La Faculté des Lettres
PAS building room 2401
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The next day, the Christians of Anseïs confront the heathens who are on the verge of victory, when God sends the White Knight to help Olivier and the Christians. Galienne takes advantage of the opportunity to make Olivier aware of her feelings for him and to give him a ring as a token of her love.
The following day, Olivier helps Anseïs win back Burgos, which the king then gives to him as a reward. Olivier therefore becomes known as Olivier de Burgos. Shortly afterwards, Anseïs dies and leaves Galienne as his only heir, who then marries Olivier. The son of Lion becomes the king of all of Spain. However, during the first night with Galienne, a heavenly voice encourages him to reveal his origin and to leave for Palermo, since it is there that he will find his father, his mother and a brother.
After three months at the walls of Reggio, Girart finally succeeds in capturing the prince of Taranto but refuses to hand him over to Lion. The latter goes to meet Girart in order to punish him for his disobedience. Girart reveals his origin and Lion embraces him, recognizing him as his son. Girart captures his uncle, the duke of Garnier, who is executed, as is the prince of Taranto, while Genoivre is burnt. The protectors of Reggio surrender.
After the takeover of Reggio, Lion announces that he will reward whoever can find his son Herpin, baptized as Olivier by the cow herder Elie. The latter presents himself in front of Lion and speaks of Olivier, whom Lion recognizes because he wears a red cross on the shoulder. Lion orders Elie and the squire Henry to find his son, while he heads for Palermo, leading his troupes with Girart and Thiéry.
Elie and Henry head for Burgos. They had barely arrived in the city, when they learn of the deeds of Olivier as well as his marriage to Galienne. She welcomes them and tells them of Olivier’s departure for Palermo. Olivier is at the walls of the city of Palermo, at the same time as Lion. Galienne describes Olivier’s shield. Back in Palermo, Elie and Henry let Lion know that his son is in his army and that he can be recognized by his shield which has a silver angel, crowned with gold, on an azure background.
Lion rejoices as he hopes to find his second son, as well as Florantine, Bauduyn and Marie. The latter are not far from Lion, since they have been living at Palermo for a long time, with Ysoré, the good heathen.
Early in the morning, Lion attacks Palermo. The inhabitants are in a difficult situation because they are lacking supplies. Florantine encourages Bauduyn to help win back the camp of the Christians. Thanks to the help of Ysoré who wants to be baptized, they all succeed at getting through the walls of the city but get captured in the moats. The Christians who capture them are none other than Girart and Olivier, both being on guard that night. That day, Florantine notices the remarkable resemblance between the twins and then she recognizes Lion. The reunion of the entire family causes great rejoicing. Shortly after, Lion gives Marie to Girart in marriage and gives him the duchy of Calabria.
Palermo falls, the heathen Sinagon escapes to Falise, which belongs to his niece Gracienne. Lion penetrates Palermo and gives it as a gift to Guillaume. Then he returns to Monlusant (which had been changed to Montoscour) to restore the city. It is there that Florantine falls ill and dies. Afflicted by the death of his wife, Lion secretly withdraws to a hermitage to spend the rest of his life in prayer. He leaves a letter for his sons, in which he divides his possessions: Guillaume receives Bourges and Olivier receives Sicily.
At this time, Herpin de Chypre wages war against the heathens of the Holy Land. He appeals to the army of Olivier, and it is at Ascalon that the latter joins the forces of Herpin.
« Ollivier, dit li rois, preux estez et senés!
25330 Bien as estéit per vous secorrus et tensés;
Bien m’avés secorruit contre lez Turc dervés.
Or vous donrait bialz dont, car yceste citeit
Vous est de moy donnee; vous en serés donnéz. »
25334 Et Ollivier respont: « Dieu en soit aouréz!
Adés doit li hons prandre et ester et yver,
Ceu que plux souffisant, que ne est assez
Donné per amour; or en soit Dieu loéz! »
25338 Au rois en fist hommaige, ne s’i est arestéz.
Ensi fuit Ollivier de Burs ahiretéz.
Ollivier de Burs fuit puesdit appelléz;
Ne l’en chayt li nom tous lez jour de son aiez.
25342 Or avint tost aprés qu’Anseys li doubtéz
Trespessait de ceu ciecle et si fuit enterréz
En la ville de Nadre et la le trouverez,
Voire, sa riche tombe, se veyr la vollez.
25346 A la franche pucelle remeyst li roialteit.
Elle amait Ollivier, cez cuer y fuit tornéz.
Tant l’amoit la pucelle, c’est fine verité,
Que durer ne pouoit; cez cuer fuit enbraséz
25350 De l’amour Ollivier teillement aluméz
Qu’elle le prist briefment et s’an fuit espouséz.
Ensi fuit Ollivier d’Espaingne corronnér,
Et si ot la pucelle ou grande est li biaulteit,
25354 Et l’espousait li anffe qui
tant fuit naturéz.
Maix la premiere neut qu’o li c’est reposéz,
Li vint dire une voix: « Ollivier, attandez!
Au plux haistivement, amis, que vous pouez,
25358 En yrés a Pallerne ou fort est la citeit;
La y arait ung ost ains quaitre moix paisséz.
En cel ost, amis, ains que vous en partez,
Voustre perre et vous mere et vous frere charnez,
25362 Je vous dit en certain, vous lez y trouverez.
Et dite Gallienne de quel parrt vous venez,
Comment fuitez noris, amis, et alevés. »
Et Ollivier ait dit: « Dieu, tu en soie loéz! »
25366 Adont c’est a sa femme maintenant retornés.
Plux de cent foid li baise la bouche et le nez.
Celle lou desiroit, l’anffan en fist cez grez;
Et quant ill orent fait toute lour vollanteit,
25370 Gallienne parrlait si comme oyr polrez:
« Sire, dit la pucelle, pour Dieu ne me cellez,
Dite moy le pays ou vous fuitez nez,
Et me nommez le perre dont futez engenréz,
25374 Et la mere ansement dont vous fuitez portér.
Je vous prie, pour Dieu, que point ne m’en faulcez. »
Et Ollivier respont: « Damme, vous le sarez.
Je vous jure sur Dieu qui en croix fuit penéz
25378 Que je ne sa, amie, ou mez corpz fu nez,
Le lieu ne lou pays ne lou grant hiretez.
Maix je vous dis, royne, qu’an ung boix fuit trouvéz;
Ung vaicquier me trouvait de qui je fus gardér;
25382 Quinze ans il me norit dont il fuit malz louuéz:
Je wardoie cez vaiche et per boix et per preis;
Trestoute lez vandit en boin florin contéz.
Cheval en achetait sur quoy me sus montéz
25386 Et bonnez armure de quoy je fuis armér.
Et ung bouhourt, ma damme, estoit adont criéis;
En ung riche chaistel la estoit grant barnez,
De chevaillerie y avoit il assez.
25390 Damme, je y behourdait, Dieu en soit loéz
Que bien fus en fait d’arme a celui jour prouvéz,
Qu’au vespre, doulce amie, li pris me fuit apourtés
D’unne coronne d’or dont je fuis estrennéz.
25394 De conte et de princier je fuit moult honnorér
Et j’estoie si bien de moy endoctrinéz
Que ensi que je veoie lez chevalier membréz
Maintenir lour estet et lour nobillitez,
25398 Trestout sans ensignier, c’est fine veriteit,
Faisoie l’avenant; oncque n’en fus blafmér.
Ou boix me retornai ou estoit mez ostez,
Et la fuit du vaicquier laidement appelléz,
25402 Qui m’appellait « Trouvez »; lais mos me dit assez.
Et quant je solz, ma damme, que j’estoie trouvéz,
De li me despartit moult bien atallantéz;
Et de querre mon perre je m’estoie aprestéz.
25406 Or m’ait Dieu envoiér deden cez hiretés
Ou je sus de Fortune si bien fortunéz
Que sus de plux en plux a haulte honnour montéz.
Maix a la grant baitaille ou je fus jus versér
25410 Vint ung blanc chevalier per quoy fuit remontéz.
De parraidis venoit et si me dit assez
Que je estoie, damme, de hault homme engenréz
Et de moult gentilz damme estoit mez corpz pourtér.
25414 Ersoir songait ung songe que vous dire m’orez,
Car il m’estoit avis que Dieu per cez bonteit
Me disoit: « Ollivier, de si vous partirez
Et tout droit a Pallerne oultremer en yrez,
25418 Et illuec vous perre et vous mere rarez. »
Et g’iray, se Dieu plait, ains quaitre moix passéz!
̶ Sire, s’ai dit Gallienne, ja ne m’eslongerez,
Car doncque vous soiez, per Dieu, bien digne estez
25422 Que vous aiez coronne, per Dieu bien le vallez.
Si vous prie cil estet soit ormaix cellér
Per quoy si ne lou saiche homme de mere nez,
Car li fait m’en seroit laidement reprouvéz.
25426 Maix se je vous en hait ne yver ne ester,
Je prie a Jhesu Crist que mez corpz soit dampnéz! »
Ensi se devisait Ollivier li senez.
Or vous lairait de li, il en est tempz paisséz,
25430 Si dirait de son perre qui fuit tant redoutéz:
Le gentilz duc Lion, qui tant fuit redoubtéz,
Qui estoit devant Rege dont bonne est la fermetez.
De Lion vous dirait car il en est bien tant,
25434 Qui estoit devant Rege la citeit qui fuit grant;
Avec cez grant os y fuit li duc loingztempz.
