Combler l’écart : Orientations stratégiques

Le mythe que les gains de l’économie ont un « effet de retombée » a été exposé.

Incontestablement, il existe un écart énorme entre le PIB du Canada et le mieux-être des Canadiens – et il a été accentué par la récession de 2008. Alors que l’économie s’est rétablie après la récession, les niveaux de vie ont chuté et n’ont pas réussi à s’en remettre. Aucun progrès significatif n’a été réalisé en environnement. Moins de Canadiens évaluent leur santé globale et mentale à très bonne, et les gens sacrifient des activités qui rendent souvent la vie intéressante : les loisirs, les arts et la culture, le bénévolat et les liens sociaux.

Nous pouvons faire mieux. La réduction des nombres de personnes vivant dans la pauvreté et notre réussite à garantir un meilleur accès à l’éducation démontrent que des politiques publiques saines peuvent améliorer le mieux‑être des Canadiens. Les engagements récents du gouvernement fédéral à s’attaquer aux changements climatiques promettent aussi d’engendrer une gamme d’avantages positifs pour les Canadiens actuels et futurs. Nous avons donc la capacité d’accroître le mieux-être des Canadiens de façons significatives.

Le mieux-être au coeur des politiques

Pour inverser les tendances défavorables et réduire l’écart, nous devons comprendre que le mieux-être est un système de systèmes interconnectés. Si nous plaçons le mieux-être plutôt que le problème au centre de la prise de décisions, nous commençons à voir des possibilités de solutions qui franchissent ces systèmes. Ultimement, si nous plaçons le mieux-être au cœur de l’élaboration des politiques, il en émerge des politiques complètes, novatrices et éprouvées qui peuvent avantager tous les Canadiens de multiples façons.

Cela est une invitation à tous les ordres de gouvernement et intervenants de s’engager dans un dialogue et une collaboration plus larges au-delà des frontières, au-delà des ministères et au-delà des secteurs. Notre pays ne mérite rien de moins.

Créer une vision pour des changements positifs

À l’automne 2016, l’ICM a invité 18 personnes ayant une expertise dans au moins un des huit domaines à un atelier pour réfléchir sur des orientations stratégiques potentielles qui amélioreraient le mieux-être de tous les Canadiens. On leur a demandé d’examiner les constatations de ce rapport – non seulement dans leur propre domaine d’expertise, mais dans tous les domaines – afin de repérer les liens entre les domaines, ainsi que de proposer des stratégies et des orientations stratégiques qui pourraient aborder divers défis simultanément.

Un des thèmes centraux qui ont émergé est l’inégalité, non seulement sur le plan du revenu, mais aussi relativement à la santé, à l’accès aux ressources communautaires et aux possibilités de loisirs et de culture. Le groupe a répondu en recommandant des orientations stratégiques qui tiennent compte de l’impact sur divers domaines du mieux-être – une approche novatrice et intégrée de politiques qui pourrait procurer de multiples avantages aux Canadiens et confirmer leurs valeurs fondamentales.

Relativement à l’inégalité de revenu, le groupe a déterminé deux orientations stratégiques :

  • un revenu de base universel et un élargissement des avantages aux Canadiens à faible revenu.

Le groupe a aussi proposé des orientations stratégiques visant à s’attaquer aux inégalités dans d’autres aspects interconnectés de la vie des Canadiens :

  • s’appuyer sur la force du domaine Éducation et élaborer une stratégie d’éducation pancanadienne;
  • mettre l’accent sur une approche « en amont » de la santé;
  • mettre à profit le pouvoir de collaboration des collectivités pour le changement social;
  • offrir un accès universel aux loisirs et à la culture;
  • améliorer la cueillette de données sociales et environnementales.

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Offrir un revenu de base universel dans le cadre de l’assistance sociale afin de réduire les inégalités de revenu

Revenu de base universel

Un revenu de base universel est, essentiellement, une politique gouvernementale qui garantit un revenu régulier à tous les Canadiens pour les aider à avoir une vie élémentaire et digne. En plus d’améliorer les niveaux de vie, un revenu de base peut accroître la capacité d’une personne ou d’une famille de faire des choix pour satisfaire leurs besoins. Un revenu de base sort de nombreux Canadiens de la pauvreté et accroît l’accès à des possibilités – sur les plans du travail, de la santé et de la vie communautaire. Les Canadiens, particulièrement ceux qui ont de faibles revenus, auraient un meilleur accès à des possibilités diversifiées de participer plus entièrement à l’éducation, aux loisirs, aux arts et à la culture, ainsi qu’aux événements communautaires – qui améliorent tous aussi la santé, le dynamisme communautaire et le mieux-être global.

