne femme, biaulz li vuelz moustrer:
De chose ne la croie qu’elle saiche jurer;
Ensi ne lou porait nulle femme atraper.
11992Per ceste Florantine le peust on prouver;
Tant homme ne haioit en terre ne en mer
Qu’elle faisoit le duc dont vous m’oez conter.
Pour ceu qu’elle en volloit le pays delivrer
11996Li avoit fait antandre, per bialz samblant moustrer,
Que s’amour de nouvelz li ot vollut donner.
Icyfaite science, signour, doit on loeir,
Car jamaix hons vivans ne lou voroit pancer.
12000Le duc fait Florantine servir et honnorer,
De tout bien li ait fait devant lui apporter,
En mengent avuec ly pour ly a deliter;
Et Marie quant vit sa damme demener
12004En yceste maniere et le duc enchanter,
Droit en ung lieu privés vait cez ris geter,
Et dit: « Sainte Marie, car vuelliez amener
Lion li donselz qui nous puist acquiter! »
12008Ung messaigier envoient devant pour lui haister,
Et li fait ceste chose dire et deviser.
Et li més se partit qui ne volt arester.
A dis lieue, signour, si comme j’oys conter,
12012Trouvait le messaigier Lion le baicheler.
Lors qu’il appersoit Lion l’est allér salluer;
Il lou cognissoit bien, a lui allait parrler,
Et il ait a Lion la nouvelle contér,
12016Qu’an l’abbaye poroit Florantine trouver.
Sitost que le messaigier ait appersut Lion,
Haultement le sallue et benist a randon.
« Sire, s’ai dit li messaigier, oiez que dirait on;
12020Merveille vous dirait, maix qu’oyr me puist on:
Deden celle abbaye dont je fais mencion
Ou Florantine avoit prinse mancion,
Vint gesoir a hosteilt (que vous celleroit on?)
12024Li fort duc de Callabre qui Garnier ot a nom,
Et l’ont acompaingniér bien cinc cent compaignon.
Li duc ait trouvee, pour voir le vous dit on,
Florantine la belle a la clere faisson;
12028En la chambre amener a la damme le vint on.
Je ne sai que ceu fist, per Dieu ne per son nom;
Florantine li ait presentéz a bandon
Son corpz et sa jovante et de s’amour le dont.
12032Mais saichiez que se n’est fors que per trayson,
Car bien sceit vous venue, devant yer li dist on.
Elle se fait mallaide en grande chetivison
Et ait le duc priéir per teille condicion
12036Qu’i vuelle tant attandre d’aller en son roion
Qu’elle le puist consantir sans avoir mesrison
Ou mener sus ung cher contrevalz le sablon. »
Et quant Lion l’oyt, si levait son menton,
12040Et dit: « Vierge Marie, royne de grant nom,
Que Florantine est plenne de bonne avision!
C’est tout pour dessevoir le traytour felon
Et que puisse venir ains sa despartisson.
12044Or chevalchiez, signour, pour Dieu vous en prion!
Jamaix n’averait joie en ma condicion
Si arait la pucelle qui me tient a baron.
Bien serait secorrue s’i plait au roy Jheson! »
12048Pués chevalchent ensamble le pas et le trotton;
Trestoute la neutie chevalchent a bandon.
La rue fuit penable, raciez y ot foison.
Tout droit per ung juedis que miedi sonnoit on
12052Vinrent en ung bocquet nous chevalier baron.
Pres fuit de l’abbaye le trait d’un bougon.
Lion en appellait vistement le garson
Que premier li avoit fait l’everitasion.
12056« Amis, s’ai dit li anffe, pryer te voroit on
Que vous en allissiez san nulle arestisson
Per deden l’abbaye que tant ait de renom,
Et si me sceussiez a dire la faison,
12060En queil point ons y est, n’en quelle establisson.
- Sire, dit li messaigier, tost le vous dirait on. »
Ver l’abbaye s’an vait, n’i fist demorison,
Ou Florantine estoit a moult grant souppeson.
12064Marie ait appellee quoiement a lairon:
« Marie, dit la damme, pryer vous voroit on
Que vous envoyssiez ung messaige a Lion
Pour savoir ou il est, se il est gaire loing.
12068- Damme, s’ai dit Marie, envoiéir li avons.
Saichiez que j’aitant asseztost l’ocqueson
Selui qui y allait porter mon quoiregnon.
- Hé, Dieu, s’ai dit Florantine, que souffrit passion,
12072Amie, que vous estez de bonne avision!
Je prie a Jhesu Crist et a salvalcion
Que encor vous en puisse randre le guerrandon. »
Le prince de Tarante, le senechault Guyon,
12076Que venoient disner en la chambre de nom
Ou on fist apporter le noble venison
Et le pain et le vin, la chair et lez chappon;
Quaitorze chevalier tout d’unne estraccion
12080Estoient en la chambre dont je fais mencion
Pour dysner la androit en consollacion.
Pour apparrillier lez tauble assis sont li baron.
A celle parrolle est entrés li garson
12084Qui envoiér avoit li damoisialz Lion.
Il ait trouvee Marie per delez ung paron.
Quant Marie le voit, ains tel joie n’ot on.
Quant Marie persoit le garson repairier,
12088Celle parrt en allait, si lou print a empugnier
Et pués l’amenait droit en ung vergier,
Et lors de cez nouvelle le print a cerchier.
Et cis dit errant: « Per saint Richier,
12092Ay laissiéz Lion en ung bocquet plannier
Ou ferait bien traire a ung cop ung archier,
Mais ne volt plux avant venir ne approchier
Tant que ceust l’estet du traytour Garnier. »
12096Quant Marie l’oyt, Dieu prist a graicyer.
Pués li dit liement: « Pansez du repairier,
Et se dit a Lion le nobille princier
Que li duc de Callabre est assis au mengier
12100Per devant Florantine la cortoise mollier
Qui est deden son lit per dessus l’orillier.
La sont pour lui servir quaitorze chevalier.
Dite ly qu’il se haiste et panse d’esploitier,
12104Per quoy le traytour puist l’escot paier. »
Et cis ait responduit: « Ceu fait a ottroier. »
En cez mot se partit ensi que levrier
Qui est desus lez champz quant on le fait chaissier.
12108Venus est au bosquet ou sont li soldoier
Qui resinglér avoient la androit lour destrier.
Li més est venus a Lion san noisier.
« Sire Lion, dist il, pancez du chevalchier
12112Per dever l’abbaye san plux a estargier.
En la chambre la damme Florantine au cuer chier
Sciet li duc de Callabre et su hons au mengier.
Il sont en sa compaingnie quaitorze chevalier
12116Qui servent Florantine de cez morcialz taillier.
Or vous mande Marie que le cuer ait ligier,
Chevalchiez vistement pour voustre duelx vengier,
Et se faissiez chescun bien son escot paier,
12120Au main que chescun y laisse son hennepier. »
Et quant Lion l’oyt soy print a escryer:
« Signour, or vous pancez de bien apparrillier,
Car il nous covient faire ung grant estour plennier.
12124A honnour nous en laist Jhesu Crist repairier.
- Amen, » font li baron et tout li soldoier;
Chescun vait en son chief le haubert laicier.
Or dirait de Marie que pour resclairier
12128Florantine sa damme ou il n’ot qu’esmaier,
En la chambre est entree ou sont li paltonnier.
Pais ne pot a sa damme parler ne desraingnier,
Car a cez escueille avoit le duc Garnier;
12132Le prince de Tarante servoit a ly taillier.
Adont devant sa damme commansait a jocquier.
La damme le regarde qui le print a aviser.
Quant Florantine vit per devant ly Marie,
12136Li ait getér ung ris et pués li signiffie
Que Lion entreroit tantost en l’abbaye.
Quant Florantine voit et la chose ait choisie,
Or ne puet plux tenir la damme que ne rie.
12140Et quant li duc le voit, adoncque li escrie:
« Damme, comment vous est? Ne lou me cellez mie.
- Sire, s’ai dit Florantine, je sus presque garie.
Demain cheminnerons que l’aube yert esclarie. »
12144Et quant li duc l’oyt, Jhesu Crist en graicie,
Et dit: « Vray Dieu de gloire qui tout ait en baillie,
Comme cest damme cy c’est ver moy apaisie!
L’autre jour me haioit, or esse ore m’amie.
12148Jamais ne chesserait enver lui boisserie,
Mais honnour li ferait et grande cortoisie. »
Lors dit a Florantine: « Damme, je vous otrye
Mon corpz et mon avoir arés en vous baillie,
12152Et vous vangerait bien ains l’annee acomplie
Du traytour Lion que Dammedieu maldie,
Que ma suer enmenait per sa grant derverie.
Il en serait panduit, si en serés vangie.
12156- Sire, dit Florantine, pour Dieu je vous en prie. »
Adont la gentilz damme est contremont dressie.
Son pellisson vestit, toute la compaingnie
S’an resjoyt pour ly, pour ceu qu’estoit gairie;
12160Mais ne savoient mot, pour voir le vous affie,
Comment seront servis ains que parrt la neutie,
Car Lion chevalchait avuec sa compaingnie
Et jure Dammedieu le filz sainte Marie
12164Qu’au riche duc Garnier torait briefment la vie.
Helais, il ne savoit le duelx et la haichie
Que il li avanrait ains l’oure de complie,
Ainsi que je dirait, mais c’on ne m’en soingnie.
12168Or chevalche Lion et cez riche bernez;
Tant s’aploitait li anffe qui fuit preus et senez
Que deden l’abbaye est li donsialz entréz.
Au lez dever le cloistre c’est acheminéz
12172C’un verlet le conduit qui fuit bien doctrinér.
Lion en ait cez homme vistement appellér,
Et lour ait dit: « Signour, icy m’atandez,
Et je yrait my trantime richement aornéz;
12176Droitement a la chambre yrait se lou loez,
La ou li duc Garnier est avuec cez privés,
Et se besoing m’estoit tantost me secorrez. »
Et cil ont responduit: « Si comme vous commandez!
12180Et garderons la voie que nulz n’i soitantréz. »
Dont se partit Lion li damoisialz senés;
Le verlet le conduit que lez voie sot assez.
Venus est a la chambre, li huix n’est pas serréz
12184Mais ensoy estoit ouver; li més c’est escryés:
« Sire Lion, ait dit, si androit trouverés
La belle Florantine ou grande est li bialteit. »
Atant s’an est Lion tout oultre paisséz;
12188Regarde le mengier que bien fuit estorér,
Et voit dessus cez tauble cez grant pawon lardéz,
Hanep et couppe d’or la ou fuit li clarés.
Lion sault en la chambre ensi comme dervés;
12192A sa voix qu’il ot clere c’est li anffe escryés,
Et dit: « Duc de Callabre, voustre escot comptez,
Car de gaige et d’ergens tantost me paierez! »
Et quant li duc le vit, il lou cognut assez.
12196Lors dit a Florantine: « Damme, trayr m’avés!
Per le voustre consoille sus cy trop demoréz
Et vous saviez moult bien que Lion li doubtéz
Vanroit icy a tauble a cez riche bernez.
12200- En nom Dieu, dist la damme, ceu est veriteit,
Car j’ameroie muelx que fuissiez decolléz
Que jamaix en vous vie fuissiez mon espozés!
Ains le serrait Lion ou mez cuer est donnéz. »
12204Dont c’escrie la belle: « Lion, avant venés;
De ceu felon traytre briefment me descombrez! »
Et Lion sault avant, li damoisialz senés,
Et tint une espee dont li branc fuit lettréz.
12208Enver le duc s’estent et si est aprestéz
D’ossire le glouton que tant li fist grieftez.
Mais ung franc chevalier c’est ez cop boutéz
Pour garantir le duc qu’i ne soit vergondér;
12212Et Lion le ferit, du brant li est allés
Permy le haisterel fuit si bien assenés
Que li hanepier en est en son hanep vollér:
Li vin qui estoit blanc fuit en rouge mués.
12216Garno son escuier s’i est bien esprouvér;
Il respandent lez tauble, li mengier est versér.