Li duc fist une issue une foid sur lez champz,
Le prince de Tarante fuit avec lui issant;
25438 Per une maitinee fuit bruyne levant.
Quoiement sont venus a trez et a breham;
Lez corde et lez passon estoient descoppant;
Tout mettent a l’espee chevalier et sergens.
25442 Garno li mareschault estoit adont gardant
Le pas de la citeit, et cialz lez derubans;
Quinze cent soldoier ot avec li aidant.
En celle compaingnie fuit li bastars puissant,
25446 Encor ne lou cognoit nulz hons qui soit vivans.
Tous lez jour voit son perre qui tant est souffisant,
Maix il ot jurér Dieu en qui il fuit creant
Que a li ne seroit nullement amoustrant
25450 En nesune maniere qu’i lou soit cognissant
Devant qu’il arait fait fais qui soit vaillant,
C’on soit de son parraige baus, liez et joians.
Quant Ganor sot l’issue dez fellon soldoiant,
25454 Au devant d’iaulz se mist, Rege fuit aprochant.
Entre la ville et l’ost se mist li vaissalz frant;
Et Lion d’aultre parrt sonne cez olliffan
Et faisoit cez baron ordonner sur lez champz.
25458 Et li duc de Callabre et li prince vaillant
Se sont mis au retour, car li fait fuit pesans.
Moult avoient estéz au duc Lion pesans.
Cent chevalier ont prins san lez aultre sergens;
25462 A Rege repairoient, maix Ganor li saichant
Lour vint a l’ancontrer; la fuit li estour grant;
La ot grant cop ferus de espee et de brant.
Maint chevalier versét, pluxour destrier corrant
25466 S’anfuyoient per lez valz, lez rainne traynant.
Signour, grant fuit la noise et pesant l’estris;
La fuit maint chevalier detranchiér et ossis,
Copér testes et bras, cerveillez et pis.
25470 La fuit maint cor d’arain et sonnér et bondis.
Quant li duc de Callabre se persut entrepris,
Au muelx qu’il oncque pot c’est de 1′estour partis.
Le prince de Tarante ne s’an est mie fuys,
25474 Ainsoy fiert a nous gens come le loupz az berbis.
Il n’ataint homme nulz ne soit mort ou perril;
Plux estoit redoubtéz que ung ennemis,
Car nulz ne 1′ose approchier car trop est malleys.
25478 Atant est li bastart qui moult estoit herdis;
Quant il persoit le prince qu’ansi estoit aaitis,
Celle parrt est venus li damoisialz gentilz.
Il entoise le branc qui bien estoit fourbis;
25482 Le prince va ferir amont desur le vis;
Li cop est avallér qui ne fuit pas petit
Dessus la droite espaulle ou le haubert est mis;
Et le feir y entrait, que point n’est resortis.
25486 L’espaulle li porfant. Li brant li est guenchis,
Que c’il fuit droit alléz, je sus certain et fis,
Qu’i l’eust jus coppér et en y eut eu sis.
Nonporquant fuit li bras affolléz et perilz;
25490 Ne tient que a la pelz que ne soit jus mis.
L’espee li cheyt contrevalz le lairy.
Si a grant meschief fuit li signoris
Qu’il est du chevalz a la terre flaistris,
25494 Et le bastard descent, si est a li vertis.
Le prince li escrie: « Garde ne soiez occis,
Car je me rent a toy, se serait tez prouffis.
Prince sus de Tarante, moult riche est la cis.
25498 ̶ Vaissalz, dit li bastard, vous serez garantis. »
Il conduit et mainne nous hons qui sont vis.
Ne se mist au devant dont il fuit ravis.
La jornee devant ait estéz fait li cris
25502 Que se nulz soldoiens a gentilz homme nulz pris
Que nulz ne [li] restoille sans y estre laidis.
Atant est venus a Ganor le chevalier gentilz;
En sa compaingnie estoient Thiery et Hanry.
25506 Le bastard encontrerent qui le prince avoit pris.
Garno li escriait: « Vaissalz, pour Jhesu Cris,
Garde bien ta prison, car c’est nous ennemis!
A Lion nous signour il ait fait tout le pis. »
25510 Et li bastard respont: « Signour, pour Jhesu Crist,
Quant vous en prenez ung, si en faite vous devis;
Car cil si est a moy dont je sus esjoys! »
A cez mot s’an est li bastard d’illuec partis.
25514 En sa tante est venus li vaissalz ajansis;
La avoit doulx verlet dont il estoit servis.
A sa tante est venus li baitard au cuer saige;
Cez verlet y trouvait, si lour dit per halsaige:
25518 « Gardez bien ceu prison ou vous ferez follaige!
Se bien ne lou gardez, foi que doie mon visaige,
Vous deux vous pandera, je n’en vuelz aultre gaige. »
Et cil l’ont ysnellement prins en garde.
25522 Li baistard repairait ou grant estour salvaige,
Maix tout sont desconfis li citoiens poc saige.
Li mareschault repaire a son riche bernaige;
Venus est a Lion qui estoit sur l’erbaige,
25526 Adont li escriait moult hault a son langaige:
«Sire, per celui Dieu qui moruit a hontaige
En crois pour nous geter hor de puant manage,
Dont Adam per folz sans nous acquit l’iretage,
25530 Huy vous est avenus honnour et vassellaige
Du prince de Tarante qui le cuer ait salvage!
Jamaix per le fellon n’arez ja jour dapmaige:
Prins est et affolléz et mis en vous servaige.
25534 Ung soldoier l’ait prins qui est en vous truage;
Il ait bien quaitre moix que ait ressus vous gaige,
Maix c’est li plus herdis, per Dieu et son ymaige,
Qui soit en tout l’ost logiér sur ceu pret large.
25538 ̶ E, Dieu, s’ai dit Lion, envoiez ung messaige
Au gentilz soldoier qui ait fait telz bernage;
Si bien l’en paierait et donrait hiretaige
Que honnoréz en seront tous cilz de son paraige! »
25542 Et dit ung chevalier: « Bien sai son ostellaige.
Je yrait parler a lui san point de l’arestaige
Et s’amanrai le prince qui est en son servaige.
̶ Allez, » s’ait dit Lion a l’andurer corraige.
25546 Li chevalier s’an part, o li ung escuier;
Ver le trés du bastart vorent il adressier.
Li bastard debonnaire fuit assis au mengier.
A l’estaicque du trez fist le prince loyer;
25550 La li donne a mangier comme povre soldoier.
C’estoit li sien cosin, maix ne l’avoit pas chier
Pour ceu qu’il ait grevér le sien perre Gautier.
Atant est li vaissalz san point de l’estargier;
25554 Au baistard est venus, si li prist a huchier,
Et dit: « Frans damoisialz, entandez mon cudier:
Ci m’envoie Lion, nous sire droiturier,
Et vous mande per moy vuelliez li envoier
25558 Le prince de Tarante qui cuer ait de lanier,
Car a son droit le vuelt li duc justicier.
Or li menrons briefment san point de l’estargier. »
Quant li baistard l’antant, si prist a regaitier;
25562 Lez yeulx li commansait fort a esrouellier.
Il se levait en piez san point du destrier,
Et dit: « Vaissalz, or en allez arier,
Car per celui Signour qui tout ait a jugier,
25566 Avuec vous n’enmenrez mie mon prisonnier!
Je ne sai home ou monde, ne duc ne princier,
Se li metoit la main que ne li volcisse tranchier!
Li prince est a my, on lou me doit laissier
25570 Car je l’a concquestér a l’espee d’aicier;
Se lou pués delivrer tout a mon desirier
Et faire mon volloir, car on le fist noncier
Et permey trestout l’ost plublier et noncier,
25574 Quiconcque pranderoit sergens ne chevalier
Con ne l’an osteroit ja la monte d’un denier
De quant que cil volroit pour ranson paier. »
« Vaissalz, dit li baistard a la chiere herdie,
25578 Li prison est a my, je l’ai en ma baillie,
Et pour itant vous dit que vous ne l’arez mie! »
Et dit li chevalier: « Vous dite musardie!
A vous n’en parlerait jamaix jour de ma vie !
25582 A Lion le menra qui tant ait signorie. »
Quant li bastard l’antant tout le sang li fremie.
Tost et ysnellement ait la tauble guerpie;
Oultre s’an est saillis, s’ait l’espee saichie;
25586 Tout en air la levait, et pués si l’ait abaissie.
Le chevalier cudait ferir droit en l’oye;
Le chevalier guenchit, l’espee est glaissie;
En l’estac du trés est entree et fichie;
25590 Ung telz troz y ait fait que de palme et demie.
Adont au chevalier tout li sanc li fremie;
Oncque n’ot tel pauour qu’il ot a celie fye.
Il est tornéz fuyant permey la praierie;
25594 N’atandit l’autre cop pour tout l’or de Pavie!
A Lion s’an revint; haultement li escrie,
Et dist li chevalier: « Pour le filz Sainte Marie,
Avez vous merchandér de moy tollir la vie?
25598 Vous m’aviez envoiér si mal a ceste fye
Que j’ai estét pres mors, per ma chevallerie,
Per le fel soldoier que li corpz Dieu maldie!
Moult bien li fuit per moy vous besoingne noncie,
25602 Maix il n’i aicontait la monte d’une aillie;
Bien dit que le prison ne vous rendera mie,
Ains le delivrerait tout a sa commandie.
Nulz ne puet deffandre ne l’ait en sa baillie
25606 Pour faire tout son grez, soit sans ou follie;
Amener le cudait, maix Jhesu me maudie!