Un revenu de base peut aussi atténuer la contrainte de temps, permettant de passer plus de temps avec des amis, ainsi que de consacrer plus de temps à d’autres aspects importants de la vie d’une personne, comme la garde d’enfants, les soins aux aînés, l’éducation et le bénévolat. Parmi les autres avantages sociaux qu’il procure, un revenu de base peut réduire la pauvreté, stimuler la croissance économique, réduire les coûts de soins de santé, améliorer l’éducation et réduire les inégalités de sexe – et tout cela en réduisant la bureaucratie.[23]


[23] Forget, E.L., Marando, D., Surman, T., & Urban, M.C. (2016). Pilot lessons: How to design a basic income pilot project for Ontario. Mowat Research #126. Toronto, ON: Mowat Centre. Consulté à : https://mowatcentre.ca/pilot-lessons/

Les Canadiens et les divers partis politiques appuient généralement l’idée d’un revenu de base universel, et le débat est maintenant centré sur la façon de mettre en œuvre une telle stratégie de manière rentable. Bien que plusieurs approches aient été suggérées, elles se divisent en deux types essentiels : (1) un montant fixe accordé à chaque personne, peu importe le revenu, les acquis, la situation d’emploi ou le besoin; (2) un crédit d’impôt remboursable selon lequel chaque personne reçoit un montant en fonction du revenu – les plus pauvres reçoivent le montant maximal, et les plus riches ne reçoivent rien. On nomme aussi cette approche « impôt négatif sur le revenu », et bien qu’elle soit plus difficile à mettre en œuvre, on estime qu’elle est moins coûteuse. C’est aussi l’approche qui suscite le plus d’intérêt et de soutien.[24]

Bien qu’un revenu de base universel ferait en sorte que moins de personnes se retrouveraient dans la pauvreté, il ne doit pas être considéré comme une panacée ou une mesure de remplacement pour tous les programmes d’assistance sociale. Il s’agit plutôt d’une politique à intégrer à la structure d’assistance sociale existante. À l’instar d’autres programmes d’assistance efficaces, comme l’Allocation canadienne pour enfants et le Supplément de revenu garanti, qui réduisent le taux de pauvreté chez les enfants et les personnes âgées, un revenu de base universel comble les écarts qui persistent et assure que les personnes non admissibles aux fonds ciblés ne traversent pas les mailles du filet de sécurité sociale.[25]


[24] Macdonald, D. (2016). A policymaker’s guide to basic income. Ottawa, ON : Centre canadien de politiques alternatives. Consulté à : https://www.policyalternatives.ca/publications/reports/policymaker%E2%80%99s-guide-basic-income

[25] Zon, N. (2016). Would a universal basic income reduce poverty? Policy Brief. Toronto, ON: Maytree. Consulté à : http://maytree.com/policy-and-insights/publications/policy-brief-basic-income.html

Élargissement des avantages aux Canadiens à faible revenu

Le fait d’intégrer un revenu de base au système de programmes d’assistance comblerait les écarts de soutien qui émergent inévitablement en raison des changements de circonstances économiques et sociales. Cependant, un grand nombre de tels avantages ne sont pas actuellement accessibles aux Canadiens à faible revenu. Par exemple, comme le travail à temps partiel et précaire est de plus en plus courant, moins de Canadiens ont accès à des avantages liés à l’emploi qui leur fournissent des soins de santé, des soins dentaires, une retraite et d’autres avantages. Les personnes les plus à risque sont les femmes, les parents seuls, les Autochtones, les groupes racialisés et les personnes handicapées. Ces inégalités remettent en question nos valeurs canadiennes d’équité et de justice pour tous. L’élargissement des avantages aux Canadiens à faible revenu aiderait à protéger les personnes vulnérables contre les risques associés à la perte de ces avantages.[26]

Lorsque les Canadiens ne peuvent pas accéder à un revenu de base et aux avantages dont ils ont besoin, leur santé physique et mentale en souffre, le risque d’insécurité de logement et alimentaire augmente, la participation à la communauté, aux arts, à la culture et aux loisirs diminue, et le stress est amplifié. On ne peut trop insister sur les effets de ces facteurs sur le mieux-être individuel, et on ne peut en sous-estimer l’impact sur la communauté.

Ensemble, ces deux orientations stratégiques indiquent que nous devons :

  • instaurer un revenu de base universel pour tous les Canadiens dans le cadre du système d’assistance sociale;
  • continuer d’élargir les avantages de santé et sociaux aux Canadiens à faible revenu et à revenu modeste.