Callabrien se leverent grain et espouantéz
Et Lion lez assault comme damoisialz membréz.
12220- Li senechault persut, enver lui est alléz;
Pour lui ferir ou chief c’est tantost aprestéz,
Mais il gainchit ung poc et li cop est allér;
Dessus la destre oreille est li branc arestér;
12224Toute jus li tranchait que rien n’i est remés,
Et li senechault crie que moult fuit enhisdéz.
A ung mur s’apoiait, la c’est acouvetér
D’unne grande fenestre dont bien fuit avisés.
12228Le prince de Tarante fist ver ly ajuster
Et li duc de Callabre estoit a l’autre lez,
Et Lion et sy homme ont ossis et tuér
Au quelz pres tout lour homme; Lion s’an est allér
12232Tout droit a Florantine ou grande est li biaultez,
Et se li vait baisier et la bouche et le neif.
Et la belle li escrie: « Bien soiez vous trouvéz!
Je vous prie pour Dieu que fuit ressuciteit
12236Que de ceu duc Garnier briefment me descombrez. »
Dont se dresse Lion, ver le duc est alléz;
Forment lez assault comme lion crestéz.
Mais entrant qu’il estoit en la chambre merlér
12240Avint a cez baron trop grande crualteit,
Car li Callabrien qui lez ont regardér
Seurent per lour espie, se dit l’auctoriteit,
Que se sont Sezillois, dont c’est chescun arméz.
12244Quant li Callabrien sorent toute l’ocqueson,
Az arme sont corrus san nulle arestisson;
Au Sezilloy vinrent commancier la tanson.
La ot grande baitaille et fier occission.
12248Contrevalz l’abbaye s’apandent a bandon;
Lez nonnain y avoient grande confusion;
Mais pour lez Sezillois dont je fais mencion
Alla la chose malz pour yaulz, se dit on:
12252Li fel Callabrien qui sont fier et fellon.
La orent Sezillois teille perdicion;
Tout furent desconfis et mort san ranson.
Cilz qui eschepper puent s’anfuyent de randon,
12256Et li Callabrien n’i font arestisson.
Ver la chambre s’an corrent, a fforce et a bandon.
La trouverent le duc en teille subieccion
Que ne savoit que faire ne li aultre baron;
12260Il estoient navréz a grant destrucion.
Et li Callabrien c’escrient a hault son:
« Sire, duc de Callabre, vous n’arez se bien non,
Per tant arés secours et s’ocirons Lion! »
12264Et quant li anffe voit et antant l’ocqueson,
Adont prist a corner son grant cor de laiton;
Maix c’est pour niant, bien dire le puet on,
Car mort et prins estoient cez loialz compaingnon.
12268Lion sonne son cor briefment a la vollee,
Maix pour niant le fait, c’est veritez prouvee;
Et li Callabrien commancent la merlee:
La ot maint cop ferut et de lance et d’espee;
12272La gent Lion y fuit toute occis et tuee.
Et, Dieu, que Florantine y fuit espouantee!
Et Marie la belle estoit moult esploree;
Et Lion se deffant a la braisse quaree.
12276Garno estoit lez lui, cui arme soit salvee,
Car pour l’amour Lion ot grant payne enduree.
Et li duc c’escriait a moult haulte allenee,
Et ait dit tout en hault: « Bonne gens enduree,
12280Randez moy vif Lion qui tant ait renommee!
La justice en ferait en ma citeit louuee
Teille que jugeront li per de ma contree. »
Lors assaillent Lion en la chambre pavee,
12284Et cilz se deffandoit a chiere redoubtee
En reclamant cely qui fist cielz et rosee.
« Hé, Dieu, s’ai dit Lion, que [fist] la mer sallee
Et le pisson noyant et l’oisel en la ramee,
12288Comme grande meschance est per dever moy tournee!
Bien me dit mez compain qui tant ait renommee
Que je chier comparreroie ains que paissait l’annee
L’amour que ver Clarisse fuit per moy demenee.
12292Hé, amie loialz, comme dure destinee!
E, Florantine suer, damme d’onnour paree,
Se fuissiez en Sezille, voustre terre loee,
De mon annoy que j’ai ne donnaisse rien nee!
12296Car bien l’ait desservir, se m’arme soit salvee,
Car ver vous ait ouvréz per euvre desrieullee
Et vous avés estéz ver my loialz prouvee,
Et per vous loialteit serez a mort livree. »
12300Dont fiert Callabrien a chiere redoubtee:
Teste, bras lour trenche, teste et eschinee.
Et Garno li escrie san nulle demoree:
A, sire, fait il, vecy povre jornee,
12304Morir nous covanrait ains qu’il soit l’avespree.
- Per foid, dit Lion, n’acontesse rien nee
Se Florantine fuit de ceans escheppee
Et vous et my baron qui mort ont enduree;
12308Je n’acontesse a my une pomme pellee! »
Moult fuit dollant Lion, Dieu alla reclamant,
Et li Callabrien le vont bien assaillant.
Maint cop li ont donnér et dairier et devant.
12312Prinrent le belz Garno et si lou vont randant
Au riche duc Garnier que lour dit en oiant:
« Or me randez Lion, car je lou vous commant! »
Adont li Callabrien assaillirent l’anffan.
12316En plux de trante lieu li vont le corpz navrant
Et il se deffandit a loy d’omme vaillant;
Tant qu’espee li dure lez vait bien maistriant.
Mais de la riche espee la androit ferit tant
12320Que en droit le moilon allait permy rompant.
Adont de cez douz poing y vait maint cop donnant,
Mais Callabrien le vont si fort approchant
Qu’a terre l’abaitent, la lou vont saissisant,
12324Car ung homme contre mil ne puet avoir garant.
Prins l’ont et retenus, et si lou vont livrant
Au riche duc Garnier que le cuer ot joiant.
Il ait dit a Lion: « Foid que doie saint Amant,
12328Ne vous randeroie pais pour d’or fin vous pesans.
Ansois vous ferait pandre comme lairon puant,
Et per encoste vous Garno voustre sergens,
Et ardoir Florantine deden ung feu ardant.
12332Jamais n’arait en ly fiance, ne tant ne quant,
Ne a Marie aussi, le cuer au soldoiant.
Toute doulx seront arse deden Rege la grant. »
Et quant Lion l’antant Dieu en vait reclamant,
12336Et dist: « Biaulz sire Dieu, quelz meschief aparant!
Bien me dit mez compain chier yroie achetant
Le peschief que je fis; bien m’en voy percevant!
Morir me couvanrait a loy de soldoiant.
12340Hé, Florantine, doulce amie, je vous voy plus plaingnant
Que je ne faice moy, foid que doie Dieu le grant,
Car vous allez a tort celle payne endurant:
C’est pour vous loialteit qui en vous va menant,
12344Et je muer per l’outraige que j’ai fait devant. »
Adont vait li donsialz moult doulcement plorant;
Garno son escuier ot moult le cuer dollant.
Li duc a Florantine en vint tantost corrant,
12348Haultement li escrie a sa voix hault et grant:
« Damme, sis est chetis qu’an vous se vai fians.
Pais ne demoure en vous ne en vous couvenant
Que je n’aie estéz prins de Lion voustre amant;
12352S’an ait li senechault ung escombrier pesant,
Car l’oreille ait tranchie a l’espee tranchant.
Maix foid que je doie Dieu le Perre Roy amant,
Sitost que je volrait a Rege venant,
12356Je vous ferait ardoir et Marie devant,
Et Lion voustre ammi pandre comme recreant. »
Adont vait la pucelle forment soupirant.
Lion fuit en ung lieu loiéz en ung cherchant
12360Lez feir en cez piez, si lou gardent sergens;
Il estoit si navréz, pour voir le vous creant,
Qu’a tous lez lez de son corpz vait le sang raiiant.
Lion fuit moult dollant, en ly n’ot qu’ayreir;
12364Tenrement soupiroit, Dieu print au reclamer,
Et dit: « Biaulz sire Dieu qui tout ait a salver,
Que feys cielz et terre et le poisson en la mer
Et volz le tien corpz pour nous a raicheter
12368Laissier mettre en la croix pour la mort endurer,
Et Longis te ferit au cuer sans arester
Dont il fist de ton corpz yauwe et sang degoutter,
Depués li volt li sanc sa clarteit enluminer
12372Et te priait mercy, tu li volt pardonner;
Pués volt de mort a vie le trois jour ressuciter
Et a l’Ansancion lassus ou ciez monter,
Et Marie ta mere delez toy coronner;
12376Vray Dieu, si comme est voir que volt ainsi ouvrer,
Si me vuelliez, biaulz Sire, mon meffait pardonner
Et le Blanc Chevalier me vuelliez ramener
Que ancor neut me puist de mort delivrer
12380Et ma loialz amie ariere ramener;
Et que tant puisse vivre, plux ne vuelz demander,
Que je puisse mon perre et ma mere trouver,
Car ceu est une chose que moult doie desirier. »
12384Ensement dit li anffe ou il n’ait qu’amander.
Lez plaie d’antour lui vait li anffe rebander,
Ains ne pot avoir mire pour [lui] medeciner.
Et li duc de Callabre fist le hernex trosser;
12388De l’abbye se vont partir et dessevrer,
S’anmayne Florantine que le viaire ot cler
Et Marie delez lie que ne fait que soupirer;
Et Genoivre la malle ne fine de chanter.
12392Il fist sur ung destrier le belz Lion monter;
Lez main li fist loyer, et lez piedz san tarder
Desous son chevalz fist d’unne corde nouuer,
Et Garno assiment ait fait atorner.
12396Trestout maynent grant duelz, se puet on bien prouver.
Chescun cudent morir, ne n’osoient parrler
De nulle raenson pour yaulz a delivrer.
Lion ploure et soupire, print au regretter
12400Florantine s’amie que le viaire ot cler,
Et dit: « Damme loialz, comme il me doit peser
Que vous avez per moy tant de mal a ppourter.
Je prie a celui Dielx que tout ait a governer,
12404Que il vuelle, s’il li plait, vous mort pardonner,
Car per moy vous faurait de ceu ciecle finer. »
Le senechault le vient bien souvant degaiber,
Et li ait dit: « Lion, Dieu vous puist crevanter!
12408L’oreille m’ait tranchie, ne m’oserait moustrer;
Jamaix moustrer mon chief ne chaipperon oster.
Maix j’an serait vangiér, tu ne puez destorner,
Car je vous enverrait voustre teste coper!
12412Vollantier vous yroie de ceu baston fraipper.
- Hé, glous, s’ai dit Lion, laisse ton sermonner,
On ne doit ung prison baitre ne formener. »
Moult fuit Lion dollant quant s’oyt menessier
12416Du senechault lombart qui cuer ot lozangier.
Le prince de Tarante le revint proichier,
Et li ait dit: « Lion, que ne vous vient aidier
Yci Blanc Chevalier que fait tant a prisier?
12420Jamaix ne lou verrez avuec vous chevalchier;
Per devant Monterose le hault chaistel plennier,
Le vy gesir mort contrevalz le santier.
- Hé, gloux, s’ai dit Lion, Dieu te dont encombrier!
12424Je sai bien commant en vai, or en lai plaidoier
Car li Blans qui m’aidait si bien a tornoier
N’est mie ancor mors, foid que doie saint Richier.
Mais cis que tu ossis a l’espee d’aicier
12428Estoit ung sien colsin qu’avoit a nom Rengnier. »
Quant li prince l’antant si l’an print a mocquier.
Enver Rege chevalchent sergens et escuier.
Li duc mayne grant joie, en lui n’ot qu’esliaissier.
12432Lez Florantine va en contrevalz l’erbier,
Et la belle soupire, n’i ot que corroucier,
Et dit: « Biaulz sire Dieu, comme mortel encombrier!
Dieu, c’il vous plait, vuelliez a moy mort envoier. »
12436Et li duc li dit: « Damme, per Dieu le droiturier,
Voustre ammi vous ferait temprement nossoier,
Maix cy est une fourcque… c’ons yrait au mostier,
Ou je lou ferait pandre comme lairon mordrier.
12440Per desous vous ferait ardoir et essillier.