Se fuisse demourér, d’unne espee forbie
M’eust a ung seul cop la teste jus roingie:
25610 Il ferit aprés moy une teille haignie
Que l’estaiche du trez ait permey jus tranchie!
Vangiez moy du glouton, sire, je vous en prie. »
Et quant Lion l’oyt, ne li agreait mie.
25614 Il jure Dammedieu, qui pour nous a haichie
Fuit mis en la croix pour l’umainne lignie,
Que si mal ait pancér li glous teille estampie,
Si mal ait fait tel chose, il tornera a follie.
25618 Adont est montéz ou destrier de Surie,
Et li belz Ganor et sa noble chevalerie,
Et Thiery et Hanry u mont ait baronnie;
Pour voir lez vaissalz ont lour voie acuellie.
25622 L’outraige qu’il ait fait ne lour plaisoit mie.
Or chevalche li duc, o lui si compaingnon;
Oncque ne s’i arestait jusque vint az pawillon
Ou li bastard estoit qui Girard ot a nom.
25626 Chescun le juge a mort pour sa grant mesprison,
Et a tranchier la teste per dessus le menton.
Li duc est dessandus assez pres d’un passon;
Li bastard vint encontre, s’ostait son chaipperon.
25630 « Vaissalz, s’ai dit li duc, per le corpz saint Symon,
Oncque maix en ma vie ne trouvait baron
Qui me tenist certe nulz jour a si bricon
Que vous m’avez tenus en ycest saison,
25634 Se ne fuit li duc que Garnier ait a nom
Que jou ai assegiéz. Cil m’ait fait trayson,
Et vous m’avez assi faite grande mesprison
Quant ne me voullez envoier vous prison,
25638 L’omme qui plux m’ait fait ennoy et mesprison.
Delivrer le voullez malgrez m’entancion.
N’ai ge pais doncque argens et avoir a foison
Pour vous paier de lui si bonne raenson
25642 Comme il vous souffiroit et vanroit a bon?
Desobeyr avez san cause et san raison!
Yestez vous acordér a Garnier le lairon?
Me voullez vous trayr? Jou en a souspeson.
25646 Je vuelz que on vous tranche le chief sur le menton !
̶ Sire, dit li bastard, vous parlez en pardon,
Je ne sai personne en ceste ost, se vous nom,
C’il met la main sur moy pour faire se bien non
25650 Que ne li tolle la teste desur le chaiperon. »
Et quant li duc l’oyt dire ceste raison,
Si li dit en oiant: « Per le corpz saint Symon,
Estez vous dont estrait de si noble estraccion
25654 C’on ne vous oseroit forfaire la monte d’un bouton ?
̶ Oyr, dit li bastard, foy que doie saint Claron!
Mez cosin est Ogier, et li boin duc Naymon,
Et Guillamme d’Orange, Aymery de Nerbon,
25658 Et Iernalz de Baulande et Girard de Roucillon,
Richard de Normandie qui cuer ait de lion,
L’arcevesque de Rain qui Turpin ait a nom,
Et maint boin chevalier du roialme Charlon.
25662 ̶ De parrt qui vous atiennent? dit li duc si baron.
̶ Sire, dit li bastard, de parrt le duc Lion,
Car vous estes mez perre, tout de fis le sceit on.
Maix je sus bastard, si ait m’arme pardon,
25666 Et sus filz Clarisse a la clere faisson,
Suer au duc Garnier qu’ains ne fist se mal non. »
« Sire, dit li bastard a la chiere herdie,
Je sus filz Clarisse qui fus voustre amie.
25670 Ma mere si m’envoie a vous per cortoisie;
En toute cez enseingne sus de voustre partie:
Que en cest citeit cy que estez assigie
Fuit vous en prison en la chambre vernie.
25674 Si comme pellerin la grant cotte vestie
Veniez leans veyr Florantine, la belle hantie,
Qui fuit per trayson a Rege convoye.
Genoivre de Callabre qui en fuit trop herdie
25678 Recognut voustre abbit; la fuit vous char baingnie.
Ma mere vous baingnait en sa chambre garnie,
Et puez s’ouffrit a vous, dont elle fist follie.
La feyste de ly toute vous druerie,
25682 Et la fuit engendrés ceste proppre neutie;
Et Florantine en fuit a celle houre fuye,
De quoy ma mere fuit teillement corroucie
Que n’osait awarder le duc ne sa lignie
25686 Que ne fuit en ung feu arse et essillie.
Per neut vous delivrait et en vous compaingnie
Alla ma mere o vous qui de biaulteit flambie.
Maix en malvais chaistelz fuit o vous habergie:
25690 C’estoient mourdreour, et la vous fuit ravie
Ma mere qui en fuit dollante et corroucie.
Mourdreour l’amenerent per la forest naye.
Ung chevalier paissoit per le boix qui verdie;
25694 Ma mere lour tollit et pués l’ait nossoye.
Quinze ans m’ait gouvernéz; Dieu li begnie!
Or sus venus a vous pour vous corpz faire aye.
Quaitre moix ait estéz en ceste praierie,
25698 Ains eust estéit tout lez jour de ma vie
Que me fuisse amoustréz a vous, per sainte Elie,
Que ainsoy n’eusse fait une baichellerie
Dont je fuisse honnoréz de cialz de ma lignie. »
25702 Et quant Lion li belz ot la raison oye,
Il escolle son filz et baisait mainte fie,
Et bien et doulcement le bon bastart festie,
Et dit: « Filz, bien viengniez, per sainte Marie!
25706 Je vous retient a filz, vous mere fuit m’amie. »
« Biaulz filz, s’ai dit Lion, or sai ge tout de vray
Que vous estez mez filz, car je vous enjanray
En la belle Clarisse que loialment amay;
25710 Tout ansi qu’avez dit, si m’ayst Dieu, ouvray;
Et per cez point, biaulz filz, per Dieu je vous waingna.
Pour Dieu, que fait vous mere qui tant ait le cuer vray? »
Et li bastart respont: « Sire, je lou vous dirait:
25714 Elle lou faisoit moult bien quant de lie me sevrait.
Je vous dit pour certain que moult la corroussait
Pour ceu que je li dit que je vous aiderait
Et qu’ancor le sien frere a mez main occirait,
25718 Et Genoivre la faulce en ung feu arderait;
Le prince de Tarante aussi vous baillera.
Ne jamaix en ma vie nulz jour ne mengerait
S ‘an serez vangiéz! » Dit Lion: « Je volrait
25722 C’on li tranche la teste, car ainsi jurér l’ait. »
Quant li prince l’oyt si en fuit en esmay.
Assez prie merci, maix je vous dit pour vray
Que la teste ot tranchie li prince san delay.
25726 Ensement li bastard qui tant ot le cuer gay
Fuit avec son perre, si comme dit vous ay.
A la citeit de Rege firent souvant assay
Pour pranre la citeit ou moult orent esmay
25730 Li bourjois de la ville dont contér on vous ait.
Li bourgois de la ville furent en grant doutance
Pour le siege qui fuit, dont il orent souffrance.
Vitaille lour faillit dont il orent nuisance;
25734 Et li faulz duc Garnier cui Dieu otroy grevance
Est de la ville issus, avec lui grant puissance;
Et jure Dammedieu qui de la sainte lance
Fuit ferut per Longis pour nostre delivrance,
25738 Que a Lion ferait, c’il puet, per tant grevance.
Maix a Lion en vint briefment la cognissance
Qu’il estoient issus pour lui faire nuissance.
Cez gens fist partir san nulle detriance,
25742 Et per faulz quemins li bon duc lez avance
Pour retenir le pas, qu’il n’aient retornance.
Soient sez annemis tornét a grant vieutance!
Li gentilz duc nobille qui le cuer ot vaillant
25746 Fist partir cez homme, qui ne se va targant.
Le marreschault Ganor avec Thiery le grant
Et li gentilz bastart vait avec eux chevalchant,
Et Lion ver le duc est venus acourrant.
25750 La veyssiez baitaille et ung estour pezant,
Tant gentilz chevalier verser de l’aufferant!
Li faulz duc de Callabre c’on vait Garnier clamant,
Quant il vit le meschief de cez gens apparant,
25754 Il jure Dammedieu le Perre tout puissant
Que jamaix deden Reges il [n']entra repairant.
A llez dever Pulle se va acheminant,
Maix li bastart cez niés l’alla bien sievant;
25758 Aprés son onele s’an va dez esperron brochant.
Il tenoit une lance et ung feir reluisant,
Et va ferir le duc en l’escut per devant;
Per force et per vertut le vait si assenant
25762 Qu’a la terre l’abaitit de son destrier corrant,
Si que au cheyr li vait la cuisse brisant
Que ne se relevaist pour la citeit de Mielant!
Ou qu’il voit le baistard, si se vait escriant:
25766 « Gentis hons, je te prie en l’onnour Dieu le grant
Que ne me faice mal dez or maix en avant!
Mainne moy en teilz lieu ou j’aie garant,
Et je t’ay en couvent, per Dieu le Roy amant,
25770 Que donner te ferait d’or et d’ergens tant
Jamaix ne serait povre ne ti ne ti parant! »
Et li bastard respont: « Oncle, per saint Amant,
Jamaix ne mengeray de noir pain ne de blanc
25774 Se serez mis a mort a l’espee tranchant!
̶ Cy ait malvais pai[a]ge! dit li duc en oiant.
Quant oncle m’appellez, je n’i voy apparant
Que soie de lignaige a vous ne tant ne quant!
25778 ̶ Leire, dit li bastard, vous dite trop avant!