[26] Granofsky, T., Corak, M., Johal, S., & Zon, N. (2015). Renewing Canada’s social architecture. Framing paper. Toronto, ON: Mowat Centre. Consulté à : https://mowatcentre.ca/renewing-canadas-social-architecture/

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Adopter une stratégie d’éducation pancanadienne

L’Éducation a connu les progrès les plus importants au cours des années. Compte tenu de son importance pour de si nombreux aspects de la vie des Canadiens, il s’agit d’un domaine qui devrait être mis à profit pour atteindre plusieurs objectifs du mieux-être. En nous appuyant sur l’infrastructure d’éducation existante et en optimisant le pouvoir des programmes de cours, nous pouvons améliorer la préparation des Canadiens pour la vie, le travail et leur pleine participation à la société.

Le moyen d’obtenir ces résultats est une stratégie d’éducation pancanadienne qui s’échelonne de la petite enfance à l’âge adulte avancé, en créant des possibilités d’études formelles ainsi que d’apprentissage permanent et d’acquisition de compétences. La stratégie reconnaîtrait et célébrerait l’éducation en tant que processus qui dure toute la vie, commençant de façon informelle dans la famille, et se poursuivant continuellement par l’éducation durant la petite enfance, les études primaires et secondaires, les diverses possibilités d’études post-secondaires et l’apprentissage permanent des adultes.

L’objectif de la stratégie comporte trois volets :

  1. Accroître la disponibilité et l’abordabilité des possibilités d’apprentissage formel et informel à tous les niveaux d’éducation.
  2. Améliorer les programmes de cours afin de renforcer leurs liens avec les résultats du mieux-être.
  3. Réduire les obstacles interprovinciaux aux possibilités d’éducation et de travail, en permettant une plus grande mobilité à l’échelle du pays pour les Canadiens.

La stratégie inclut des composants à tous les niveaux d’éducation :

Éducation de la petite enfance

  • Faire de l’apprentissage par le jeu une partie intégrale du système d’éducation public pour tous les enfants âgés de 3 à 6 ans, peu importe où ils vivent au Canada.[27]

Prématernelle à la 12e année

  • Renforcer les possibilités d’apprentissage en éducation civique, en éducation physique, artistique et culturelle, en éducation en droits de la personne, en intendance environnementale et en cohésion sociale, dans tous les programmes de cours.
  • Intégrer des possibilités d’acquisition de compétences et de formation en leadership communautaire pour ajouter à l’éducation civique.
  • Inclure des possibilités d’acquisition réussie de compétences sociales et affectives et d’accroissement du mieux-être pour les étudiants.

Post-secondaire

  • Assurer une éducation post-secondaire abordable et accroître l’accès à du soutien financier, incluant des subventions pour l’apprentissage, l’acquisition de compétences et l’apprentissage de métiers post‑secondaires, ainsi que des prêts étudiants sans intérêt.
  • Élargir les services de garde abordables pour les rendre accessibles aux étudiants de niveaux collégial et universitaire ayant de jeunes enfants.

Formation

  • Améliorer le transfert harmonieux des étudiants entre les provinces et les territoires afin d’assurer la continuité et l’amélioration des expériences scolaires.
  • Abolir les obstacles entre différentes compétences afin d’améliorer la mobilité d’enseignants compétents entre les provinces et les territoires.

[27] Conseil des ministres de l’Éducation (Canada). (2012). Déclaration du CMEC sur l’apprentissage par le jeu. Toronto, ON : Conseil des ministres de l’Éducation (Canada). Consulté à : http://www.cmec.ca/Publications/lists/publications/attachments/282/play-based-learning_statement_fr.pdf

Une mesure qui doit être jointe à cette stratégie est l’accroissement de l’accessibilité et de l’abordabilité de places en centre de services de garde réglementés à l’échelle nationale. La garde d’enfants offre d’importants avantages sur le plan du développement des enfants d’âge préscolaire. Elle améliore le mieux-être des enfants, contribue à la réussite scolaire future, aide à jeter les bases d’un apprentissage à vie et rend les résultats d’apprentissage plus équitables. De plus, la disponibilité de garde d’enfants favorise l’égalité entre les sexes en offrant plus de possibilités aux femmes de s’intégrer à la population active, réduit le risque de pauvreté et, surtout, réduit les inégalités.[28] Aussi, on devrait considérer les ressources de garde d’enfants comme étant un composant plus large d’une stratégie d’éducation pancanadienne qui mène à un plus grand mieux-être pour tous.