– Sire, dit Florantine, si m’en doit annoier,
Maix n’aconte a ma mort le rain d’un ollivier;
Maix que li damoisialz n’i eust encombrier.
12444Pleut Dieu morte fuisse sans avoir recovrier
Et Lion escheppest sains et salf et enthier!
Car c’il estoit en vie bien me poroit vangier.
Et pués qu’il doit morir, je ne vuelz pais prier
12448Que je puisse eschepper, car je n’an ait mestier.
Je ne vuelz jamaix ne boire ne mengier. »
Et quant li duc l’antant en ly n’ot qu’ayrier.
Li duc fuit moult dollant quant la pucelle antant.
12452Et Lion li vaissalz se demente souvant
Et reclamme de cuer le Perre omnipotant.
Bien cude aller morir sans aligement
Son loialz compaingnon qu’il amoit loialment;
12456Maix il arait secours assez haistivement,
Car Dieu ot pardonnér Lion son maltallant,
Car penance ot souffert assez et longuement.
Pour ceu li envoiait pour son aligement
12460Son loialz compaingnon qu’il amoit loialment.
C’est li Blanc Chevalier au fier contennement
Qui avoit tant priér a Dieu omnipotant
Qu’il peust secorrir Lion au fier tallant,
12464Dieu li ot ottroiér per son commandement.
Vint li Blanc Chevalier pour aidier humblement
Le damoiselz Lion qui le cuer ot dollant.
Lion ait regardéz per dever Oriant,
12468S’i voit per lez champz acorrant une gens
Qui trestout relusoient comme or qui replant.
Et li Blanc Chevalier venoit premierement
Et se sambloit moult bien a cez estorement
12472Qu’il amenaist o lui pour son efforcement
Quaitre mille vaissalz vestir d’un parrement.
Et quant Lion lez voit acourir ansement
Et le Blanc Chevalier ait corruit vistement,
12476Dont regarde ens ez cielz et a Dieu grace en rent,
Et dit: « Biaulz sire Dieu a qui le monde appant,
Per tant arait secour, je lou voy clerement.
Mez compain ne m’ait pais mis en obliement.
12480Loez en soit Jhesu Crist ou je croy fermement! »
Et li Blanc Chevalier cheminne liement;
Florantine le vit, adont dit quoiement
A Marie sa niesse qu’elle amait loialment:
12484« Marie, dit la damme, je vous ait en couvant
Que nous arons secours assez haistivement.
Je voy delez cez boix venir une gens
A mont noble compaingnie, et tout premierement
12488Voy le Blanc Chevalier cy venir droitement. »
Quant Marie le voit si en rist bonnement.
De cuer reclamme Dieu, cez main az cielz en tant.
Grant joie ot Florantine et aussi ot Marie
12492Quant virent approchier si noble compaingnie.
Et li duc de Callabre fuit plain de fellonnie;
Au prince de Tarante devisoit per maistrie
De quel mort il aroit ordonnee et jugie
12496Sus le vaissalz Lion a la chiere herdie.
Ensi qu’i chevalchoit permy la praierie
Se regardait li duc ver ung boix qui verdie,
Voit le noble chevalier que moult noble gens guie;
12500Et quant i l’appersoit, tout li sanc li fremie.
Voit le prince vaillant qui fuit de sa lignie,
Le riche duc Garnier haultement li escrie:
« Or est per vous ma jouvante traye!
12504Du tout m’avez vandut per vous losangerie.
– Comment! s’ai dit li prince. Laissiez ceste follie!
Ains ver vous ne pansait trayson ne boidie.
Pour quoy le dite vous? Ne lou me cellez mie. »
12508Et li duc li ait dit que chiere ot abaubie:
« Ja me dite vous en ma saulle voltie
Que vous aviez ossis a l’espee forbie
Le compaingnon Lion qui ne nous ayme mie:
12512C’est li Blanc Chevalier que Jhesu Crist maldie.
Vous disiez que ma mort estoit en baitaille vengie
Per devant Monterose enmy la praierie,
Et je lou voy venir a belle compaingnie!
12516Je vous ferait souffrir grant payne et haichie:
Vous ne l’avez pais mort, car il ne venist mie! »
Quant le prince le voit la chiere ot esbaubie,
Et dist au riche duc que la chiere ot yrie:
12520« Sire, sire cosin, vecy grant diablie!
Saichiez que je l’ocis per deden l’estormie,
Que le senechault qui est de Lombardie
Le vy mort cestui cop entre vous baronnie;
12524Maix il est revenus, se m’est avis, en vie.
Ja arons nous assault et felon envaye! »
Ensi que parlant vont cest chevaillerie
Vint li Blanc Chevalier per l’erbe qui verdie;
12528En la terre se ferit per teille fellonnie,
Qui il ataint a cop il froisse et esmie.
La gens au riche duc ait toute despartie.
Cez compaingnon le sivent, maix ne vous dit mie,
12532Aussi ne fait l’istoire que doit estre prisie,
Que a homme vivant il tollussent la vie,
Mais abaitant lez vont enmy la praierie.
Telz y ot lez bras rout et lez cuisse brisie
12536Qui ne sceit que c’estoit; li ung brait, l’autre crie,
Et li Blanc Chevalier qui tant ot signorie
Est venus a Lion que Dieu benoye.
A ciaulz qui lou tenoient ait fait telle envaye
12540Que tout quoy l’ont laissiér, la plaice ont gerpie,
Et li Blanc Chevalier a haulte voix c’escrie:
« Sire Lion, biaulz compain, avez heut haichie;
Vous l’avez deservir per voustre villonnie,
12544Du peschief vous ait Dieu la penance baillie.
Or vous est pardonnér dou filz sainte Marie;
Pour ceu sus cy venus, qu’a toy ferait aye
Et si te randerait Florantine t’amie
12548Et Ganor le donselz et la belle Marie. »
Et quant Lion l’antant, bonnement l’en gracie.
Quant li Blanc Chevalier ot parlér a Lion
Tantost delivrait Garno son compaingnon.
12552La lou fist chevalier li vaissalz, se dist on,
Et li Blanc Chevalier lour donnait aragon
Et armeure bonnez a lour devision.
Et Lion et Garno se fierent de randon
12556En la grande baitaille comme fait loup sur mouton.
Le prince de Tarante quant persut l’ocqueson
Et du Blanc Chevalier vit la fforce et lou nom,
Il se mist a la fuite pour avoir garison.
12560Le prince de Tarante s’anfuyt de randon,
Le senechault lombart le sivoit au tallon,
Mais Lion l’apersoit, si jurait saint Symon
Qu’a eux yrait joster qui qu’an poise ne qui nom.
12564Aprés lez chevalier ait brochiér le gascon,
Et Garno le vaissalz s’an vint lez ung buisson;
La trovait Florantine a la clere faisson
Et Marie la belle qui l’amait de cuer bon.
12568Dis chevalier lez gardent que sont fier comme griffon,
Mais li Blanc Chevalier et tuit cez compaingnon
Lez vinrent rewidier per teille entancion
Que tout lez abaitit per dessus le sablon.
12572Garno en ossiait quaitre c’oncque n’orent ranson,
Pués vint a Florantine qu’estoit a genoillon.
De Dieu le salluait qui souffrit passion.
Quant la damme le voit si l’escrie a halt ton:
12576« Ha, Garno, dit elle, ne me faite cellison,
Si me dite nouvelle dou damoiselz Lion.
Pour Dieu, et ou est il? » Et Garno a cler son
Li dit: « Doulce damme, or n’aiez marrison,
12580Car li belz est delivré et getéz hor de prison.
Per le Blanc Chevalier ait heut garison. »
Quant la damme l’antant si en loe Jheson.
Et li Blanc Chevalier a qui Dieu fist pardont
12584Avuec lez cor sains dont o ly ot foison
Desconfit la baitaille qui fuit sus le sablon;
Callabrien s’anfuyent menant grant huyson.
Per le Blanc Chevalier de Dieu le Creatour
12588Fuit cest grande baitaille desconfite a ce jour.
Li duc s’an vait fuyant a loy de traytour,
Le prince de Tarante le suyoit san demoure
Et li seneschault qui plain estoit d’irour;
12592Et Lion lez enchesse a loy de poingneour.
Bien le voient li prince chevalchier per vigour,
Maix il ne retornessent pour or plaine une tour.
Au seneschault avint adont grande hidour,
12596Car desous ly faillit az champz sur la verdour
Cez afferant destrier qui tant ot de vallour.
Il est cheut a terre dont en li n’ot baudour;
Au duc c’est escriéz san faire nulz retour:
12600« Hé, Dieu! Duc, vecy une povre labour;
Sa voy venir Lion que tant ait de fierour;
Per foid, se cy me trueve, mis sus a mal atour,
Car de combaitre a lui arait trop le piour.
12604Pour Dieu, car moy aidiez et me faite secors! »
Et li duc s’escriait: « Ceu ne vault une flour!
Vous averiez pluxtost prins ung lievre az tabour
Que de moy concillier qu’icy faice demoure
12608Pour combaitre a Lion que tant ait de vigour.
Mais se chevalz n’avez, si n’atandez l’estour,
Ains en venez a piet per l’erbe verdoiour.
Je vous atanderait a Rege la majour. »
12612Quant li senechault oyt le duc ansi parler
Qui n’avoit nulz tallant de ly reconforter,
Saichiez bien que en ly n’ot adont qu’ayreir.
A piet s’an vait fuyant, Dieu print au reclamer;
12616Et Lion court aprés que li print a crieir:
« Per ma foid, senechault, ne pouez eschepper!
Au jour d’ui vous faulrait vous meffait comperrer,
Car j’ai heut per vous meffait mont a pporter. »
12620Ot lou li senechault, en ly n’ot qu’ayreir.
Tant chevalchait Lion que moult ot le cuer ber
Que sus le senechault se print a arester;
D’unne lance li vai sur son escut fraipper
12624Que lez ais en ait fait frouuer illuec et faulser;
Le senechault ait fait a la terre verser.
Adont li senechault commansait a cryer:
« Ay, Lion, dit il, je te vuelt demander
12628Raenson, s’i te plait, que je puisse eschepper.
Tant d’avoir te ferait, se m’ayst Dieu, donner,
Que Bauduyn ton perre que moult bien doie garder
Ferait de mon avoir sa terre raicheter,
12632Et per an te ferait quaitre cent mars donner. »
Et Lion respondit: « Se Dieu me puist saulver,
Tout li avoir dou monde ne te poroit tanser.
Panse de toy deffandre, tu ne puez eschepper! »
12636Dont ait traite l’espee qui relusoit moult clere;
Contre le senechault en volt grant cop fraipper,
Mais il se deffandoit en guise de singler.
Maix grant estoit et fort, moult fuit a redoubter,
12640Ains y covint Lion moult de payne andurer
Que du malz senechault se peust descombrer,
Car Lion fuit navréz qui moult le pot grever.
Grande fuit la baitaille enmy le sablonnier.
12644Li senechault lombart avoit moult le cuer fier.
Tres bien se deffandoit a l’espee d’aicier,
Et Lion li donsialz qui cuer ot de guerrier
Se payne moult forment de ly a dapmaigier.
12648Maix li malz senechault, qui Dieu dont encombrier,
Du riche brant que tenoit, ferit si lou destrier
Au damoisel Lion qu’i l’ait fait trabuchier.
Il abaitit a terre et maitre et chevalier;
12652Pués se mist a la fuyte permy le sablonnier,
Et Lion vait aprés, c’oncque n’y prist santier,
Et li ait dit: « Traytre, ceu ne vault ung denier,
Vous avez san raison affolléz mon corcier,
12656Maix vous le comparrez ansois mon repairier! »
Tant corrut aprés lui que sur le hanepier
Le ferit li donsialz, telz cop li volt paieir
Que le riche hialme que moult fist a prisier
12660Li print a embairer et fort a empirier.
Si trez fort l’estonnait au ferir de l’aicier
Qu’i fist le senechault a terre trabuchier.
Lion per le hialme le print a empugnier
12664Et tant le tire et saiche que il l’ait esraiér.