En Clarisse vous suer qui de biaulteit ait tant
M’engenrait li duc Lion en vous citeit vaillant.
Sui filz de voustre suer qui de biaulteit ait tant,
25782 Maix vous avez le cuer traytour et mescreant,
Et tant per trayson avez tout vous vivant
Gairie le mien perre sur bonne paix faisant
Que au gentilz appostolle allaistez affiant.
25786 Maix per celui Signour en qui je voy creant,
Jamaix de trayson ne vous yrez merlant! »
Adont isnellement li ait tolluit le branc,
Et pués li vait lez pung tout ansamble loiant;
25790 A la cowe dairier de son riche bauchant
Atellait le glouton, puez le vait traynant
Jusques a Lion son perre, et li dit en riant:
« Biaulz perre, je vous rant le fellon soldoiant,
25794 Garnier le traytour, le mien appartenant.
Si en faite justice tout a voustre comant!
̶ Biaulz filz, s’ai dit Lion, vous allez bien parlant. »
La teste li ait fait coper tout maintenant,
25798 Et pués vont en l’estour ysnellement rantrant.
La furent tout li homme a Garnier recreant:
Mort furent en la baitaille, si geisent sur lez champz.
En la citeit de Rege vont teil assalt livrant
25802 Que tout cil de la ville s’an vont espouantant.
La citeit de Rege qui bien estoit fermee
Assaillirent nous gens toute jour ajornee.
Genoivre fuit leans en la salle pavee,
25806 Que moult fuit en son cuer dollante et ayree
De ceu qu’elle se vit ensi espouantee
Et la ville dez nos teillement apressee.
Li bourgois de la ville n’i ont fait demouree:
25810 Az crenialz sont venus de la citeit louee,
Et pués s’ont a Lion une raison contee,
Et li prient pour Dieu qui fist cielz et rozee
Qu’i laissaist l’aissaillir a la citeit fermee,
25814 Et c’on li randeroit san point de l’arestee
Affin que chescun ait la vie saulvee.
Et Lion per l’acourt de sa gens redoubtee
Ait prinse la citeit que li fuit delivree.
25818 La gens n’i orent malz, c’est chose provee,
Maix Genoivre fuit a Lion et randus et donnee.
Et quant Lion la voit, a moult grant allenee
Li ait dit: « Mal femme, mal estez arivee!
25822 Vous grant malvistiez que tant avez menee
Serait a ceu jour d’ui certennement comparree,
Car vous en serez, voir, deden ung feu getee! »
Quant Genoivre l’antant, si est cheue pasmee,
25826 Et dit: « Laisse, meschans, je sus malleuree!
Faulsement je me sus tout adez demenee
Encontre Florantine qui blanche est comme fee
Et encontre Lion qui tant ait de ponnee.
25830 Or m’en est rendue la desserte et delivree! »
Li bastard li ait dit: « Orde pute prouvee!
Filz sus de vous cosine Clarisse l’onnoree,
Maix per vous trayson qu’adez avés braisee
25834 En serés en ung feu et arse et escaudee!
̶ Sire, s’ai dit Genoivre, tant sus je plux yree. »
Genoivre de Callabre a la clere faisson
Fuit ysnellement mise en ung feu de cherbon.
25838 Ons alumait ung feu per devant le peron,
Et pués fuit devestie en pur ung pelisson.
Ens ou feu le geterent je ne sai quelz garson;
Oncque pour cez priere n’i pot avoir pardon.
25842 Bien s’i fuit acordéz li riche duc Lion,
Maix li bastard en jure: « Foy que doie saint Symon
Jai n’i arait desport per nezune occqueson
Que briefment ne soit arse a grant destruccion! »
25846 Ensement li bastard mist a execucion
Trestout ciaulz qui estoient de son estraccion,
Pour ceu qu’il c’estoient mellér de trayson.
En Rege fuit li duc qui tant ot de renom;
25850 Il appellait son filz qui Girart ot a nom:
« Girart, biaulz filz, dit Lion a bandon,
Je vous donne Callabre et le riche roion,
Et duc et souverain vous en donne le don.
25854 Sire Dieu le vous mire qui souffrit passion! »
Illuec l’en fist hommaige, que bien le vit on.
Duc en fuit appelléz per l’acord de Lion
Qui conquestait la terre entour et environ.
25858 Et li bastart mandait, sans nulle arestisson,
Clarisse qui est sa mere, qui clere ot la faisson;
En la main li ait mis toute la region.
Li bastard debonnaire a sa mere manda
25862 Que tost incontinent et briefment venist la.
Et la damme s’an vint que grant dollour mena
Pour l’amour de son frere qui ainsi morut la.
Or avint que Lion ou tant de bonteit ait
25866 Fist crier en Callabre et desa et dela
Que tost venist a Rege que l’anffan trouvera
Jaidis en la forest, teille comme devisait,
Per le conseil Hanry que l’anffan y pourtait.
25870 Le lieu et la forest et le champz devisait,
Et per toute Callabre ceste chose anonsait,
Et que cil qui l’anffan amener y polrait
Et randre au duc Lion, mil mars ravera.
25874 Elie li vaichier, quant la chose escoutait,
Assez se repentit qu’Ollivier s’an allait,
Et ait dit a sa femme: « Damme, mal nous alla!
Ceu fuit malle jornee qui nous ajornait,
25878 Quant Ollivier li anffe ansement se sevrait:
Nous fuissiens honnoréz c’il fuit demouréz sa,
Car ons ait fait le banc, mil mars averait
Que le franc damoisel droit a Rege menrait.
25882 Il nous y fault aller ou mal nous en vanrait,
Car ensi est il criéir, qui le cellerait
Honnis serait dou corpz et c’on lou panderait.
Je yrait de maitin quant li jour ajornerait. »
25886 Ensement dit Elie que dit on vous ait.
Et Lion fuit a Rege a qui moult annoiait
Pour l’amour Florantine que loialment amait.
Il ne sceit ou elle est, n’en quelle partie allait;
25890 Moult souvent en souspire et grant duelz en menait.
Atant est ung messaigier que ou chaistel entrait;
Venus est en la saulle et le duc y trouvait.
De Dieu et de sa mere le boin duc salluait,
25894 Et pués ysnellement sa lettrez li baillait,
Et li duc la fist lire, que point ne s’i arestait,
Et solt que li roy de Cipre incontinent li manda
Salluit et amistiet; mainte foid li nonsait
25898 Et li prie pour Dieu qui le monde estorait
Qu’i lou viengne secourre aussitost qu’il orait
Nouvelle dou messaigier que on li envoiait.
Ensi li roy de Cipre mandoit au duc Lion
25902 Que le venist secourre a fforce et a bandon,
Et qu’il avoit assis le fort roy Synagon
En la citeit de Pallerne ou mainent Esclavon,
Et que devant la ville que Pallerne ait a nom
25906 Avoit li roy Herpin tanduit son pawillon
Pour prandre dez paien briefment vangison
Que gaistér li avoient oultremer son roion,
Car li roy de Pallerne li avoit la saison
25910 Essilliéz son roialme entour et environ.
Pour ceu avoit li roy qui Herpin ot a nom
Mis le siege a la ville dont je fais mencion.
Et quant li gentilz duc oyt la faisson,
25914 Il jurait Dammedieu qui souffrit passion
Que tout droit a Pallerne la citeit de renom
Yrait le roy secour a fforce et a bandon,
Et li menrait cez homme et ciaulz de son roion.
25918 Dont fist crieir cez ost san faire nulz sermon.
Pour aller a Pallerne c’esploitent li baron.
En la mer vont troussant remplir maint dromon;
De quant qu’affiert en ost et qu’avoir y doit on
25922 Y prinrent a chergier escuier et garson.
Et en ceu proppre tempz et en ycelle saison,
Atant est li vaichier que Elie ot a nom;
Devant le duc Lion se mist a genoillon.
25926 Elie li vaichier ne s’i volt arester;
Devant le duc s’an vint a doulx genous geter.
De Dieu et de sa mere le prist a salluer,
Et dit: « Sire loiaulz, vuelliez moy escouter!
25930 Permy cest contree vous avez fait crieir
Que cil qu’en ung boix peut ung anffan trouver,
Environ ait seize ans, le vous viengne conter.
Biaulz sire, a celui tempz dont vous m’oez parler
25934 Estoie en ung boix a mez beste warder.
Desous ung ollivier, sire, j’oy crieir
Ung petit anffanson et de grant fain plorer;
Sire, piteusement je l’oys demener.
25938 J’allay enver l’anffan pour li reconforter
Et tout droit a ma femme l’allait tantost pourter,
Que le fist doulcement norir et alever
Et le fist alaitier pour l’anffant honnorer,
25942 Car une croix vermeille, se saichiez san douter,
Avoit sur l’espaulle; ceu lou nous fist amer.
Bien quinze ans le nory, saichiez lou san falcer;
Maisement lou me volt puez garandonner,
25946 Car sitost qu’il fuit grant il volloit behourder
Et sus une jument alloit toutdis monter,
Et prenoit une lance de tilluel ou tinel,
Et pués contre cez chelne il alloit jouster.
25950 Bien souvant se faisoit a lla terre verser,
Maix je ne sai comment cez cuer poioit durer!
Pués allait, biaulz doulz sire, bien cent vaiche donner;
Chescune ung florin d’or, plux n’en volt demander.
25954 Armure et chevalx en alloit acheter,
Et pués si s’an allait san point de l’arester
A une riche feste c’ons avoit fait crieir.