L’éducation est un déterminant essentiel pour la santé, les niveaux de vie, ainsi que la participation à la démocratie et aux activités culturelles. Les effets positifs de l’éducation sont aussi ressentis dans la famille des personnes – souvent pour des générations. De plus, lorsque les écoles deviennent un carrefour communautaire offrant des programmes avant et après les cours, créant des partenariats communautaires et tenant des événements, les effets positifs sont amplifiés dans l’appartenance et le dynamisme communautaires. La santé, la culture et les loisirs sont aussi améliorés.

Un dialogue pancanadien portant sur les compétences globales dans les écoles est déjà entamé au Conseil des ministres de l’Éducation, qui a publié un cadre comportant un jeu de « lignes directrices pour des​ politiques éducatives et des programmes d’études afin d’appuyer l’élaboration de programmes de qualité pour l’apprentissage des jeunes enfants. »[29] En élaborant une stratégie d’éducation nationale, nous favoriserions l’avancement vers de nombreux résultats importants du mieux-être.


[28] Friendly, M. (2016). Early childhood education and care as a social determinant of health. In D. Raphael (Ed.), Social determinants of health: Canadian perspectives (3rd ed., pp. 192-217). Toronto, ON: Canadian Scholars’ Press.

[29] Groupe de travail du CMEC. (2014). Cadre du CMEC pour l’apprentissage et le développement des jeunes enfants. (p. 4). Toronto, ON : Conseil des ministres de l’Éducation (Canada). Consulté à : http://cmec.ca/Publications/Lists/Publications/Attachments/327/2014-07-Early-Learning-Framework-FR.pdf

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Mettre l’accent sur une approche « en amont » de la promotion de la santé

Les endroits et les conditions dans lesquels nous vivons, apprenons, travaillons et nous divertissons sont les déterminants les plus importants de notre état de santé.[30] De même, notre santé physique et mentale influe sur notre capacité de travailler, d’apprendre, ainsi que de nous engager entièrement envers nos amis et dans nos communautés. Malheureusement, notre système de soins de santé actuel n'a pas été conçu pour tenir compte de ces facteurs. Il est axé principalement sur une « approche en aval », c'est-à-dire de rétablir la santé une fois qu'elle est perdue. En revanche, une « approche en amont » pourrait prévenir les affections, les maladies et les lésions avant qu'elles se manifestent.

La réflexion en amont transfère l’accent sur les conditions et les circonstances dans lesquelles les Canadiens vivent, et cerne les facteurs qui contribuent le plus à une mauvaise santé. Une fois les facteurs cernés, la promotion de la santé et les décisions relatives aux soins sont prises pour minimiser l’incidence de ces facteurs avant qu’ils nuisent à la santé des gens. Le fait de vivre dans la pauvreté et l’accès limité à l’éducation sont parmi les facteurs les plus cruciaux associés à une mauvaise santé. En mettant en œuvre les orientations stratégiques mentionnées plus tôt – un revenu de base universel et une stratégie d’éducation pancanadiennenous faisons un grand pas vers une réflexion en amont pour la promotion de la santé.

Une approche en amont fournit un accès plus large à une gamme de soutiens de santé et sociaux communautaires et aide à réduire la pression sur le système de soins de santé primaires. Elle fournit aux Canadiens du soutien dans des environnements qui leur sont plus pratiques et accessibles, comme leur domicile, des centres de santé communautaires, ainsi que leur lieu de travail ou leur école. Un modèle de santé communautaire comporte de nombreux avantages connexes qui représentent les valeurs fondamentales des Canadiens. Les Canadiens privilégient une plus grande autonomie dans l’administration personnelle de leurs soins, ce qui procure un plus grand sentiment de confort, de contrôle et de dignité, un accent plus prononcé sur la promotion de la santé et la prévention de la maladie, et conséquemment, de meilleurs résultats de santé.[31] Ultimement, une approche en amont peut réduire les inégalités en santé.

Pour favoriser le changement vers une réflexion en amont quant à la promotion de la santé à long terme des Canadiens, nous devons :

  • adopter une approche proactive et préventive aux soins de santé qui cerne les facteurs contribuant à une mauvaise santé et s’y attaque;
  • élargir l’accès en créant un réseau communautaire de soutiens de santé et sociaux qui permet aux gens – particulièrement les personnes faisant face à des obstacles à une meilleure santé – de bénéficier de ses avantages là où ils vivent. Un tel réseau inclut un meilleur accès à :
  • des possibilités de soins de santé, comme des infirmières praticiennes, des équipes de santé familiales, des nutritionnistes et des travailleurs sociaux, visant une approche plus holistique à la promotion de la santé et aux soins – peu importe le lieu où vivent les gens, leur niveau de revenu ou leurs circonstances de vie;
  • des soutiens et services aux gens à leur domicile et dans leur communauté, en réduisant le recours à des établissements de soins de longue durée;
  • des services de santé mentale dans divers établissements de la communauté;
  • des soutiens aux fournisseurs de soins formels et aux soignants familiaux informels afin d’assurer le maintien de leur santé physique et mentale ainsi que d’accroître leur capacité de participer pleinement à la communauté.