Adont li va dou branc donner ung cop si fier
Que le teste li fist voller dessus l’erbier.
Mors est li senechault, n’i ait nulz recovrier,
12668Et Lion se penait du retorner arier.
Il regarde en ung valz, vit le Blanc Chevalier
Qui enver ly venoit pour le sien corpz aidier;
Et quant Lion le voit, Dieu print a graicyer
12672Et sitost qu’il deust le corpz saint approchier
S’allait dessus la terre briefment engenoillier.
Dit au Blanc Chevalier: « La mercy vous requier.
Sire, gentilz compain, ou est ma moullier
12676Florantine la belle qui tant fait a prisier? »
Dit li Blanc Chevalier: « Ne vous chault d’esmaier,
La belle vous atant per dessus cel lorier.
- E, compain! s’ai dit Lion, je ne me pués aidier,
12680Car je sus si navrés et devant et dairier
Que morir me covanrait ains c’on voie aneutier. »
Dit li Blanc Chevalier: « Ne vous chault d’esmaier;
Ains que de vous me veuille partir ne eslongier
12684Vous ferait aussi sains que poisson de vivier.
- Per foid, s’ai dit Lion, ceu fait a mercyer! »
Dont le fist li saint corpz trestout neus despollier;
Lez plaie qu’il avoit est alléz mennyer,
12688Et pués de la vertus de Dieu le va saingnier.
Teilt miraicle y fist Dieu pour le Blanc Chevalier
Et pour l’anffan Lion qu’il amait et tint chier
Que sains fuit et garis et devant et dairier.
12692Lion en lowe Dieu qui tout ait a jugier.
Dever lez champz mortel se print a repairier
Et trouvait Florantine sus ung ollivier.
Lors que Lion le vit, briefment la vait baisier,
12696Et dit: « Ma doulce amie, bien me doit annoier
Quant vous avez heut per moy tel encombrier. »
« Damme, s’ai dit Lion a la chiere herdie,
Pour Dieu, comment vous est? Ne lou me cellez mie. »
12700Et la damme li respont, que bien fuit ensignie:
« Sire Lion, dit elle, per amour je vous prie
Que me laissiez ester, s’allez a voustre amie
Clarisse de Callabre a qui vous druerie
12704Avez heut loingtampz, car vous m’avez laissie. »
Et quant Lion l’antant haultement li escrie:
« Damme, dit li donsialz, ne pancez telz follie!
De Clarisse ne sai une pomme porie;
12708Elle m’ait fait grant bien en la soie partie
De moy et de vous corpz, sur Dieu le vous affie;
Maix adés doit li hons, je ne m’en doubte mie,
Laissier a garantir cez membre et sa vie.
12712S’a Clarisse moustrait amour et signorie,
Ossi m’ait elle fait grande cortoisie.
De prison me getait dont elle fist follie,
Car a grant honte en est delivree et chaistie.
12716Doulce amie loialz, or ne vous corrouciez mie;
Se ver vous ait meffait, n’i quis aultre follie
Que pour moy delivrer, car j’estoie en haistie.
- Frans chevalier cortois, dit la belle Marie,
12720Ma damme en ait estéit en teille jallousie
Qu’elle en volloit morir et de duel et d’envie. »
Dit li Blanc Chevalier: « Dieu vous soit en haye;
De cy me partirait moy et ma compaingnie. »
12724Et quant Lion l’antant forment en larmie.
A terre s’angenoillet et li dit hault et cler:
« Or sire compain, car nous vuelliez mener
Ensus dez ennemmi que on ne puisse grever. »
12728Dit li Blans Chevalier: « Bien vous dobvez vanter,
Que vous ne trouverés sergens ne baicheler
Que pour meffaire a vous vuelliez sa retorner.
Allez en Sezille, pansez dou cheminner.
12732- E, compain, dit Lion, moult faite a loeir.
Je vous commant a Dieu. » Lors commance a plorer,
Et li Blans Chevalier n’i volt plux demourer.
De Lion s’an vait partir et se print a cheminner,
12736O lui cez compaingnon que moult font a loer.
Laissus es Saint Cielx per dessus l’erbier
Lez print une nuee que lez y vait pourter.
Lion et Florantine et Marie au vis cler,
12740Et Garno li vaissalz c’on ne doit oblieir,
Permy Puille vont, Dieu prinrent a loer
Et sa tres doulce mere c’on doit moult honnorer.
Lion et Florantine commancerent a parrler;
12744De lour avanture prinrent a recorder,
Comment amour lez fait l’un et l’autre ainsi aimer.
Que veyst lez amant baisier et escoller
De bonne amour certenne se peust remembrer.
12748Tous quaitre sont venus a l’abbie osteller.
Florantine se vait a l’abbasse moustrer
Et Lion li loialz s’i vait recommander.
Quant l’abbesse lez voit, Dieu print au reclamer.
12752A Florantine print briefment a demander
Que le peust ansy de ceu perrilz geter.
Florantine li vait dire et raconter,
Et du Blanc Chevalier li prist a recorder
12756Comment lez secorruit et vint reconforter.
Quant l’abbauce l’oyt, Dieu print a reclamer;
Dieu et cez divin nom print forment a loer.
La neut ne s’i volt mie la damme sejorner,
12760Maix il font au chevalz bonne awoinne donner
Et puez se despartirent quant vint aprés souper.
Toute neut chevalcherent jusques a l’ajorner,
Car cis qui est baitut a cause de doubter.
12764Ne saip que vous volcisse longuement deviser:
Tant vont eulx et Lion esploitier et errer,
Garno, Florantine et Marie au vif cler,
Tous allerent ansamble et tout volrent pener
12768Que deden Monlusant ont fait au roy mander
Que venist encontre yaulz le roy demourer.
Vait encontre Lion et si ait fait aller
La grant porcession que moult fait a loer.
12772Prestre et clerc y allerent, si prinrent a chanter,
Et li roy et su homme c’on ne doit oblieir.
S’i fuit li duc Raymon qui avoit a garder
Trestoute Vauvenisse, de cy jusques a la mer.
12776Quant il virent Lion, moult le vont festyer
Et Florantine solrent moult bien honnorer.
En Monlusant entrerent et tant volrent errer
Qu’i vinrent ou pallais; la volrent arester.
12780Grande y fuit la noblesse c’ons y vait demener.
Lion ait dit au roy, qu’i ne li volt celler,
Comment trouvait le duc qui sceoit au disner
D’encoste Florantine qui le volt engingnier,
12784Et que l’en cudoit avuec lie enmener;
Comment fuit desconfis et tous cis baicheler;
Comment li Blanc Chevalier le revint conforter,
Et comment fuit trestout. Dont print a soupirer
12788Li riche roy Hanry et print au regraiter
Cez homme et cez gens c’ons ot fait affiner.
Li riche duc Raymon l’en prist a conforter,
Et dit: « Vous dobvez bien le Roy dez roy loeir
12792Que voustre fille ait fait de ceu perrilz geter. »
Ensement commancerent li baron a parrler.
Bien se firent la neut servir et honnorer
De quant c’on puet de bien dire et demander.
12796Et l’ondemain maitin au point de l’esclairier
Fist li roy de Sezille sa fille bien parer:
De riche drap le fist vestir et aorner;
Au plux noblement c’on le pot atorner
12800Fuit la damme paree qui le viaire ot cler.
D’un moult riche mantelz li fist on afubler.
Une escherboucle y ot qui moult relusoit cler;
Je croy qu’an tout le monde ne trovait on son per.
12804Quant elle fuit paree on la fist adestrer
De duc, de conte vaillant; grant terre ont a garder.
Cis doulx conte l’adestrent et le vont presenter
Au damoiselz Lion qui la volt espouser.
12808Ung avesque y ot qui lour allait conter
Le mestier Jhesu Crist qu’i volt la cellebrer.
La espousait Lion le herdit baicheler
Et la print Florantine qui le viaire ot cler.
12812La firent l’assamblee que tant lour puet coster
Et que cier aquaiterent ançois le marieir.
Il orent maint malz, se saichiez san doubter,
Plus que on ne vous puist ou livre recorder.
12816Quant li mestier fuit fait, c’on deust moult honnorer,
Et que li avesque ot fait le saicre saicrer,
Riche fuit li offrande c’ons y vait presenter.
Aprés ceu es pallais volrent retorner;
12820La ot on aprestér noblement le dyner.
Florantine s’aisit per delés ung pilleir;
La orent fait cortine que moult font a louer;
Moult tres grande noblesse peussiez regarder.
12824La peussiez veoir jougleour jougleir
Et cez trompe d’airain et bondir et sonner;
Oncque teille noblesse ne pot nulz aviser.
Noble sont li daintier c’ons ait fait aprester.
12828Y vint ung chevalier que moult fist a louer
Qui deden le pallais commansait a antrer;
Mais a la grant joie qu’il oyt demener
Demandait au sergens que illuec vit ester
12832Pour queille chose on vuelt teille joie mener.
Et cis li ait dit: « Pais ne lou doie celler,
C’est pour la fille du roy, Florantine au vis cler,
Qui au jour d’ui a pris le plux noble baicheler
12836Et tout le plux herdis que nulz peust trouver.
- Et comment se fait, dit il, si appeller?
- Sire, dit il, foid que doie mon signour saint Omer,
C’est Lion de Monclin, ensi se fait il appeller.
12840- Dieu! dit li chevalier, mervelle t’oy cy conter.
L’appelle on dont Lion? Tu ne m’en doie flaver!
Oyr, dit li sergens, se Dieu me puist sauver. »
A cez mot vait li vaissalz ens ou pallais entrer;
12844La trouvait teille noblesse, oncque ne vy son per.
Regarde la royne qui tant fait a louer,
C’onn ot fait noblement la androit achiemer.
Tant le vit noble et belle qu’i ne sot que pancer,
12848Et dit: « Biaulz sire Dieu, qui tout ait a salver,
Or ne sai je que dire, ne ne sai que pancer.
Plux de dis moix l’ait quis, que ne lou pot trouver.
Je ne poroie croire qu’il peust amonter
12852A si haulte noblesse que pués icy aviser. »
Adont ait commanciér un poc a reculler.
Li gentilz chevalier ung petit recullait.
Or vous dirait, biaulz signour, comment on le clamait:
12856Bauduyn de Monclin, signour, on l’appellait.
Ceu fuit cis que Lion norit et eslevait
Et avuec le lion es boix le trouvait,
Qui tant de bien li fist et que tant l’onnorait.
12860Il avoit quis Lion, maint jour en allait;
Or est venus en lieu ou il lou trouvait.
Li belz fuit ou pallais, la ou il regardait
La plux belle noblesse qu’il oncque regardait.
12864Il regardait per tout et desa et dela,
Mais point ne vit Lion, dont forment s’amayait;
Regarde la royne qui tant de biaultez ait.
« Damme, s’ai dit Bauduyn, qui avuec vous gerait
12868Moult averait riche tempz et grant desduit menrait.
Se n’est mie Lion qu’esposee vous va,
Jai tant comme je vive mez corpz n’i penserait,
Ne je ne cude mie que telz bien viengne ja
12872Que d’avoir teille damme jai ne li avanrait. »
Ensement Bauduyn en li se demenait.
Il entrait ou pallais et lez tauble paissait.
Lion fuit lez lou roy, et la but et mengait;
12876Il ait getér cez yeux, Bauduyn regardait,
Et sitost qu’il lou vit moult bien le ravisait.
Il lou recognut bien et tantost se levait;
Il trepessait lez tauble et ver ly s’an allait.
12880Devant tout le barnaige a doulx bras l’escollait
Et per grant admistiet doulcement le baisait,
Et li ait dit: « Biaulz perre, bien ait qui vous pourtait!
Bien soiez vous venus ou pallais per desa! »
12884Tant li fist grant feste et tant li delitait
Que chescun qui lou vit forment s’amervillait.
Et li roy de Sezille tantost li demandait:
« Sire Lion, biaulz sire, or ne me cellez ja:
12888Qui est cis chevalier a qui vous corpz fait ait
Grande feste et grant joie quant ceans entrait?