Si bien il behourdait, per le corpz saint Omer,
25958 C’on li fist a ceu jour ung hault prix presenter:
D’unne coronne d’or le fist on corronner;
Maix sitost que le vy ariere retorner,
Moult bien lou laidanjay, moult m’en doit peser,
25962 Et « Trouvér » l’appellait, ainsi le volt c1amer.
Adonc commansait tanrement a plorer,
Et li oy, biaulz sire, ung serement jurer
Que jamaix en sa vie ne volroit arester
25966 Jusques tant qu’il polroit le sien perre trouver
Et sa mere assiment, et volroit tant aller
Qu’i lez trouveroit; adont se volt sevrer.
Oncque puez, biaulz doulz sire, n’oy de lui parrler.
25970 Ains pués ne lou vy arier retorner. »
Et quant Lion oyt teil chose recorder,
Il ne se tenist mie pour cent marc de plorer,
Et dist: « Signour baron, sur sains vous pués jurer
25974 Que cil est mon filz dont vous oez parler! »
« Signour, dit Lion a la chiere membree,
C’est pour vray mez filz de moullier espozee! »
Adont y ot il mainte larme ploree.
25978 « Venez avant, Hanry, san nulle demouree!
Je vous commant icy san point de l’arestee
Que avec ceu vaichier qui ait l’arme salvee
Vous en allez cerchant per estrainge contree,
25982 Et si ne retornez jamaix pour rien nee
Tant que vous arez la chair mon filz trouvee
Et lou me ramenés a Pallerne la lee;
Et la me trouverés, se croy bien, ceste annee,
25986 Car li boin roy Herpin de Cipre l’onnoree
M’ait mandér que lou voise aidier a grant armee.
Et je ne li faulroie pour l’or d’unne contree,
Ainsoy l’aiderait de cuer et de pancee. »
25990 Et Hanry respondit: « Si soit comme vous agree! »
Li roy lour fist chergier a la braisse quaree
Ung solmier de florin san monnoie contee.
Lion ait fait chergier de l’or et de l’ergens
25994 Pour Hanry de Pallerne a herdit covenant
Et pour le boin vaichier dont je fais parlement.
Lion lour commandait et lour dit fierement
Que jamaix ne fissent nulz jour repairement
25998 Si aroient trouvér Ollivier au corpz gens.
Si li ont acordé et tout ont en couvent,
Et pués s’an sont partit san nul arestement.
D’iaulz vous larait ester, s’i vous vient a tallant,
26002 Si dirait de Lion que sans atargement
Ait fait deden la mer son apparrillement.
A trante mil baron que moult ont hardement
Se mist Lion en mer a l’oraige et au vant;
26006 S’anmaine le bastard qu’il amait loialment,
Et Ganor li gentilz, Thiery le chambrelant.
A la voie se sont mis tost et ysnellement.
Tant allerent naigant au Dieu commandement
26010 Que tout droit a Pallerne ont fait arivement.
Quant li boin roy Harpin en oyt l’errement,
De la joie qu’il ot Dieu en louue souvent;
Encontre Lion vait et a doulx bras le prant,
26014 Et si lou festiait en baisant doulcement.
Lion devant Pallerne ait prins son logement.
La belle Florantine qui de biaulteit resplant
Estoit en la citeit dont je fais parlement,
26018 Et li belz Bauduyn au herdit couvenant,
Et li filz Florantine, Guillamme au corpz gens;
Et Lion est dehors que tant ait de hardement.
Or est devant Pallerne la nobille citeit
26022 Lion li gentilz duc ou tant ot de loyalteit,
Et li boin roy de Cipre qui l’avoit mandér,
Que durement hayt Signagon l’amirez
Pour ceu que il li ot tout son pays gaistéz;
26026 Maint assault ot nous gens neut et jour livrés,
Et la franche royne ou tant ot de biaulteit
Estoit deden la ville dont je vous ait parrlér,
Cier ung riche paien c’on clamoit Ysorez;
26030 La c’estoit habergiéz et loingtempz estéz.
Souvent prioit a Dieu le Roy de maiesteit
Pour l’amour de Lion, le franc duc honnoréz.
Bien cude qu’il soit mors, saichiez en veriteit;
26034 Et aussi fait Marie qui tant ait de biaulteit,
Et li viez Bauduyn que le poil ot barbéz,
Et Guillamme li jonne au corraige senez.
Or avoient ansamble dit et devisér
26038 Que sitost qu’il poront issir de la citeit
Il volront envoieir Guillamme le membréz
Et li belz Bauduyn ou tant ait de honnestez
Per dever Monlusant la riche fermetez
26042 Pour savoir s’ons oit point de Lion parrlér,
Le gentilz damoisialz ou tant ait de loialteit
Qui avoit asegiér la mirable citeit.
O li est Garno que il ait tant amér,
26046 Thiery li chamberlain que moult li fist bonteit,
Et le gentilz bastard qu’il avoit engenréz.
Trois foid en la sepmenne, saichiez en veriteit,
Assaillirent Pallerne la mirable citeit.
26050 Maix li roy Signagon ne lez prisoit ung delz.
Signour, devant Pallerne fuit Lion longuement
Avec le roy de Cipre qui tant ot herdement;
La citeit assaillirent, se dit on, moult souvent.
26054 Or en larait ester, s’i vous vient a tallant,
Si dirait de Hanry et de Elie ensement
Que Ollivier de Burs querrirent moult longuement.
En Espaingne la grant allerent emplement;
26058 Per tout ou il oient dire tout communalment
Ou il avoit eu aulcun tornoi[em]ent,
Jouste ne esbanoy ne gerre nullement,
Alloient li baron dont je fais parlement.
26062 En la citeit de Bours prinrent habergement
Sus ung oste vaillant c’ons appelloit Clement.
Henry li demandait, si li dit doulcement:
« Oste, se dit Hanry, ne me cellez niant,
26066 A qui est ceste ville, pour Dieu omnipotant,
Et de qui en thient on le riche chaissement?
̶ Sire, se dit li oste, per le mien serement,
On le thient d’un vaissalz qui moult ait herdement,
26070 A qui Dieu ait fait graice et honnour haultement,
Car quant en ceu pays il fist arivement
Et il se habergait trestout premierement,
Trestout cil du monde, si loing qu’il c’estant,
26074 Ne li tollissent mie cinquante mars d’argens.
Or c’est si bien prouvér sur la paienne gens
Que la fille Anseys en ait fait propprement
Son signour a marit et amait teillement
26078 Que elle l’ait esposér; si que quant qu’il appant
Ens ou pays d’Espaingne tout environneement
Est tout au chevalier; roy en est vraiement.
̶ Et comment l’appelle on? dit Hanry au corpz gens.
26082 ̶ Biaulz dous sire, Ollivier, se Jhesu Crist m’ament!
Et ancor dit on tout communalment
Qu’il n’ait en tout le monde colsin ne parant. »
Et quant Elie l’ot, si plorait tanrement.
26086 « E, Dieu, dit Elie, or sa certennement
Que ceu est Ollivier que j’ai norit si longuement! »
Henry parle a l’oste, si ait dit haultement:
« Hostez, se dit Hanry, ne me vuelliez noieir!
26090 Li sire qui est roy, c’ons appelle Ollivier,
Est il en ceu pays? Dite le moy san cudier.
̶ Sire, dit li oste, il s’an partit l’autrier
A privee maignie; je lou vy chevalchier.
26094 Jhesu Crist le garisse de mort et d’encombrier,
Car il est moult biaulz hons et si fait a prisier.
Et se Jhesu l’ait fait en honnour essaucier,
Saichiez qu’i lou vault bien et fuit filz d’un bergier. »
26098 Dont appelle Henry Elie san detryer,
Et li ait dit: « Elie, per Dieu le droiturier,
Nous nous yrons de maitin a la damme raingnier;
Tost saverons, se a nous se volloit acointier,
26102 Se c’est le filz Lion que fezist[es] vaichier.
̶ Bien dite, dit Elie, per lez saint qui sont es cielz! »
Ensement la neutie s’an allerent couchier
Jusques au l’ondemain qu’il s’allerent chaucier
26106 Et vestir, et pués allerent tantost ver le moustier
Pour veyr le service de Jhesu essaulcier.
Aprés la digne messe allerent repairier,
Et pués ver le pallais s’an vont apuyer.
26110 Gallienne la belle au corraige ligier
Estoit en sa chaippelle o le prestre gaitier;
La royne lisoit doulcement son saltier,
Car n’ot si bonne damme jusques a Rivier,
26114 Et pour sainte le thiennent tout cil dou ranier.
A Nadre l’aor’on; il ait la ung moustier
De sainte Gallienne que Dieu volt essaucier.
Et Hanry attandit ens ou pallais plennier
26118 Tant que la damme y vint, o lui ces chevalier.
Henry se vait per devant lui engenoillier,
Et pués si lou salluait en guise d’omme fier ,
Et dit: « Cil Dammedieu qui pour nous raipaisier
26122 Laissait son digne sanc a la terre raieir,
Et pués fandre son cuer a la lance d’aicier,
Garisse la royne qui tant fait a prisier! »
Et la franche royne pour li humillier
26126 Saisit le ber Henry et le fist redressier.
« Vaissalz, dit la royne, ne me vuelliez noieir:
De confaite besoingne voullez a moy ranier? »
Et Hanry li ait dit: «Damme, per saint Richier,
26130 Saichiez que c’est de conseil que je vuelz plaidyer.
Menés moy en telz lieu, je vous en vuelz prieir,
Ou je me puisse a vous ung petit concillier. »
Et la damme respont : « Ceu fait a ottroier. »
26134 La royne d’Espaingne prist Henry et Elie,
Que hons sambloit moult bien venant de la vacherie.