[30] Raphael, D. (Ed.). (2016). Social determinants of health: Canadian perspectives (3rd ed.). Toronto, ON: Canadian Scholars’ Press.

[31] MacIntosh, E., Rajakulendran, N., & Salah, H. (2014). Transforming health: Towards decentralized and connected care. MaRS Market Insights. Toronto, ON: MaRS Discovery District. Consulté à : https://www.marsdd.com/wp-content/uploads/2014/09/Sep15-MaRS-Whitepapers-SmartHealth.pdf

Il a déjà été démontré qu’une approche en amont peut être un moyen efficace, efficient et abordable d’offrir un soutien en santé et social. Les centres de santé communautaire (CSC) collaborent avec d’autres organismes et la communauté pour intégrer entièrement une vaste gamme de services de promotion de la santé et de développement communautaire. Ces services aident de façon proactive les personnes dans le besoin à surmonter les obstacles à un plus grand mieux-être qui sont attribuables à des facteurs sociaux et économiques, comme les niveaux de revenus, l'accès à un logement ou à un refuge, l'éducation, la langue et la situation géographique. Bien que les CSC aient très bien réussi à répondre aux besoins de soins de santé des populations vulnérables ainsi qu’à traiter des enjeux de santé complexes et multiples, trop peu de Canadiens y ont accès. L’élargissement du modèle et du réseau de CSC permettrait de réorienter les efforts vers une réflexion en amont sur la promotion de la santé, de réduire les inégalités et d’améliorer le mieux-être global.

Mettre à profit les ressources communautaires grâce à la collaboration

Les collectivités canadiennes sont les principaux milieux pour améliorer notre accès aux arts et aux loisirs, à des aliments nutritifs et à du logement abordable, ainsi qu’à du transport en commun accessible et abordable, et pour favoriser l’engagement civique. Le mieux-être des citoyens et des communautés peut être amélioré collectivement grâce à une planification sociale novatrice et à une conception urbaine améliorée qui opte pour la viabilité[32], une offre accrue d’espaces publics bâtis et naturels, ainsi que la conception de quartiers qui facilitent la marche. La façon d’obtenir ces résultats à l’échelle communautaire est de renforcer la collaboration et la coopération entre les intervenants, d’éliminer l’isolement entre les secteurs, ainsi que de faire preuve d’innovation sociale. En investissant dans les ressources, humaines et physiques, et en les partageant, nous sommes mieux positionnés pour réaliser une vision partagée d’une qualité de vie individuelle et communautaire améliorée.

La collaboration et la coopération entre les agences et les organismes communautaires sont essentielles à la réalisation de changements sociaux et au renforcement du dynamisme communautaire. Pour réaliser de tels changements, les organismes doivent cesser de fonctionner en isolement, peu importe la mesure dans laquelle leurs objectifs sont louables, et travailler en vue de résoudre des problèmes complexes grâce à l’impact collectif – un processus qui « met l’accent sur les relations entre les organismes et la démarche vers des objectifs communs. »[33] Les agences et les organismes communautaires partagent tous la vision de procurer aux citoyens la meilleure qualité de vie, et cette vision peut être leur incitation à collaborer davantage. En travaillant ensemble, ils réalisent les changements sociaux qu’ils visent.

Cinq conditions sont nécessaires pour que les organismes produisent un impact collectif :

  1. But commun – établir les objectifs selon une vision partagée.
  2. Mesures communes – recueillir et partager les preuves nécessaires pour surveiller les progrès.
  3. Activités de renforcement mutuel – s’appuyer sur la contribution unique de chaque organisme.
  4. Communication continue – renforcer la confiance, solidifier les motifs, et garantir les progrès.
  5. Soutien central – créer et définir le leadership nécessaire pour favoriser et maintenir la coopération.[34]

[32] Kania, J., & Kramer, M. (2013). Embracing emergence: How collective impact addresses complexity. Stanford Social Innovation Review, January, 1-7. Disponible à : https://ssir.org/pdf/Embracing_Emergence_PDF.pdf


[33] Hicks, C.C., Levine, A., Agrawal, A., Basurto, X., Breslow, S.J., Carothers, C, … , & Levin, P.S. (2016). Engage key social concepts for sustainability: Social indicators, both mature and emerging are underused. Science, 352(6281), 38-40.