Esse li voustre perre qui vous corpz engenrait?
Bien samble gentil homme, vaillans hons en li ait.
12892- Sire, s’ai dit Lion, et on le vous dirait.
Se n’est mie mon perre, ne vous mentirait ja.
Mais tant est mez amis et tant desservir ait
Que muelx le doie amer, per le Dieu que fourma,
12896Que je ne fais mon perre ne celle qui porta
Le noble corpz de moy et pués en delivrait. »
Et quant li roy l’oyt, moult s’an esmervillait.
Et pués a Lion ysnellement demandait
12900Comme prochain il li fuit, et Lion dit li ait:
« Il n’est mie mez prochain, mais tant deservir a
Que jai tant comme je vive mez corpz ne li farait,
Car plux m’ait fait de bien que cil qui m’engenrait,
12904Et muelx le doie amer et muelx raison y ait.
- Per foid, s’ai dit li roy, jai si fait n’avanrait,
Car ceu ne poroit estre, ne jai ne serait. »
« Sire, roy de Sezille, dit Lion au vis cler,
12908Je vous dirait pour quoy doie trop muelz amer…
Ceu que nous dit dont… on me doit bien blafmer
D’amer ceu chevalier qui tant fait a loeir;
Mais bien vous en sarait veriteit recorder.
12912Vecy le point pour quoy je lou doie honnorer:
Premier ceu chevalier que moult fait a doubter
Me trouvait en ung boix, ne lou doie celler,
Avuec ung lion qui me vault moult amer,
12916Car ceste lionnesse que m’oiez recorder
M’alaitoit doulcement pour moy a conforter;
Et cis frans chevalier me vot o lui emporter
Et si me fist en fons baptisier et laver;
12920Pour l’amour du lion me fist Lion clamer.
Doulcement me norit et me volt gouverner
De tout ceu que savoie dire et demander.
Et quant os tant de aige que pouoie monter
12924Sur ung corrant destrier, il m’aprist a armer
Et tous mez garnement m’aprint il a pporter.
Az eschés et au tauble m’aprint il a juer,
Lez joste maintenir et au tornoy aller,
12928Et me donnoit le sien que j’alloie alouer;
Az jouste et au feste et au pris raipporter
Tant du sien despandit en tel estet mener
Qu’il li covint sa terre vandre et dispenser.
12932Assés en a ga[sté] pour ma joie mener,
Tant fis qu’i lou covint povre homme demourer.
De ly me despartit et me volt apanser
Que je voroie icy avanture trouver.
12936Et se li os couvent quant me deusse dessevrer
Que se Dieu me volloit faire si assener
Que li mien corpz peust en richesse monter
Que ne voroie jai ung denier enborser
12940Que per droit n’i peust la maille demander.
Or m’ait fait Dieu si bien si avalz ouvrer
Que je li pués moult bien son fait gerrandonner;
Et de ly bien faire doie forment desirier,
12944Car tant m’ait fait de bien, au vray considerer,
Que je ne doie ver lui le mien avoir celler.
- Per foid, s’ai dit li roy, moult faitez a louuer.
Voirement vous ait bien oyr dire et conter
12948La chose dont dobvez le vaissalz conforter.
Or li faite tout ceu que vorait deviser,
Car Jhesu Crist me puist honnir et crevanter
Se lou bien faire a ly vous volroie ja blafmer,
12952Car vous ne li pouez ceu bien trop redoubler. »
Adont li fist servir Lion a ceu disner
Tant graicieusement c’on n’i sot qu’amander;
De vin et de viande li faisoit apporter
12956Tout a sa vollanteit et faisait violler
Per devant Bauduyn le gentil et le belz,
Et disoit: « Trez doulz perre, que je vous doie amer!
Per vous et per vous fait et per vous alever
12960Sus venus a teille houre c’on voit bien cler,
Car j’airait roialme per tant a gouverner.
J’ai prins une royne qui me volt enamer;
Aultre ne volt avoir que mon corpz espouser,
12964Car c’est li plux tres belle qui soit desa la mer
Et toute la millour c’ons y poroit trouver.
Se li doie bonne amour et loialteit porter.
- Biaulz filz, dit Bauduyn, moult faitez a louer. »
12968Bauduyn dit: « Biaulz filz, preus estes et gentis.
Ceu vous est bien venus en cestui ci pays.
- Perre, s’ai dit Lion, moult ait fait de despit
Li senechault lombairt qui de Dieu soit maldis:
12972Je fus ens es tornoy per lui forment hayr
Et tant pourchessait que j’ai estéz trayr
Per le duc de Callabre a qui devint subgis,
Car une malle damme avoit en ceu porpris,
12976Menant avuec ma damme au quelz sus mary,
Qui a ceu duc le livrait, s’an fuit li duc servis.
S’an ait heut moult a ffaire avant que l’aie conquis
Le noble corpz ma damme que tant ait cler le vis;
12980S’an ait estéit en guerre, ne saip cinc moix ou sis,
Per deden une abbie fuit mez corpz saisis;
La ot tant de meschief et tant y fus laidis
Que se ung blanc chevalier ne fuit, se m’est avis,
12984Jai ne fusse de mort tansés ne garantir. »
Et quant Bauduyn l’ot, si s’an est atanry,
Et li ait dit: « Biaulz filz, per Dieu je sus mary
Que n’ait estéz o vous armér et fervestir.
12988Si vous eusse aidiér contre vous ennemmi. »
Ensi li devisait Lion li postays.
Et li mengier fuit noble dont chescun fuit servis;
Li menestrés y vont demenant grant delis,
12992Et on lour vai donnant et lez vars et lez gris.
Lion ait bien paiéit lez grant et lez petit.
Aprés mengier se dresse, si ont lour adous pris,
Si s’en vont behourdant contrevalz lez lairy.
12996La menerent telz joie, pour voir je lou vous dis,
Que ne vous en seroit jamaix li fait repris.
Grande fuit la noublesse per deden Monlusant.
Ensement se maintiennent jusques sollel cochant.
13000Et quant ceu vint au neut le chevalier vaillant
S’an vont a lour ostel vistement repairant.
Bauduyn print congier a Lion son anffan;
Bien le fist osteller Lion au corpz saichant
13004En une riche chambre ens ou pallais sceant.
Lez damme vont Florantine briefment changeant.
Li lis fuit fait riche, oncque ne vy si grant
Nulz hons de mere nez ne vit en son vivant;
13008Couver fuit de drap d’or, ouvréz d’uevre plaisant.
Et aprés Florantine dont je vous voy contant
S’an vait couchier Lion, que le va desirant,
Delez sa doulce amie que il paramoit tant.
13012La gens se despartirent, Lion vai demourant
Qui sa doulce amie vait estroite escollant,
Et elle s’i consent tout a son tallant,
Car desirér l’avoit jai ot maint jour paissant.
13016La se vont entre yaulz doulx per amour delitant,
En joie et en amour, per amour parlant
D’arme et de pitiet, et la vont tant contant
Comment per le faulz duc ont heu de malz tant.
13020« Damme, s’ai dit Lion, a Dieu me voy plaingnant
Que je m’en vangerait s’i plait a Dieu le grant! »
Lors la baise et escolle plus de cent foid en ung tenant.
D’enneut que il eust on n’en donnoit ung gant;
13024L’amour de la damme l’alloit ressucitant.
La firent teillement qu’angenrerent doulx anffan
Qui furent filz Lion, preux furent et vaillant.
Li ung ot nom Herpin, pour voir le vous creant;
13028Et li aultre, Guillaume, d’oultre la mer bruyant,
Fuit sire de Palerne, le roialme vaillant.
Moult furent corraigeux et bien en Dieu creant.
Lion fuit o sa damme jusques solleil levant;
13032Lors se levait li anffe et si se vait parant;
A la royne vait le congier demandant,
Et celle li donnait, maix ceu fuit en plorant;
Car l’istoire nous dit qu’elle l’amoit tant
13036Que durer ne pouoit per nezung couvenant,
S’adez ne lou veoit ou visaige devant.
Lion vint ou pallais ou va le roy trouvant
Et tous lez hault baron de Sezille la grant
13040Et cely de Saint Gille que Raymon vont clamant.
Lion lez appellait haultement en oiant:
« Signour, dit Lion, entandez mon samblant:
Je vous prie pour Dieu, le Perre Roy amant,
13044Que m’aidiez a vangier du traytour puant,
Le riche duc Garnier de Callabre tenant,
Que tant m’ait fait de mal et encombrier pesant.
Je ne vault ung bouton se ne m’en vois vangens!
13048Ardoir yrait Callabre, et dairier et devant! »
« Signour, s’ai dit Lion, per amour je vous prie
Que m’aidiez a vangier, si ne me failliez mie,
Du riche duc Garnier qui Callabre maistrie. »
13052Et quant cis l’ont oyr, adont chescun c’escrie:
« Sire vaissalz, font il, ne vous esmaiez mie,
Car jai ne vous faurons ne a mort ne a vie,
Ains yrons tout per tout a voustre commandie
13056Guerroier le glouton qui tant ait fellonnie. »
Et quant Lion lez entant forment lez en mercie;
Ne fuit mie aussi liez pour tout l’or de Pavie.
Quinze jour demourait a segour ver s’amie;
13060En ceu tempoire fuit la chose aparrillie
Et li chairois trosséz et la chose apointie,
Et toute rassamblee la grant chevaillerie.
Lion li damoisialz ne s’i atargait mie;
13064Il l’an ait appelléz voiant la baronnie
Bauduyn de Monclin et pués si li escrie:
« Sire, dit li donsialz, or soit ma voix oie.
Guerroier m’en yrait en Callabre l’antie
13068Encontre le glouton qui sa foid ait mentie.
La terre et le pays vous mai en vous baillie,
Si vous fais senechault de ceste signorie;
Tresorier vous ferait de teille tresorerie
13072Que je ayme trop muelx qu’or fin qui reflambie,
Car ceu est ma moullier qui tant est ajancie.
Or vous est de parrt moy la royne chergie,
Car j’ai fiance en vous; droit est que je m’y fie,
13076Car j’ai trouvér en vous amour et cortoisie.
Si ne vous en porroie trop randre signorie.
- Bialz filz, dit Bauduyn, cy ne demorait mie,
Ains yrait avuec vous, se Dieu me donne vie,
13080Et si vous aiderait a l’espee forbie.
Comment que soie vieux, que barbe aie florie,
Je saverait bien ferir sur l’adverse partie
Per qui vous avés eu tant painne et haichie.
13084- Sire, s’ai dit Lion, per Dieu n’y venrez mie!
Je vuelz que vous soiez en ceste menandie
A joie et a revelz le main et la neutie,
Et c’on faice trestout per la voustre maistrie
13088Que on feroit pour moy ne pour ma commandie.
Et s’on lou vous reffuse, foid que doie saint Elie,
Et que j’aie d’iceulx nulle nouvelle oye,
De parrt moy lour serait lour mort jugie,
13092Car je lou veulz ainsi et a tous je lez prie.
- Biaulz filz, s’ai dit Bauduyn, Dieu me faice aye!
Je me paissaisse bien de main de signorie. »
Adont fist commander Lion ceste neutie
13096Que l’andemain maitin quant l’aube est esclarie
S’an voit tout li ost et soit apparrillie
Pour aller guerroier en Callabre l’antie.
Celle neut print congier li donsialz a s’amie,
13100Que durement en fuit dollante et corrocie.
Celle neut print congier Lion a sa mollier.
L’ondemain maitin au point de l’esclairier
Se despartit Lion et si noble guerrier
13104Et li roy de Sezille que moult ot le cuer fier,
Li riche duc Raymon que moult fist a prisier.
Tout devant en alloient sis mille arbollestrier
Et s’i ot dis mille homme qui tout orent destrier,
13108Et quinze mille a piet que tout furent soldoier.
Ver Callabre s’an vont pour la terre exillier;
La terre de Sezille paisserent sans atargier,
Le pays de Callabre prinrent a approchier.
13112Au dessevrer dez terre ait fait Lion crieir
C’on ne voit essillant abbie ne moustier.