La damme en ung vergier moult humblement lez guie,
Et disoit bellement: « Doulce Vierge Marie,
26138 Cis hons samble tres bien estre hons de vaicherie!
Esse or li vaichier, doulce Damme prisie,
Qui norit mon signour ens ou boix qui verdie? »
Ensi se vait pansant et y met c’estudie,
26142 Et Henry li ait dit : « Doulce damme agensie,
Je vous prie, pour Dieu ne vous desplaisse mie
De ceu que nous dirons icy a ceste fie.
̶ Nennin , dit la royne, se Dieu me benoye!
26146 ̶ Damme, s’ait dit Hanry a la chiere herdie,
On nous fait assavoir, ne vous mentirait mie,
Que vous avez ung prince de noble baillie:
Ollivier ait a nom, plain est de baronnie. »
26150 Et la damme respont: « Je me sus avoye
A ceu que je pansoie; dite moy je vous prie,
Esse or li vaichier c’ons appelle Elie
Que norit Ollivier gardant sa vaicherie?
26154 ̶ Oyr, s’ai dit Hanry, se Dieu me faice aye!
Ay, damme vaillant, cortoise et ensignie,
Ollivier est hault hons et vient de grant lignie:
Li duc Lion de Bourge a la chier herdie
26158 Engenrait Ollivier ou corpz de sa doulce amie
Florantine qui est de Sezille saisie.
Maix li anffe fuit ambléz per grande roberie;
Ung mien sire l’amblait, dont il fist grant follie,
26162 Et pués si me commandait, que fuit de sa maignie,
Que portaist l’anffan en la forest anthie
Et que je li tollisse et lez membre et la vie.
Et quant je vy[n] ou boix dont je vous signiffie,
26166 Je saichait pour le tuer une espee forbie,
Maix ung ris me getait per la Dieu cortoisie,
Dont ne li ot tallant de meffaire demie.
Desous ung ollivier dont la branche yert foillie
26170 Laissait ceu bel anffan, et si vaichier Elie
Le trouvait et le norit o sa damme adressie.
Depuez revint Lion en la soie partie.
Il ait trouvér Sezille et destruite et honnie;
26174 Sa femme la royne s’an est aussi fuye
Qui m’acordait a li. Je li dit la maistrie,
Et d’Ollivier son filz comment et per envie
Je lou porte ens ou boix pour li tollir la vie,
26178 Per le duc de Callabre qui li fist villonnie.
Or m’ait priéir Lion a la chiere herdie
Que avec ceu vaichiés voise per compaingnie
Tant et si longuement en estrainge partie
26182 Que nous l’arons trouvér. Jhesu Crist en gracie
Quant en ay si androit vraie nouvelle oye! » …
Estoit li roy Ollivier a qui elle est amie.
« Signour, dit la royne, per Dieu le filz Marie,
26186 Bien soiez vous venus en yceste partie!
Encor n’ait pais uit jour, se Dieu me benie,
Que Ollivier li mien sire fist de moy despartie.
A Pallerne s’an vait qui sur mer est batie,
26190 Qui dez crestien ait estéit moult asegie.
La androit est li roy a privee maignie.
̶ E, Dieu, dit Hanry, doulce Vierge prisie!
Ja l’ait Lion cez perre environ asegie! »
26194 « Damme, s’ai dit Hanry qui cuer ot de griffon,
Je vous prie pour Dieu qui souffrit passion:
Dite vous que Ollivier a la clere faisson
Est allér a Pallerne, la citeit de renom?
26198 ̶ Oyr, dit la royne a la clere faisson;
Il n’i ait mie uit jour, per le corpz saint Symon,
Que li belz s’an allait, que je tient a baron.
̶ E, Dieu, s’ai dit Hanry, qui souffrit passion,
26202 Il est en l’ost son perre c’ons appelle Lion!
Et comment, doulce damme, le cognisterait on?
̶ En nom Dieu, dit la damme, li belz porte ung blazon
Ou il y ait ung angre pourtrait ens ou moilon;
26206 Une coronne d’or aussi san mesprison.
Teilz arme ait li belz san que dit vous ait on,
Et per cez arme cognoistre le puet on. »
Et dit li belz gentilz: « Bien dite per Jheson! »
26210 La royne gentilz n’i fist arestisson,
Elle menait lez doulx en la saulle a bandon.
Avec li lez assist a sa tauble a foison
Et lez fist bien servir a sa devolcion,
26214 De gantez et de grue et de maint gras chappon;
Bien lez ait fait servir la royne de renom,
Et ait fait a chescun presenter ung biaulz dont.
La neut y demourerent en consollacion,
26218 Et l’ondemain maitin, que le jour veoit on,
Se mirent a la voie; n’i firent arestisson.
Congier ont demandér a la damme de nom,
Et elle lour ait dit clerement a hault son:
26222 «Signour, salluez moy Ollivier le baron
Et dite que je li mande et prie pour Jhesum
Que tost reviengne cy; pour Dieu li en prion!
̶ Damme, s’ai dit Hanry, a vous devision! »
26226 A cez mot s’an partit, o lui son compaingnon.
Elie et Henry n’i vorent arester;
De la damme se volrent partir et dessevrer.
Droitement ver Pallerne qui ciet sur la mer
26230 S’an revont li baron que Dieu puist honnorer.
Ne sai c’on vous volcist longuement sermonner,
Car tant volrent ensamble chevalchier et ester
Qu’i vinrent a Pallerne; la porent il trouver
26234 Le gentilz duc Lion qui tant fist a loeir.
Adont per devant li se vinrent amoustrer;
Et quant Lion lez vit, si lour prist a cryer:
« Signour, per cely Dieu qui tout ait a salver,
26238 Je vous ferait vous doulx le chief du colz sevrer
Puez que le mien anffan ne vous voy ramener! »
Adont de grant pauour prist Elie a trambler
Quant il oyt Lion ensi sa mort jurer.
26242 Et Lion dit: «Signour, comment osez pancer
De revenir icy san mon filz rassener?
̶ Sire, se dit Hanry, laissiez moy a vous parler,
Car si bonne nouvelle vous saray raicorder
26246 De quoy vous dobverez bien Jhesu Crist loeir. »
Et Lion respondit: « Dieu vous ait fait parler!
̶ Sire, se dit Henry qui cuer ot de singler,
Tant nous ait fait Jhesu noblement assener
26250 Que d’Ollivier vous filz savons moult bien parler. »
« Sire, s’ai dit Hanry, per Dieu omnipotant …
Tant que de vous chier filz savons tout l’errement:
C’est li plux preux dou monde, si loing que terre c’estant,
26254 Car il ait conquestér per son grant herdement
Le roialme d’Espaingne, si loing qu’elle c’estant,
Car la royne en ait en droit mariement,
Galienne la damme qu’il ayme loialment.
26258 Ollivier se maintint en gerre teillement
Contre lez Sairaisin, que le corpz Dieu crevant,
Aydait roy Anseys Ollivier teillement
Qu’il desconfit le Turc qui le corpz Dieu crevant.
26262 La citeit de Burs print per son efforcement;
Anseys li donnait ains son deviement,
Et pués moruit li roy et prist son deffinement.
Sa fille demourait damme dou chaissement;
26266 Tant en amait vous filz que en droit mariement
Il fuit de la pucelle espozér noblement.
Roy est de toute Espaingne et de Bours ensement. »
Quant l’oyt li vaissalz, de la joie c’estant,
26270 Et ait dit: « Jhesu Crist, Perre dou firmament,
Je t’aour et graicy du cuer anthierement,
Quant mez filz est montéz en telz predicament! »
Moult fuit joiant Lion Quant il oyt conter
26274 D’Ollivier son anffan qui tant fait a louer;
Il ait dit a Hanry: « Ne me vuelliez celler,
Et ou est Ollivier que je doie tant amer?
̶ Sire, s’ai dit Hanry, per le corpz saint Omer,
26278 La royne nous vot dire et recorder
Qu’il estoit venus pour honnour conquester
A Pallerne la grant, pour la ville gaister
Et lez felon paien a martir livrer.
26282 Nous li volcime dire et demander
Per confaite ensigne le poriens raviser;
Elle nous ait dit que vot ung escut pourter:
La champaingne d’aizur nous volt elle nommer
26286 A ung angle d’ergens qui moult y reluit cler
D’une coronne d’or qu’i l’ait fait corronner.
A cez arme porez voustre filz raviser. »
Et dit li duc Lion: «Or ferai ge cryer
26290 Que chescun de mez homme si se volt tantost armer
Et dessur le chevalx voit vistement monter,
Armés de toutez armez, se viengne a li moustrer;
Ensement per ceu tour le polrait veyr cler. »
26294 Adont le volt Lion et faire et commander,
Et le sergens le volt ysnellement cryer.
Contrevalz permy l’ost il lou vont recorder.
Ollivier avoit fait une tante lever;
26298 Li quair dez chevalier c’est volluit osteller.
Quant il oyt ceu fait et dire et deviser,
Dammedieu en jura qui se laissait pener
Que il se moustrerait devant Lion le belz.
26302 Elas, c’estoit cez perre, si en osoit parler!
Ensi fuit l’ordonnance et faite et acordee,
Et fuit contrevalz l’ost la besoingne criee.