[34] Kania, J., & Kramer, M. (2011). Collective impact. Stanford Social Innovation Review, Winter, 36-41. Disponible à : https://ssir.org/images/articles/2011_WI_Feature_Kania.pdf

Les gouvernements municipaux doivent aussi jouer un rôle. En plaçant le mieux-être au cœur des politiques municipales et en offrant un leadership politique, les municipalités peuvent appuyer les efforts de collaboration afin d’atteindre une qualité de vie communautaire – un objectif que les autres ordres de gouvernements tentent aussi d’atteindre, en ayant de la difficulté à y arriver seuls. Parallèlement, les groupes sans but lucratif et bénévoles, les bailleurs de fonds et le secteur privé peuvent revendiquer avec les gouvernements municipaux l’élaboration de programmes, de services et de politiques qui abordent leur objectif commun et, ultimement, améliorent le mieux-être simultanément dans plusieurs domaines.

En adoptant la collaboration et en mettant à profit les ressources locales pour améliorer le mieux-être, les municipalités peuvent :

  • accroître l’engagement des citoyens et des organismes communautaires dans la planification, l’élaboration et le partage d’atouts importants, comme les écoles, les bibliothèques et les centres communautaires, les parcs, les sentiers et les pistes cyclables, les espaces ouverts pour les arts et les rencontres publiques, ainsi que l’utilisation alternative des terrains, comme l’agriculture urbaine;
  • examiner la façon dont l’environnement naturel et bâti a une incidence sur de nombreux aspects du mieux-être dans tous les domaines, ainsi que travailler vers l’élaboration d’immeubles plus verts, de communautés conçues pour favoriser la marche, de quartiers à usages multiples, ainsi que d’espaces intégrés où les résidents peuvent se rencontrer, planifier et jouer;
  • offrir un transport en commun abordable et accessible afin de viser une santé améliorée, un engagement plus profond aux activités récréatives et culturelles, un accès à de meilleurs aliments et emplois, la réduction d’émissions de gaz à effet de serre, ainsi qu’un emploi du temps plus efficace pour atteindre un meilleur équilibre travail-vie;
  • s’assurer que tous les citoyens, peu importe leur statut social ou économique, ont accès à des possibilités de travail décent, à des aliments et du logement sécuritaires, aux loisirs, aux arts et à la culture, ainsi qu’à un engagement civique enrichi;
  • surveiller les progrès vers les objectifs de mieux-être grâce à une cueillette régulière de données communautaires afin d’établir une base de référence des besoins locaux, de cerner les écarts d’accès à des possibilités qui favorisent le mieux-être, ainsi que d’orienter les politiques et les initiatives locales, particulièrement en appui aux groupes marginalisés qui peuvent accuser du retard.

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Offrir un accès universel aux loisirs et à la culture

Toute personne a droit au repos et aux loisirs et notamment à une limitation raisonnable de la durée du travail et à des congés payés périodiques.[35]


[35] Nations Unies. (1948). Article 24. dans la Déclaration universelle des droits de l'homme. Résolution adoptée par l’Assemblée générale, A/RES/3/217A. Paris, FR. Disponible à : http://www.ohchr.org/EN/UDHR/Documents/UDHR_Translations/frn.pdf

Nous consacrons souvent notre temps aux loisirs et à la culture lorsque notre vie est satisfaisante, lorsque nous pouvons réellement être nous-mêmes avec des amis, la famille et des membres de la communauté, ainsi que lorsque nous participons à des activités et nourrissons des intérêts qui enrichissent notre qualité de vie. En plus de nous enrichir personnellement, la participation à des activités de loisirs, culturelles et récréatives nous enrichit collectivement. Elle est inévitablement de nature sociale – elle nous met régulièrement en relation avec d’autres personnes qui partagent des intérêts et des valeurs semblables. Ces liens aident à renforcer la cohésion sociale en créant des liens plus solides avec la communauté, en alimentant des relations de confiance accrue, ainsi qu’en favorisant une meilleure compréhension des divers groupes au sein de la communauté. Malheureusement, alors que plus de personnes ont de la difficulté à joindre les deux bouts, ont un emploi précaire et sont plus préoccupées par leur logement et leur famille, les loisirs sont souvent sacrifiés.

Pourtant, nous savons que le temps consacré au bénévolat ou à la participation aux loisirs, à la culture et à la récréation est important pour notre santé physique et mentale, nos liens sociaux, notre capacité d’apprendre et de croître, ainsi que notre sentiment d’appartenance. Les loisirs constituent un moyen efficace d’intégrer les nouveaux Canadiens ou les personnes marginalisées. Les espaces publics où nous participons fréquemment à des activités de loisirs sont des lieux où la confiance, la réciprocité et les amitiés croissent. En consacrant plus de temps à pratiquer des activités avec des amis, nous allégeons le stress et le sentiment de contrainte de temps. Aussi, une baisse de plus de 9 % du domaine Loisirs et culture est particulièrement inquiétante, parce qu’il est celuinotre mieux-être peut être le plus dynamisé.