Lors entrent en Callabre lou trez noble yretier
Et vont le feu boutant et devant et dairier.
13116Li ung firent la gens moult de destorbier.
Enver Rege s’anfuyent li vaillant patonnier
Que de si a la citeit ne se volrent atargier.
La noise font monter et le duelx reconforter,
13120Jusques au duc de Callabre c’ons appelle Garnier
En vint la nouvelle de Lion le princier.
Et quant li duc l’oyt la chose retraitier,
Saichiez bien pour certain qu’an lui n’ot qu’esmaier.
13124Le prince de Tarante mandait pour soy concillier,
Et li ait dit: « Colsin, bien me doit ennoier
Que Lion de Monclin que cuer ait losangier
Et li roy de Sezille et tout si chevalier
13128Sont entrés en mon rengne pour ma gens essillier.
Je me doubte forment de moy a dapmaigier,
Car pués que Lion mayne cest Blanc Chevalier
Je pués perrdre a planteit et petit gaignier;
13132Je ne sai qu’an ferait, Jhesu m’en puist aidier.
Ains trois jour nous vanront si androit asegier. »
Le prince de Tarante quant l’oyt desraingnier
Li ait dit: « Sire duc, trop pouez atargier
13136Et le voustre lignaige laidement esvillier.
Vous ferés demain vous gens apparrillier
Et pués isterons hor pour yaulz a ampirier;
A yaulz nous combaitrons, car j’an ais desirier.
13140Se je trueve ceu Lion que fait a resoingnier,
De mon branc li volrait la teste jus roingnier. »
Et li duc li dit: « Tout ceu dobvez laissier;
Je ne me combaiteroie pour la teste tranchier.
13144Le piour en avons adez a repairier.
Si Sire le confonde qui tout ait a jugier!
Pleust Dieu que lou tenisse et le Blanc Chevalier,
Ambdui lez feroie rostir et escorchier!
13148Il me fault aviser que me puisse apaisier,
Car je ne pués a ly nullement guerroier
Que au dairien n’an aie ung malvaix loier,
Car li cuer me dit et me fait affyer
13152Qu’ancor arait affaire Lion li adversier
Et que per ly morait; je n’en sai que cudier. »
Et li prince respont: « Cuer avez de bregier,
Et pués que ceste guerre vollez ansi laissier,
13156A Jhesu vous commant qui se laissait player,
Car deden mon pays m’en volrait repairier.
Oiez, s’ai dit li duc, comme volrait esploitier:
- A Romme m’en yrait au pappe plaidoier;
13160Si me volrait a ly teillement acointier
Qu’il manderait Lion pour la gerre amenrier.
Et c’il advenoit chose que peusse esploitier
Que le puissiens per nulz tour corroucier,
13164Je m’en volroie moult pener et travillier,
Et que ravoir peusse sa cortoise moullier,
Encor l’averrais delez mon orillier. »
Et li prince li respont: « Vous savez bon mestier;
13168Or faite vous volloir et tout vous desirier.
- En nom Dieu, dit li duc, je lou vuelz commancier.
Je m’en yrait a Romme briefment herbergier;
Je y ait ung mien parrant que moult fait a prisier:
13172Goudeffroy de Savoie, ung vaillant chevalier.
Cil me sairait moult bien ver le pappe apaisier. »
L’ondemain au maitin au point de l’esclairier
Se levait li faulz duc qui Dieu dont encombrier,
13176Car temprement volrait telz chose portraitier
Dont li vaissalz Lion serrait en grant dongier,
Et dont il couvanrait le boin roy devyer
Et Florantine aussi avoir grant encombrier,
13180Et a son filz Herpin faulrait son nom changier,
Car on l’appellerait puessedit Ollivier,
Ensi que vous dirait se l’oez denoncier.
Li duc issit de Rege a lui sus chevalier.
13184Li prince s’an revait deden son hyretier.
Li duc issit de Rege la nobille citeit;
Sy gentilz chevalier sont avuec ly allér
Et li plussour ainsi sont illuec demorér
13188Pour garder la citeit dont je vous ait parrlér.
Li duc s’an vait a Romme le grant chemin ferréz.
Li prince de Tarante s’an vait en son rengnez,
Et Lion li donsialz ait teillement erréz
13192Que per devant la ville ait fait tandre son trez.
Il ait Rege asegiér et son riche barnez,
Et ont a celle ville moult grant assault livréz.
Mais le duc de Callabre n’i ait mie trouvér;
13196Forment s’amervillait Lion au corpz senés
Pour quoy li duc n’issoit d’icelle fermetez.
Mais il n’i estoit mie, saichiez en veriteit,
Ains en alloit a Romme et avoit tant allér
13200Et per mons et per vault, tant esploitiér et alléz
Et permey Rommenie le sien corpz formenér,
Qu’il est venus a Romme son corpz osteller
Sus le glous Gaudiffer que Herpin ot livrér
13204A la gens sa cousine per sa grant crualteit,
Ensi qu’ains ou roment je vous ait recordér.
Gaudiffer de Savoie quant il l’ait ravisér,
Le riche duc Garnier qu’est de son parrantez,
13208Doulcement l’acollait et l’ait bien festyér.
Moult ait le traytre forment honnorér;
Et il estoit traytre, s’ait moult bien assenér,
Car ambdui sont traytre, felon et parjuréz.
13212Cis Sire lez confonde qui tout ait estorér!
Oncque ne firent bien en jour de lour aez,
Ains pansoient adés grande desloialteit.
La neut ont li traytre tout ansamble soupér;
13216Gaudiffer de Savoie ait le duc appellér:
« Sire, fait il a ly, entandez mon panser.
Quelz besoingne vous ait si androit amenér? »
Et li duc respondit: « Jai sarés la veriteit:
13220J’ai heut grant debet en la moie duchief
Pour ung tornoy qu’ot l’autre foid estoréz
Pour avoir une damme qui est de grant bialtez;
Florantine ait a nom, saichiez pour veriteit.
13224Or vint ung chevalier de povre parrantez
Qui au tornoy se prouvait en guise de malfel.
- Teillement se prouvait per sa grande fierteit,
La damme conquestait et li ot on donnér
13228Ou nom dou muelx faisant c’ons y ot regardér.
Or fist tant la neutie c’ons ot le pris pourtér
Per une damoiselle de la moie admister
Qu’elle me delivrait droit a ung adjorner
13232Florantine la belle au gens corpz naturér.
Adoncque l’amenait a mon riche barnez,
Et l’envoiait a Rege la mirable citeit.
Maix li roy de Sezille, que le poil ait merler,
13236Entre lui et Lion dont je vous ait parrlér
Firent tant per lour force et per lour cruaulteit
Qu’i me raconsuyerent sur l’oriere d’un prez.
La ot grande baitaille et grant mortalliteit.
13240Je fus tous desconfis, my homme mort getéz;
En ung chaistel m’enfuys, pour avoir saulveter,
C’on clamme Monterose, ainsi l’ont appellér.
La androit fuit assis, saichiez en veriteit,
13244Li prince de Tarante au coraige andurer.
Et Lion s’an allait deden ma fermetez
Ens ou pallais a Rege qui tant ait de biaulteit;
A loy de pellerin ot son corpz atornéz
13248Pour savoir de s’amie toute la veriteit.
Genoivre ma cousine l’ot moult bien ravisér;
A ma suer le moustrait, ja l’avoit enamér
Pour ceu qu’elle avoit oyr de son barnez
13252Et que c’est li plux biaulz de la crestienteit.
Teillement l’enamait et li fist amisteit
Que celle Florantine ot loisir a planteit
D’issir hor de la ville tout a sa vollanteit.
13256La damme en escheppait, ma suer per son grez
Me delivrait Lion; Dieu li dont mal hé!
Or ait trestout perduit per deden mon rengnez,
Car cis chevalier ait si grande poesteit
13260Que je ne pués contre ly gairir mon hisretez.
Or vien a l’appostolle prier pour Dammedez
Qu’il volcist per sa grace tramettre en mon rengnez
Au chevalier Lion, et li eust mandér
13264Qu’il venist si androit, n’i eust demourér,
Per quoy ver le vaissalz m’eust acordér.
Colsin, dit Gaudiffer, vous avez bien parrlér.
Au pappe en volrait dire toute la veriteit.
13268Bien saip se je l’an prie il ferait per mon grez.
Demain en parrlerait ains midi sonnér.
- Per foid, s’ai dit li duc, bien m’avez asseurér. »
Sifaitement se sont ansamble devisér;
13272Quant il orent mengiér et but a grant plenter
Li lit sont tout prest ou se sont reposér
Desi au maitinet qu’i se sont levér.
Droit a l’oure de prime s’an sont au pappe allér.
13276Gaudiffier vint au pappe; per grande humilliteit
S’agenoillait li glous que tant sot faulceter,
Et li ait dit: « Saint Perre, entandez mon panser:
Vecy ung noble prince que moult tient d’yretez;
13280Il est duc de Callabre, une bonne duchiez;
Or l’ont li Sezillois prins durement en hé,
Si se trait ver vous per grande chairiteit,
Affin vous prie que l’aiez acordér
13284Ver ciaulz qui li essillent sa terre et son rengnez.
Et s’i lour ait meffait la monte d’un soulz dé,
Amandez le volrait d’un florin d’or pesér;
Et se il [l'ont] meffait, il lour soit pardonnér,
13288Ne il ne vuelt du lour ung denier monnoiéz.
- Hé, Dieu, dit l’appostolle, bien vous ait escoutéz.
Je saip bien du meffait comment il doit aller,
Et de toute la guerre sai la veriteit.
13292Cis duc ait villain tort et ait tout ceu braséz,
Mais pour l’amour de vous qui l’avez amenér
Manderait le boin roy et Lion li doubtéz,
Et si lour prierait en debonnaireteit
13296Qu’il en prengne l’amande tout a lour vollantez. »
Et li duc respondit: « Il me vient bien en grez. »
Li pappe en appellait ung cardinalz loéir;
Ai dit li saint: « Allez tant que m’aiez trouvér
13300Le boin roy de Sezille et Lion l’andurer;
Si lour dite qu’il soient en mon pallais pavéz
Tost et haitivement san nezung jour nomméz,
Et plux ne gerrioissent sainte Crestienteit,
13304Car il en serait paix tout a ma vollantez. »
Et cis li respondit: « Vous avez bien parrlér. »
A cez mot se partit de Romme lai citeit.
Ung grant tabellion ait avuec lui menér.
13308Delaissi li cardinalz, ne fist arestement.
Tout permy Rommenie chevalche fierement,
Et quant l’ot trepessee si antrait vistement
A ung tor de Sezille et la voie prant
13312Pour aller en Callabre, car bien ot et entant
Que li roy de Sezille o son efforcement
Ot asegie Rege, se dit on, teillement
Que n’y pouait tenir awainne ne forment,
13316Et avoit effamee la citeit et la gens.
Li gentilz cardenalz n’i fist arestement;
Ver la citeit de Rege chevalche fierement;
De si jusques a l’ost n’i fist arestement.
13320Vint a la tante au roy et la androy dessent.
Il furent festyér, se dit on, noblement,
Il et cez compaingnon, preste et clerc ensement.
Le roy le fist dysner avuec lui liement.
13324Le cardenalz li dit tout le vray mandement
Que li pappe faisoit a lui et a sa gens,
Et li dit: « Gentilz roy, entandez mon tallant:
L’appostolle vous prie et mande doulcement
13328Que entre vous et Lion que tant ait hardement,
Que si bien se provait ens el tornoiement,
Vous en allez a Romme, san nulz arestement,
Car li duc de Callabre y est certennement,
13332Que se complainte ait faite en disant humblement
Qu’il ne vuelt enver vous gerre ne content.
Et c’il vous ait meffait, il vuelt bonnement
Amander per le dit et per le jugement
13336De doulx frans senatour de Romme propprement
Que du meffait averont le droit arguement. »
Et quant li roy Hanry celle parrolle entant,
Lion en appellait qu’il amait bonnement.