Chevalier vont az arme corrant de randonnee,
26306 Chescun c’est adoubér san nulle demouree.
Et li duc Lion fuit en sa tante doree,
Lez lui le roy de Cipre, celie noble contree,
Et s’i fuit li bastart a qui proesse agree,
26310 Qui de son frere veyr avoit bonne pancee.
Adont fuit la moustre droit a prime sonnee.
Se moustrerent li baron et Lion lez abee;
Deziroit a veyr la grant targe listee
26314 Qui fuit de noble azur noblement painturee,
A ung angle d’ergens a coronne doree.
Ceu dezire Lion a qui proesse agree;
Et li gentilz bastard de veyr le sien frere
26318 Avoit si grant dezir, c’est veriteit prouvee,
Que ne lou vous diroit nulz hons de mere nee.
La moustre commansait droit a prime sonnant.
Devant Lion paissoient chevalier et sergens;
26322 Cent mil en ung paissage, se dient li roment,
Ensois que le sien filz venist oncques avant;
De ceu se vait Lion forment esmervillant.
« E, Dieu, s’ai dit Lion, que je voy dezirant
26326 Li gentilz Ollivier que mez cuer ayme tant! »
Ensement que Lion s’an alloit devisant
Au riche roy Herpin et au bastart vaillant,
Atant est venus Ollivier sur le destrier corant.
26330 N’ot en trestout l’ost nulz homme si grant;
L’escut avoit au colz, telz c’ons ait dit devant.
Ossitost que Lion le vait appercevant,
Il dit : « Biaulz sire Dieu, je vous voy graciant
26334 De ceu que j’ai telz filz si belz et si poissant! »
Adont ysnellement se levait en estant;
A Ollivier s’an vint, si li dit en riant:
« Ollivier, biaulz doulz filz, venés sa avant.
26338 Venez baisier voustre perre en la bouche devant! »
Atant est le vaichier qui se vait escriant:
« A, sire Ollivier, cor allez descendant ,
Si me rendés lez vaiche dont me vandite tant! »
26342 Et quant Ollivier vait Elie percevant,
Dou destrier descendit, si li dit en riant:
« Sire, bien vigniez vous! » Dont le va escollant:
Ensois qu’il acollaist Lion le souffisant
26346 Baisait le vaichier cent foid en ung tenant.
Quant Ollivier persoit Elie le vaichier,
Ains que Lion son perre il lou vait enbrassier,
Et dit : « Gentilz sire, je vous doie avoir chier,
26350 Car vous m’avez norit ja sont quinze ans antier. »
Elie li ait dit : « Pancez dou festyer
De vous perre vaillant qui tant fait a prisier ! »
Dont vait li damoisialz le sien perre baisier,
26354 Et li dit : « Gentilz sire, dite moy san targier,
Comment estez vous, mez perre ? Vuelliez m’en acointier ! »
Adont li va Lion et dire et retraitier
Comment embler le fist jaidit le duc Garnier,
26358 Et comment l’envoyait per Hanry le guerrier
Pour moudrir en ung boix et pour li essillier ;
Comment il fuit laissiéz per desous l’ollivier,
Et comment le trouvait Elie le vaichier.
26362 « E, Dieu, dit li donsialz, toy doie je graicyer
Quant li mien corpz est filz a si noble princier ! »
Dont s’an vint li bastard son frere festyer.
La veyssiez grant joie de baron essaucier,
26366 Pour l’amour de l’anffan, le cortois Ollivier,
Qu’il ont retrouvér grant et fort et plennier.
Pour l’amour d’Ollivier furent liez li baron ;
Grant joie vont menant entour et environ.
26370 Lion tint court plenniere desur son pawillon ;
La fuit li roy Herpin qui cuer ot de griffon,
Et s’i fuit le bastard qui Girard ot a nom.
Et li belz Ollivier que Dieu faice pardont,
26374 Thiery le chamberlain qui bien servit Lion,
Et Henry et Elie s’i furent, se dit on.
Tres bien furent servir a lour devision :
Il orent a plantez de bonne venison,
26378 Bon vin et bonne char et bon lardé capon.
Moult fuit Lion joians en sa condicion
C’il reust Florantine a la clere fesson,
Et Guillamme son filz, le jonne donzillon,
26382 Et Marie la belle, Bauduyn le baron ;
Maix ne sceit ou il sont ne en queille region,
Dont durement estoit corrouciéz li frans hons.
Moult fuit Lion joyans et forment esbaudis
26386 C’il eust sa mollier Florantine au cler vis,
Et Guillame son filz et Bauduyn le gris,
Et Marie la belle, blanche comme flour de llix,
Qui a Lion fist moult de bien, ne fuit mie envis ;
26390 Tout adez l’onnorait et essaulsait toutdis.
Lion tint court plenniere dez chevalier gentilz.
Li roy Herpin seoit, qui estoit cez amis.
Signour, la court durait tant que [il fut avespris,]
26394 Que chescun c’est briefment a cez herberge mis.
Elie mayne o ly Ollivier li herdit,
Et li ait dit : « Biaulz perre, de moy estez cherry,
Et c’est droit, car de vous ay estéz norit.
26398 Je vous prie que mandez voustre moullier Bietris
Qui tant me fist de bien vollantier non envis.
Je vous donray biaulz dont en mon riche pays
Ou a tousjour serez honnoréz et servis. »
26402 Elie respondit : « Sire, per Jhesu Crist,
Vollantier le ferait, pués que c’est vous plaisir. »
Depuez mandait sa femme per escripz ;
Et lour donnait honnour dont, se fuit lour proffit.
26406 Maix pués [fuit] Ollivier per la damme esgramis,
Dollant et corrouciéz, triste et esbaihis ;
Et li tollit sa femme, quinze ans tout acomplis,
Joyeuse qui fuit fille, ceu nous dit li escript,
26410 Au roy Herpin de Cipre, le noble pays.
L’ondemain maitin, ains qu’il fuit midit,
Ait fait Lion armer cez gens et cez subgis ;
Pour assaillir Pallerne ont lour andosse pris.
26414 Pour assaillir Pallerne celle citeit garnie,
S’armerent crestien trestout a une fie
Et vinrent a Pallerne baniere desploye.
La premiere baitaille Lion lour convie,
26418 Et li roy Herpin ait la seconde baillie,
Et li belz Ollivier la thierce si maistrie,
Et li bastard gentilz ou tant ot vaillandie
La quaitrime menait dessur l’erbe florie,
26422 Et Garno la cinquime menait a celle fye,
Et Thiery la sisime, baniere desploye,
Et Henry la septime, per moult fier envaye.
Az arme vont corrant comme gens esraige.
26426 Signagon de Pallerne dit au sien : « Je vous prie,
Deffandez la citeit qu’elle ne soit perie,
Contre le roy Herpin qui nous loy ait guerpie !
Cil estoit mez cosin, maix dou tout le renie,
26430 Car a Mahon ait fait malvaise compaingnie. »
Dont s’armerent paien, s’ont la citeit cherchie,
Et pour aller au crenialz corrent per la chaussie
Et li assault comence per grant fellonnie :
26434 Li archier vont traiant que nulz ne s’i destrie.
Signour, droit a Pallerne au jour que vous chant
Allerent crestien la citeit assaillant.
Et cil dez crenialz vont la citeit deffandant ;
26438 Dez piere qu’il avoient vont ez foussez getant.
Lez damme sairaisine vont lez cailloz appourtant,
Car lez chaussie vont environ despanant ;
Et crestien assaillent la citeit moult forment.
26442 Florantine la belle alloit a Dieu priant
Que garder lez volcist de mal et de torment.
Elas, ne savoit mie la damme vraiement
Qu’elle eust la dehors ne mary ne anffan,
26446 Car s’elle eust seut, per le corpz saint Lorent,
Tost veudaist la citeit a ung avesprement.
Et crestien assaillent la citeit vaillant.
La peussiez veyr ung assault si pesans
26450 Que tout cil de la ville s’an vont espouantant,
Car crestien sont gens plain de grant herdement.
La citeit assaillirent jusques a l’avesprement
Qu’il se sont repairiér et laissiér ensement,
26454 Et le roy Signagon qui le cuer ot dollant,
Car laians lour failloit le pain et le froment :
De trestoute vitaille n’avoient maix niant.
De trestoute vitaille dont citeit a mestier
26458 N’avoient a Pallerne pour ung soulz jour anthier,
Dont veyssiez paien durement esmaieir.
Florantine la belle au coraige ligier
Appellait Bauduyn et li dit san noisier :
26462 « Sire, s’ai dit la royne, bien nous doit annoier
Que somme si androit en si grant encombrier !
Se hors de la citeit nous pouons veudier
Et aller jusques au trez, je vous dit san cudier
26466 Nous n’i ariens ja malz ne destourbier,
Car nous creons en Dieu, le Perre droiturier ;
Il nous covient viser et faire et esploitier
Que nous puissons en l’ost aller san detryer. »
26470 Et Bauduyn respont : « Ceu fait a ottroier ! »
Maix il orent ung oste qui moult fait a prisier,
Ysorés ot a nom, se saichiez san cudier.
Il creoit bien en Dieu le Perre droiturier,
26474 Maix il ne l’osoit dire ne acertiffyer.
Marie et Florantine oyt il concillier,
Ensement que lez femme ne se puent gaitier
Ne dient a la foid, saichiez, per trop plaidyer
26478 Chose qui bien lez puet bien nuire et avancier.
Ysorez lez oyt ensamble murmullier ;
Se dit a Florantine droit a ung aneutier :
« Damme, dit Ysorez, ne me vuelliez noieir,
26482 Estez vous crestienne, per Dieu le droiturier ?
̶ Oyr, dit la royne, per le corpz saint Richier !