Pour aider à renverser la tendance à la baisse au cours des 21 dernières années, on devrait considérer les loisirs non seulement comme un droit humain de base, mais aussi comme un bien public. Les loisirs ne sont pas un bien qu’on peut acheter ou vendre sur le marché. Ils constituent l’expression fondamentale de ce que nous sommes et devraient être accessibles à tous, peu importent les circonstances. Tous les Canadiens devraient avoir une possibilité égale de participer aux loisirs et à la culture en tant que moyen fondamental d’améliorer le mieux-être individuel et communautaire.

Conséquemment, pour renverser la baisse en Loisirs et culture, les gouvernements doivent :

  • s’assurer que les installations, les programmes et les services récréatifs publics sont accessibles à tous les membres de la communauté, par exemple, en éliminant ou subventionnant les frais d’usage pour les personnes à faible revenu et en élargissant les possibilités aux groupes marginalisés;
  • maintenir et accroître le financement pour mettre à niveau les infrastructures de parcs, de loisirs et d’arts dans nos communautés;
  • offrir aux enfants plus de possibilités de jeux actifs et extérieurs;
  • appuyer l’élaboration d’activités culturelles et récréatives non traditionnelles pour célébrer la diversité et favoriser les liens sociaux;
  • rendre plus disponibles et accessibles les espaces ouverts naturels et bâtis afin de s’assurer que les communautés nouvelles et réaménagées incluent un réseau intégré d’espaces où l’engagement citoyen, les interactions sociales et le jeu puissent avoir lieu;
  • mettre à profit les ressources communautaires en appuyant la collaboration entre les groupes communautaires et les organismes publics qui cernent les besoins locaux et facilitent l’accès à des possibilités de loisirs et culturelles, particulièrement pour les groupes marginalisés et les nouveaux Canadiens.

Ces orientations stratégiques cadrent avec Sur la voie du bien‑être – Cadre stratégique 2015 pour le loisir au Canada[36] (le Cadre) élaboré par l’Association canadienne des parcs et loisirs et le Conseil interprovincial du sport et des loisirs, et subséquemment approuvé par les ministres fédéral et provinciaux responsables du sport, de l’activité physique et des loisirs au Canada. Le Cadre conçoit les loisirs comme une voie vers le mieux-être individuel et communautaire, ainsi que le mieux-être des environnements naturels et bâtis. Parmi ses objectifs, le Cadre revendique une vie active, une intégration et une accessibilité accrues aux loisirs, des environnements qui favorisent la participation et le renforcement communautaire, ainsi que l’établissement de liens entre les gens et la nature.

Une indication que le gouvernement fédéral reconnaît l’importance d’appuyer l’accès aux loisirs et à la culture pour tous les Canadiens est l’annonce récente de l’assurance que le financement est disponible pour soutenir les infrastructures de loisirs et de culture dans les collectivités canadiennes. Par exemple, le Nouveau Fonds Chantiers Canada, dont une partie octroie environ 13 milliards $ pour appuyer des projets d’importance nationale, régionale et locale, a été élargi en avril 2016 pour inclure les infrastructures en culture, loisirs et tourisme. De plus, en mai 2016, le Fonds du Canada pour les espaces culturels a commencé à investir 162,8 milliards $ dans les infrastructures culturelles, améliorant ainsi les conditions matérielles nécessaires pour favoriser la créativité et l'innovation artistiques, et ultimement, élargir l'accessibilité de tous les Canadiens aux arts de la scène, aux arts visuels, aux arts médiatiques, ainsi qu'aux collections muséales et aux expositions patrimoniales. Alors que de tels fonds deviennent disponibles, les collectivités devraient adopter la collaboration afin de rassembler divers secteurs – et, conséquemment, les intervenants de divers domaines du mieux-être – ainsi que d’obtenir les ressources nécessaires qui mènent à des changements sociaux.