13340« Biaulz filz, dit li roy, faitez en vous tallant,
Car il en tient en vous c’ons en die l’arguement. »
Quant li anffe l’oyt parler cortoisement,
Adont c’est aviséz a son cuer quoiement
13344En disant: « Sire Dieu a qui le monde appant,
Vuelliez moy concillier a cest commancement.
Je saip bien qu’il est tempz paisséz certennement
Que deusse estre allér querre en certain maintenant
13348Cely qui fist jaidis de moy l’angenrement,
Et ma tres doulce mere que oncque ne vy noiant.
Jou ait trop demouréz, ains m’est trop longuement;
A ceu duc me volrait asantir vistement,
13352Pués yrait le voiaige commancier bonnement
Pour querre le mien perre que je desire forment,
Et ma trez doulce mere que Dieu garde de torment. »
Atant e vous Garno que li dit humblement:
13356« Sire, s’ai dit Garno au fier contennement,
Il seroit bien saison, per le mien serrement,
D’aller querre Herpin et vous mere au corpz gens.
Pour Dieu prandez acord au traytre pullant,
13360S’allons en ceu voiaige tost et appertement. »
Et Lion respondit: « A vous commandement. »
Au roy en est venus, si li dit doulcement:
« Sire roy, dit li anffe, je mais anthierement
13364Ceste guerre sur vous et en vuelz propprement
Faire voustre vollanteit et voustre louuement. »
Et dit li roy Hanry:« Vous parlez saigement.
Demain yrons a Romme, droit a l’ajornement;
13368S’orons du duc Garnier le certain couvenant
Et comment il volrait faire l’amandement
De ceu qu’il ait meffait enver vous grandement. »
Lors dit au cardinalz: « Sire, ver moy antant:
13372Nous vollons obeyr au pappe bonnement
Affin qu’i ne nous vuelle amenrir nullement
Le droit que nous avons en cestui plaidement. »
Et dit le cardinalz: « Il sceit tout propprement
13376Le droit que vous avez, n’an doubtez nullement. »
Ainsi se deviserent jusqu’a l’avesprement.
Li boin roy de Sezille et Lion ansement,
Et Garno li vaissalz ou tant ot d’essiant,
13380Et le duc de Saint Gille ou Vauvenisse appant
Se mirent a la voie et avuec yaulz lour gens;
Et li boin cardenalz chevalche liement.
Li roy desparrt cez ost, chescun congier prant.
13384Desegie fuit Rege per cestui couvenant,
Dont ceulx de la citeit furent joieux forment,
Et c’est droit car il orent eu moult de torment
Comment que pais n’en avoient fait le recontement.
13388Et le roy chevalchait en loant Dieu forment;
Callabre trepessent et Sezille briefment,
En Rommenie entrerent tost et appertement.
Lez mons et lez vallee paisserent vistement.
13392Ne sai quant jour ill i mirent, ne lour herbergement
Ne vous sai deviser n’ancy ne aultrement;
Maix il allerent tant a l’oraige et au vant
Que venus sont a Romme la citeit qui replant.
13396Sus le bon cardenalz ou prinrent lour logement
Il furent festyér et servir noblement.
Le boin roy de Sezille avuec le bel Lion
Sont venus droit a Romme, c’on dit ou prez Noiron.
13400Richement s’ostellerent deden la mansion
Le noble cardenalz c’ons appeloit Huon.
L’ondemain au maitin que lou jour vit on
Se levait li boin roy et li aultre baron.
13404Ver le moustier Saint Pierre s’an vont li compaingnon;
La messe ont escoutee per bonne entancion
Et pués ver le pallais allerent a bandon.
L’appostolle trouverent qui Dieu faice pardont.
13408Per devant le Saint Perre se mist a genoillon
Li boin roy de Sezille delez le duc Raymon,
Et Lion et Garnot et aultre gens foison.
L’appostolle lour fist de Dieu beneyson
13412Et le roy de Sezille ait prins per le grenon,
Et pués si li ait dit:« Bien viengniez vous, frans hons.
Per amour je vous prie que me moustrez Lion
Que per tant est herdis et de si grant renom.
13416Je croy per tout le monde de son corpz parrl’on. »
Li roy ait prins Lion per l’ermin pelisson
Et le livrait au pappe en disant s’antanson:
« Sire, vecy mon filz que tant amer doit on.
13420Ma fille conquestait per droit et per raison,
Maix li duc de Callabre l’en fist grant trayson:
Faulsement la robait en guise de laron,
Dont nous avons heut grande discension. »
13424Li pappe regardait le damoiselz Lion.
Assez ait regardéz sa bonteit et sa faisson.
Lors dit a soy meysme que dire ne sceit on:
« J’ai eut ung chevalier en ceste mension;
13428Ceu fuit Herpin de Bourge qui en confession
Me dit que il avoit perdut ung anffanson
Deden une fourest et sa femme de nom.
Maix vecy ung donsel que Herpin le baron
13432Vait si bien resamblant de bouche et de menton
Que je ne sai a dire la monte d’un bouton.
Maix ansois qu’il m’escheppe de ma region
Volrait que il me die toute s’estracion. »
13436Ensement dit li pappe dont je fais mencion.
A ycelle parrolle est Garnier le baron
Et le fel Gaudiffer qui en celle saison
Arait poyne et haichie et tribulacion,
13440Ensi que vous orez en la vraie chanson.
Or sont venus a court de doulx parrt li princier.
Chescun per advocas commansait a plaidier
Per devant l’appostolle que tant fait a prisier.
13444Li advocas Lion et li roy droiturier
Ait parlér tout en hault san point de l’estargier:
« Sire, nous nous plaindons du riche duc Garnier,
Qui a tort et san cause, a loy de mourdrier,
13448Desrobait a Lion l’autre foy sa moullier
Et deden son pallais le vint convoier;
De quoy ons ait vollut ver ly tant guerroier,
Per ceu que Dieu de gloire nous ait vollut aidier
13452Qu’adés en ait ressut ycestui dur encombrier.
Et c’est droit que mal ait celui qu’ait devent trichiér.
C’il nous vuelt amander loialment san boisier
Ceu que nous ait meffait, san point de l’estargier,
13456Perdonner li volrons ycestui destorbier.
Et se il ne lou vuelt faire nous en yrons arier
Et se nous pennerons de lui a essillier.
- Signour, dit l’appostolle, ceu fait a ottroier. »
13460Lors parlait Gaudiffier et ait dit pour Garnier:
« Sire, vecy le duc que moult ait le cuer fier
Qui se sant meffait et en vuelt otroier
D’amander bonnement tout a vous desirier.
13464Pour une toute soulle maille randerait ung denier
Ensi comme vous volrez dire et ensignier. »
Et li pappe respont qui ne volt estargier,
Et ait dit: « Mez anffan, entandez mon plaidier:
13468Je ne sus pais ung hons que ceu doie jugier
Ne ne me doie merler de ycestui mestier,
Maix je vous baillerait pour le fait droiturier
Ung gentilz signatour qui sarait esclairier
13472Et le tort et le droit et en faice baillier
A ciaulz qui ont meffait largement le loieir.
Mais tant sai de ceu duc que je n’ai pais chier,
Comment que il se vuelle maintenant abregier
13476A ffaire cest paix et la guere enchergier,
Prist trop faulsement garde pour la loy essaucier;
Et se j’estoie roy pour teille chose jugier
Et cestui duc tenisse pour lui a maistryer,
13480Je lou feroie ardoir ou tout vif escorchier;
Tout li avoir dou monde ne li aroit mestier! »
Adont en appellait Lion le chevalier.
« Biaulz filz, dit l’appostolle, je te prie et requier
13484Qu’ansois que tu t’en vois en ton pays arier,
Viengne parler a moy, car j’ai de toy mestier.
- Sains Perre, dit li anffe, ceu ne doie pas laissier.
Tout ainsi le ferait, se Dieu me puist aidier. »
13488Dont laisserent le pappe tout si hault princier,
A une saulle voltee qui painte fuit a or mier
S’an vont li chevalier que moult sont bien gerroier.
En cest noble saulle couvenoit plaidyer
13492Devant ung signatour c’ons appelloit Richier.
En siege megestal pour oyr desraingnier
Estoit li signatour dont vous m’oez noncier.
Il en avoit douzime pour oyr desclairier.
13496Lez plaidier couvenoit devant yaulz apairier,
Et couvient per cez douze le jugement jugier,
Et li ung le desclaire san mettre nulz dongier.
Per deden le pallais furent li noble princier.
13500La font lour parlement dire et desclairier
En teille maniere qu’avez oyr conter.
Maix en ceu plaidiement dont vous m’oez plaidier
Parlait li duc Garnier que moult fist a prisier,
13504Et ait dit a Lion le vaillant baicheler:
« Sire Lion, dit il, entandez mon pancer:
Humillier me vuelz et a vous acorder,
Et se vous ait meffait je lou vuelz amander.
13508Vecy que je vous vuelz ma chose deviser:
Je devanrait vous hons et volrait relever
La terre de Callabre que je doie gouverner;
De vous la vuelt tenir et feaulteit jurer
13512Et vous arait couvent, si c’on l’orait bien cler,
Que se nulz hons volloit a vous guerre mener
Que je vous serviroie quoy qu’i deust couster,
Tant et si longuement san jamaix retorner
13516Que me donriez congier et m’en feriez aller,
A dis mille homme d’arme pour vous pris amonter
Que jai ung tout seulz denier ne vous poroit coster,
Et vous ferait briefment a Monlusant porter
13520Cent mil florin d’or, ne lez dobvez reffuser.
Maix que j’aie a vous paix que moult doie desirier. »
Et quant Lion oyt le duc ainsi parrler
Que si anbondamment li volt amour moustrer
13524Et que pour soie amour li polt tez dont couster,
Haultement li ait dit: « Ne vous doie reffuser
A ceste amande cy, car moult fait a louer.
Quant que m’avez meffait vous vuelz je pardonner. »
13528Adont li vait li duc son serement jurer;
A l’ommaige le baise et le vait escoller.
Ensi fuit la pais faite que vous m’oez conter.
Et li duc de Callabre ne volt plux demorer;
13532En Callabre se prist tantost au retorner
Et jure Dammedieu que fist et cielz et mer
Que c’il pouoit Lion per nezung tour grever
Que encor le feroit durement appourter.
13536Signour, il dit voir; depuez s’an volt pener
Ensi que vous orez ou livre recorder.
Or dirait de Lion li gentilz baicheler:
Celle neut volt a Romme li donsialz demorer
13540Et l’ondemain s’an volt ver le pappe aller
Et dit qu’i se volrait dehuement confesser.
Ou pallais est venus et tant se volt pener
Que lou pappe trouvait qui moult fist a louer.
13544Per devant ly se vait a doulx genoux geter,
Et dit: « Sire Saint Perre, je me doie retorner
Et deden mon pays, sire, m’en doie aller.
Or sus icy venus, ceu ne doie reffuser;
13548A voustre commandement ne doie rien argueir.
Voustre absolucion sus venus demander
Et vous volrait aussi mez peschief recorder. »
Et le pappe respont: « Bien le doie creanter. »
13552Lion se confessait au pappe san cesser,
Et li pappe li vait son meffait pardonner,
Et pués le commansait tantost a demander:
« Biaulz filz, dite moy voir, ne me vuelliez celler,
13556De queille terre estez vous? Si me vuelliez nommer
Le nom de voustre perre qui vous volt engenrer. »
Quant Lion l’antandit, lors print a soupireir,
Et pués ait dit: « Saint Perre, per Dieu qui fist la mer,
13560Oncque ne vy mon perre ne je n’an sai parrler,
Ne ma mere ausiment qui me volt porter;
Oncque ne lez vy, Dieu lez vuelle garder.
De moy volt ma mere en ung boix delivrer,
13564Maix une lionnesse, je croy, me volt ambler;
Quaitre jour me norit, si comme j’oys conter.
Ung noble chevalier ou boix me volt trouver,
Et pués en son caistel me fist tantost porter
13568Et la androit me fist baptisier et laver,
Et pour la lionnesse me fist Lion clamer,
Ne oncque je ne fis pués mon nom muer. »
Quant le pappe l’oyt, si commansait a panser
13572Et moult piteusement le prist au regarder.
Quant le pappe entant le damoisel Lion,
Dont prist a mettre sa main a son manton;
Et li anffe plorait que moult ot merrison.
13576« Biaulz filz, s’ai dit li pappe, or antant ma raison;
Bien cognait voustre perre, il ot Herpin a nom
Et fuit sire de Bourge la noble region,
Maix il en fuit banis per le roy Charlon,
13580Per ung glous deputaire que Clarian ot nom.
Si l’an covint veudier sa terre de renom,
Et sa moullier aussi a la clere faisson.
Ensainte estoit de vous, ainsi le me dit on.
13584En ung boix delivrait, maix pués vinrent lairon
Que la damme enmenerent, tout malgrez le sien nom.
Or espoir que vous corpz fuit trouvér d’un lion
Que voustre corpz gardait per le grez de Jheson,
13588Et pués vous trouvait ung chevalier de nom
Qui vous ait longuement norit en sa maxon.
- Sains Perre, dit li anffe, ne dite se voir nom.
Bien saip qu’il fuit ainsi san nulle ocqueson,
13592Car j’ai ung escuier que Garnot ait a nom.
Trese ans ait quis men perre entour et environ;
L’autre jour l’encontrait en estrainge roion.
Pour l’amour de mon perre recognut ma faisson.
13596Or volrait tant aller san nulle arestisson
Que je lou trouverait, j’an ais devolcion;
Tant per terre et per mer en neif et en dormon
Querrait le duc Harpin que trouvér l’arait on,
13600Et ma mere aussiment qui ait benoyson.
- Biaulz filz, dit l’appostolle, abaissiez vous raison.
D’aller trouver vous perre ne vanriez au quoron,
Car il est piessait mort; Dieu li faice pardont! »
13604Quant li anffe entant yceste oppinion,
Adont cheyt comme mort dalez ung pairon.
Quant Lion entandit le pappe qui parlait
Et que il estoit mort, grant duelz en demenait.
13608Ceu dit li pappe que jamaix ne lou trouverait.
De duelx et de destresse moult tanrement plorait,
Pués dit a l’appostolle que point ne li cellait:
« Saint Perre, dit li anffe, per le Dieu qui me formait,
13612A quoy le savez or, et qui le vous contait
Que mon perre est mors qui mon corpz engenrait?
- Biaulz filz, dit li saint hons, et on le vous dirait:
Je vous dit que vous perre, que Herpin on clamait,
13616Fuit en ung hermitaige ou pays per desa;
Assez pres fuit de Romme, que doulx lieue n’i ait.
Or vint a ce tempz la, que illuec s’amessait,
Vinrent li Sairaisin ou malvaise gens ait
13620Assegier ceste ville et le pays gaistait
Environ Rommenie, dont forment m’ennoiait.
Gaudiffer de Savoie qui mon ost menait
Issit ung jour de Romme, sur lez paien allait,
13624Maix a ceste baitaille vous perre se merlait;
Ne sai dont il y vint, ne qui l’amenait,
Maix a celle baitaille teillement se prouvait
Qu’il print doulx roy paien et lez Turc y matait
13628Et lez en fist fuyr; teillement si maitait
Que deden Rommenie paien ne demourait.
Quant vous perre revint mon corpz moult l’onnorait.
Il me dit son affaire, a moy se confessait;
13632Oncque plux dollant hons ne but ne ne mengait.
Je solt s’entancion, le mien corpz moult l’amait
Et li fis teille honnour que forment s’an louait,
Maix vollanteit li print que ung voiaige allait;
13636Gaudiffier de Savoie avuec ly chevalchait,
Maix Gaudiffer revint et vous perre demourait.
Gaudiffer si me dit et si me recordait
Que Herpin estoit mors et que malz l’apressait;
13640Droit a Saint Nicollay du Bar per dela
L’a fist ensevelir dont fort annoiér m’ait. »
Et quant Lion l’oyt, haultement en jurait
Que jamaix en sa vie jour nulz ne finerait
13644Devant que le sien perre ou mort ou vif verait.
A l’appostolle dit: « Sire, mandez moy sai
Gaudiffer de Savoie que au lieu me menrait
Ou mez perre moruit, ne qui le confessait.
13648Il covient que je saiche quel chose il recordait
Ne la ou il fuit mis, mez corpz le sarait.
Ramenéz serait se je vy a Monlusant per desa,
De quoi je serait sire quant le roy Hanry morait.
13652Ung si noble service mez corpz faire en ferait
Comme apartient a duc, car bien deservir l’ait.
- Biaulz filz, s’ai dit li pappe, on le vous manderait
Gaudiffer de Savoie qui vous ensignerait
13656Le lieu la ou vous perre moruit et deffinait,
Ou fuit ensevelis ne la ou il lou posait.
- Bien dite, se dit Lion, car li mien corpz yrait
Veyr cely, mort ou vif, qui m’engenrait. »
13660Adont li damoisialz a plorer commansait,
Et li pappe de Romme Gaudiffer mandéz ait
Per ung frans chaippelain a qui le commandait.
Ver l’ostelz Gaudiffer le chaippellain s’an vait;
13664Sitost que il l’ait veut, briefment le salluait
De cely Dieu de gloire qui en vierge s’esconsait,
Maix il ne savoit mot queille nouvelle dirait,
Car se bien le sceust ceu que briefment sarait,
13668Il en fuit moult dollant, car assez brief tempz arait
Une teille nouvelle dont morir le faurait.
« Gaudiffer, dit li prestre, a moy entandez sa:
L’appostolle de Romme per moy mandéz vous ait
13672Que vous venez a ly, ne sai que vous dirait. »
Et Gaudiffer respont que vollantier yrait.
A ycelle parrolle de son ostelz se sevrait;
Venus est au pallais, l’appostolle y trouvait;
13676Adont per devant ly briefment s’agenoillait,
Et li pappe l’appelle et pués li escriait:
« Gaudiffer de Savoie, a moy entandez sa! »
« Gaudiffer de Savoie, dit li pappe senés,
13680Veés cest anffan cy que Lion est clamér;
Ce fut li filz Herpin que tant fuit naturéz
Que si trez bien m’aidait contre lez Turc dervéz
Quant asegie fuit Romme ma grande citeit.
13684Il prist tout seulz doulx frans roy coronnér,
Puez fuit en ung voiaige per vous l’autrier menér…
Ou son perre moruit et la ou il fuit enterréz
Et je lou vous commant que avuec lui allez.
13688Trez bien vous paierait quand vous retornerez. »
Quant Gaudiffer l’antant, li sanc li est muéz;
Ains ne fuit plux dollant pués l’oure qu’il fuit nez.
Nonporquant de respondre c’est vistement haistéz,
13692Et dit a l’appostolle: « Si comme vous demandez,
Vollantier li menrait que bien soit il trouvéz.
Le miedre homme ot a perre c’oncque fuit de mere nez.
C’est dapmaige qu’il est du ciecle deffinéz;
13696Certe ceu poise moy, j’an fuis moult ayrés. »
Venus est a Lion li traytre prouvéz
Et li ait a son colz lez doulx bras getéz,
Et li ait dit: « Chevalier, avuec moy en vanrez.
13700Enneut en mon hostelz bien habergiér serez,
Et demain a maitin quant il est ajornéz
Nous meterons a voie si main que vous volrez. »
Et Lion respondit: « Si soit comme vollez. »
13704Laisse, pour quoy il allait, le damoisialz loér?
Il s’an faillit petit qu’il ne fuit affolléz,
Ensi que je dirait se je sus escoutéz.
Lion s’an vint au pappe, a genous c’est getéz,
13708Et ait dit: « Saint Perre, per le Dieu estoréz,
De vous me partirait, congier vous est rouvéz.
Avuec Gaudiffer g’iere enneut osteller,
Et demain au maitin quant soleil serait levér
13712Yrait veyr le lieu ou il fuit enbierréz,
Li mien perre Herpin que tant fuit naturér. »
Et dit li appostolle: « A Dammedieu allez. »
L’absolucion li donne, Lion est dessevréz;
13716Entre ly et Garno qui moult li fuit privéz,
Gaudiffier lez conduit, li traytre dervéz.
Lion li damoisialz ne s’i est arestéz;
Ver le roy de Sezille en est briefment alléz,
13720Doulcement l’appellait si comme oyr porez.
Lion en appellait le riche roy Hanry:
« Sire, s’ai dit Lion, or entandez a my:
Demain san moy attandre vous partirez de cy,
13724Car je m’en vois a Bair, pour voir je le vous dit;
De mon perre on m’en ait tant regehyr.
L’appostolle de Romme m’ait recognut pour ly.
Or dit on qu’il est mors, si lou m’ait on gehir,
13728Et je ne finerait jamaix s’arait choisir
U mort ou vif cely qui moy ait engenry;
Ensement ait vouér a Dieu qui ne mentit. »
Et li roy de Sezille qui le poil ait flory
13732Li ait doulcement dit: « Biaulz filz, g’irait ossi.
- Non ferés, dit Lion, foid que doie saint Remey!
Salluez ma moullier au coraige agency. »
A ycelle parrolle Lion s’an despartit,
13736Avuec ly Garno qu’i tenoit a ammi.
A l’ostel Gaudiffer vinrent li doulx ammi;
La furent richement honnorér et servir,
De vin et de viande furent bien raemplis.
13740Quant il orent souppér, san faire nulz detry
En allerent couchier li chevalier nory.
Ambdui en une chambre ou lieu ot ajansy
Furent mis li vaissalz pour la estre endormy,
13744Et lour homme loialz, tant estoient servyr,
Furent en aultre lieu sevréz et despartis;
Au lez per dairier furent mis a quoytis,
Per quoy s’on faisoit noise, bray ne cry
13748Que nulz qui soit vivant n’en ait rien oyr.
Moult ait bien Gaudiffer son affaire baisty.
Quant Gaudiffer ot fait son apparrillement
Et il furent couchiér a son devisement,
13752De l’ostel se partit san nulz detriement.
Permey Romme s’an vait a son commandement;
Vingt compaingnon ait prins qui furent su parrant.
Il lez ait assamblés, pués lour dit haultement:
13756« Signour, dit Gaudiffer, or oiez mon tallant:
J’ai ung hoste en maison que je heyt durement,
Et si serait perduit se il vit longuement;
Je vous prie pour celui a qui le monde appant
13760Qu’ossire le vuelliez tost et haistivement,
Lui et son escuier et toute la sienne gens;
Et je donrait chescun doulx cent livrez d’ergens
Et si vous amerait a tous jour teillement,
13764Qu’au jour d’ui il n’est chose en cestui tennement
Dont le pappe de Romme puist finer nullement
Que ne vous faice avoir a vous commandement. »
Et cil ont respondus: « Vous parrlez saigement.
13768Allons a voustre ostel san nulz detriement,
Si nous moustrez le lieu et la chambre assiment
Ou nous porons trouver endorment ceste gens.
Trestous lez ossirons c’il estoient yaulz cent;
13772Nous somme tous aprins d’ouvrer sifaitement. »
Et Gaudiffer lez mayne et conduit liement;
En son hostel entrerent san point d’estargement.
Qui lour veyst saichier lez branc ysnellement
13776Et estre en vollanteit de mourdrir faulcement
Il puet bien dire: « Dieu, comme malvaise gens! »
Et Gaudiffier lez mayne aussi bien proppement
La ou Lion gisoit et Garno au corpz gens.
13780L’uys de la chambre ovrit Gaudiffer quoiement;
San clerteit et san feu la voie lour aprant.
Or est le belz Lion pres de son finement;
Ja fuit mors et ossis a duelz et a torment
13784Se Dieu ne l’aidaist a qui le monde appant.
En cel houre songoit Lion au cuer gens
Et li estoit avis que lupart et serpent
Li venoient le corpz despecier laidement
13788Et le cuer et le fiel araigier a torment,
Et que l’arme de ly faisoit despartement
Et alloit az Saint Cielz, lassus ou firmament,
Et que d’un blan collon qui l’amoit loialment
La Faculté des Lettres
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