[36] Association canadienne des parcs et loisirs / Conseil interprovincial du sport et des loisirs. (2015). Sur la voie du bien-être - Cadre stratégique 2015 pour le loisir au Canada. Ottawa, ON : Association canadienne des parcs et loisirs. Disponible à : http://www.cpra.ca/FR/main.php?action=cms.framework

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Améliorer la cueillette de données sociales et environnementales

Nous vivons à l’aire des « mégadonnées ». Les ordinateurs portables suivent littéralement nos moindres faits et gestes. Les sociétés de cartes de crédit surveillent chaque transaction, et nos téléphones cellulaires utilisent un système mondial de localisation par satellite pour cartographier tous nos déplacements. Et pourtant, le Canada et les provinces ne disposent pas d’un système intégré de données sociales et environnementales exhaustives qui fournirait un portrait plus précis de notre mieux-être. Les données devraient être recueillies partout au pays régulièrement, sous une forme normalisée, et à une échelle géographique qui nous permettrait de surveiller les progrès de l’échelle nationale à l’échelle locale dans tous les domaines du mieux-être.

La prise de décisions fondée sur des preuves est essentielle pour nous assurer que l'élaboration et la mise en œuvre des politiques sont guidées par les indicateurs les plus récents et pertinents du mieux-être. Voilà pourquoi nous devons accorder une plus grande priorité à la cueillette et la publication régulières de données de haute qualité et fiables. Statistique Canada, Environnement Canada et d'autres organismes fédéraux produisent effectivement d'excellentes sources de données. Malheureusement, il existe peu d'ensembles de données nationales solides, pluriannuels et entièrement accessibles sur un large éventail d’aspects sociaux et environnementaux de nos vies.

En l'absence de telles données, nos efforts pour rendre compte des modifications de la qualité de vie au Canada sont compromis. Nous devons donc :

  • accorder une plus grande priorité à la cueillette régulière de données sociales et environnementales de haute qualité et fiables afin de mieux éclairer la prise de décisions et l'élaboration de nouvelles politiques;
  • nous assurer de la disponibilité continuelle de données fiables, valides et pertinentes sur tous les aspects du mieux-être ainsi que de l’accessibilité continue à celles-ci;
  • recueillir des données du niveau national au niveau local afin d’assurer la surveillance des progrès relatifs au mieux-être à toutes les échelles géographiques ainsi qu’une comparabilité suffisante;
  • développer davantage les systèmes pour intégrer des données administratives et des données de sondages nationaux afin de fournir des sources de données plus complètes et solides, sans accroître le nombre de sondages ni la redondance des données recueillies.

Même si ces recommandations sont mises en œuvre, il existe toujours un important écart dans notre compréhension du mieux-être de tous les Canadiens. En particulier, des données complètes manquent concernant les Autochtones du Canada. De nombreux sondages nationaux excluent les personnes vivant dans des réserves et dans des collectivités désignées dans les provinces. Il arrive souvent aussi qu’ils n’incluent pas les personnes vivant au Nunavut, au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest. Conséquemment, leurs voix sont rarement incluses dans les profils nationaux des Canadiens. Étant donné que les Autochtones du Canada font face à de graves défis relatifs à la santé, aux niveaux de vie et aux possibilités d’éducation de qualité, leur manque de représentation dans nos données – et par conséquent, notre compréhension – est inacceptable.

De meilleures données – et une meilleure compréhension de ces données grâce à un renforcement continu des relations et de la confiance – éclaireraient les politiques conçues pour améliorer le mieux-être de tous les Canadiens.

  • Améliorer la portée, la qualité et la disponibilité des données sur le mieux-être des Autochtones.

Conclusion

L’ICM favorise un dialogue constructif et éclairé qui peut mener à des changements sociétaux positifs. Il nous permet de faire une pause pour remettre en question le statu quo et envisager d’autres façons de promouvoir une meilleure qualité de vie pour tous les Canadiens.

Les divergences entre l’ICM et le PIB nous démontrent clairement que nous n’avons pas fait les bons investissements dans notre population et nos collectivités, et que nous n’y avons pas investi depuis longtemps. Il est temps que les politiques publiques mettent plus l’accent sur la qualité de nos vies. En examinant les constatations de l’ICM selon une perspective de politiques et en tenant compte de la façon dont les changements surviennent dans un système complexe de domaines interconnectés, nous pouvons prendre de meilleures décisions sur la façon d’améliorer la qualité de vie de tous. Nous pouvons déterminer comment les divers ordres de gouvernement, le secteur privé, la collectivité et les organismes sans but lucratif peuvent collaborer à l’amélioration des domaines où nous accusons du retard depuis 1994, tout en mettant à profit ceux qui se sont améliorés durant la même période. L'interconnexion entre les domaines de l'ICM exige ce niveau de collaboration afin d’obtenir les meilleurs résultats pour tous les Canadiens. Cette façon d’agir guidera l’élaboration et la mise en œuvre de bonnes politiques publiques et permettra de mesurer l’évolution de ce qui compte véritablement pour les Canadiens pour les années à venir.

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