Saichief, s’on me dobvoit toute vif escorchier,
Pués que lou demande ou nom don Droiturier
26486 Je ne lou cellerait pour souffrir grant dongier !
̶ Damme, dit Ysorez, laisiez vous plaidyer,
Car je croy ou Signour qui se laissa dressier
En croix pour raicheter la lignie d’infier,
26490 Et se je vous pouoie per ma foid avancier,
Je vous en aideroie de loialz cuer enthier.
̶ Sire, dit Florantine, bien vous doie mercyer !
Bien nous pouons garder d’annoy et d’encombrier. »
26494 « Sire, dit la royne qui le viaire ot cler,
Saichiez, moult vollantier vous ai oyr parler ;
Bien nous pouez, biaulz oste, aidier et conforter.
Je vous dirait comment ; le voullez escouter :
26498 Trestout premierement vous pouez aviser
Que la citeit ne puet pas longuement durer
Que nous ne soions prins per force d’effamer.
Sifait, boin biaulz dous sire, doit on aviser
26502 Comment nous nous puissons de ceu perril geter.
Bien nous poriez, per neut, droit az crenialz mener,
Et au creniaulx ferons longe corde nouuer.
Per lez force dez corde nous yrons avaller
26506 De si jusques au foussez, et la polrons paisser.
Se nous venons la dehors, je vous dit san faulcer
Que nous n’arons garde de mor ne d’amer,
Ains nous ferait le roy de Cipre tout salver
26510 Et me donrait tout ceu que volrait demander. »
Et Ysorez respont : « Ceu fait a creanteir.
A neut volrait la chose et faire et ordonner
Per quoy, ains qu’il soit jour, nous puissons eschepper.
26514 ̶ Per Dieu, dit Florantine, moult faitez a louer !
Et je vous ai en couvent loialment san doubter
Que je vous en ferait si riche dont donner
Que de terre et chaistel vous ferait donner ;
26518 Car comment que me veés povreteit endurer,
Se je volloie, sire, bien le puez amander,
Car saichiez jou ait roialme a gouverner ;
Maix une malle gerre m’ait si fait amasser
26522 Per ung felon traytour qui me volloit violler,
Et de mon droit signour me volloit dessevrer,
Et pour ceu que volloie mon corpz de li garder
M’en vint entre paiens ci avalz demourer.
26526 Or me covient de ci partir et dessevrer,
Car j’ayme muelx a partier que la mort andurer. »
Et Ysorez respont : « Moult faitez a louer. »
Adont a Bauduyn il ait la chose acordér,
26530 Et a Marie aussi la chose creantér,
Et a Guillamme aussi, le jonne baicheler ;
Maix a sa femme n’ose cest chose conter,
Car trestout lez feroit a martir livrer
26534 Et au roy Signagon lez allaist recuser.
Maix Ysorez se solt de li moult bien garder,
Car a ung grant coustel qu’il allait a armurer
Allait au leit sa femme san point de l’arester,
26538 Et du coustelz tranchant l’allait si bien fraipper
Que le cuer li fandit ; san braire et san crieir
Mouruit la Sairaisine que Dieu puist crevanter.
Ensement Yzorez ait mourdry sa moullier
26542 Pour ceu qu’il se volloit laver et baptisier.
Pués vait trestoute neut la chose apparrillier :
Corde porte au crenialz, au mur lez vait loier
Et au plux flebe lieu sa besoingne apointier.
26546 A ung telz lez allait cez corde desloyer
Ou il n’ot es foussez ne yauwe ne vivier,
La ou nulz hons qui soit vivant se puist noier.
Pués vint a nostre gens et lour dit san tricier :
26550 « Signour, allons nous en, pour le corpz saint Richier ! »
Il ait prins Florantine, la cortoise mollier ;
Per la main l’adestrait et li dit san targier :
« Damme, partons de cy, pres est de l’esclairier. »
26554 Et la damme respont : « Ceu fait a ottroier. »
Per la chaussie vont san braire et san noisier ;
De si jusques au mur ne vorent atargier.
Or est venus au mur li gentilz Ysorés ;
26558 Bauduyn appellait, qui fuit viez et berbez :
« Bauduyn, biaulz sire, dite que vous voullez.
Que descende premier ? De my ne vous doubtez,
Premier dessenderait se vous le me loés.
26562 ̶ Oyr, dit Bauduyn li preux et li senés ;
Se vous estez avalz, je sus asseuréz. »
Dont s’avallait li Turc ; a la corde est allér.
Ensement c’une eschielle fuit li corde ouvrér.
26566 Ligierement descent ; avalz est arestéz.
Aprés va Florantine ou grande est li biaultez ;
Tant deziroit la damme que cez corpz fuit salvéz
Qu’elle n’ot nulle doubte ne cez cuer trobléz ;
26570 Ne fuit en nulle rien dollant ne effraiéz.
Après allait Marie ou grande est li biaulteit.
Ysorez lez retient et conduit es foussez,
Et Guillamme li jonne est aval avalléz ;
26574 Et après, Bauduyn li viez chenus barbéz.
Or fuirent tout avalz ; Jhesu en soit loéz,
Li Glorieux du cielz qui en croix fut clouéz !
Amont lez foussez rampent, nulz n’i est arestéz.
26578 Quant il furent amont, si s’an vont per lez prés,
Et pués tout droit a l’ost a yaulz acheminér.
La neut escargaitoit Ollivier li senez ;
Et le gentilz bastard qui tant est honnoréz
26582 A quinze cent baron furent sur lez champz montér.
Gardoient la citeit, dont vous oyr avez,
Per quoy issir ne puet nulz hons de mere nez.
La compaingne ont trouvee, si lez ont tous happéz.
26586 Cilz qui gardoient l’ost qui estoit sur la pree
Trouverent Florantine qui blanche fu comme fee,
Et Marie ensement la pucelle loee,
Et Guillamme et lez aultre dont j’ai fait devisee.
26590 Tout premierement fuit Florantine haippee,
Et au ber Ollivier fuit randue et livree,
Et li gentilz bastard ait Marie convoye.
Guillamme, Bauduyn a la barbe merlee,
26594 Et Yzorez ont prins qui ait bonne duree.
Ollivier li gentilz ait sa mere appellee,
Et li ait dit : « Ma damme, et ou fuite vous nee ?
Tant vous voy belle damme et plus blanche que fee,
26598 Dous viaire riant, vermelle et colloree,
Que a neut serait m’amour a vous demoustree.
Je vous ferait mener en ma tante doree ;
La vous ferait servir ensi que m’espousee,
26602 Car vous me servirez, se Dieu plait, l’avespree ! »
Quant Florantine l’ot, si fuit espouantee,
Et li bastard c’escrie a moult haute allenee :
« Ollivier, biaulz frere, jou ai femme trouvee.
26606 Veci une pucelle que j’ai jai enamee !
En nom Dieu, biaulz frere, elle est doulce et senee.
̶ Maix la moie est plux belle, ja ne serra baretee ! »
La la voult Ollivier baisier san demouree
26610 Et la tenoit moult court, celle neut, et a celee.
Maix Guillamme cez filz ait saichiér une espee ;
Jai ferist Ollivier une grande collee,
Je croy qu’il li heust la teste dessevree,
26614 Quant lez crestien l’ont hor de cez main ostee.
Ollivier c’escriait moult a la vollee :
« Or tost, je vuelz qu’il ait la teste jus copee !
̶ Gentis hons, dit la damme, pour la Vierge honnoree,
26618 Laissiez coy mon anffan, si ne li faite rien nee !
Certe ceu est mez filz ; jou en fis la pourtee ;
C’est dollant que me voit que sus si apressee.
̶ Damme, dit Ollivier, demain a l’ajornee
26622 Serait li glous ossis ; ja n’i arait duree,
Et pués vous serrés aussi baptisie et lavee,
Et pués ferait de vous toute ma destinee. »
Dont se teut la royne que moult fuit abosmee.
26626 Per deden une tente qui au champz fuit levee
Furent mis li prison jusques a la maitinee.
Per deden une tante de soie d’Amarie
Furent mis li prison jusques a l’abe esclarie.
26630 Et l’ondemain au maitin, si come l’istoire crie,
Furent a ung conseil toute la baronnie.
La se sont devisér de la citeit garnie
Comment i l’averont ne per quelz maistrie.
26634 « Signour, dit Ollivier, voullez que je vous die ?
Je gaitait aneut l’ost avec la maingnie ;
De la citeit veudait de gens grant compaingnie.
Une damme y trouvait dont je ferait m’amie
26638 Sitost qu’elle serait levee et baptisie ;
Volrait o lui gesir la premier neutie.
Et ung aultre y ait que moult est ajansie ;
Li mien frere Gerard si l’ait moult covoitie.
26642 Et s’i ait ung viellart qui la barbe ot florie ;
Encor en y ait ung, pour voir le vous affie :
Ung jonne damoiselz qui la chiere ot herdie ;
Icil nous diront bien de la gens renoye,
26646 Comment il se gouvernent en la citeit garnie,
Ne c’il ont pour durer pain, char, ne vin sur lie.
Je loz que nous lez mandons pour savoir l’estudie. »
Et Lion respondit : « Biaulz filz, je vous en prie,
26650 Tant je ne dezirait oncque jour de ma vie
Comme je fais a veyr la franche compaingnie ! »
Ollivier li gentilz ait sa voie acuellie ;
A la tante est venus et point ne s’i destrie
26654 Il ait dit a cez gens qui sont de sa partie :
« Amenez cez prison, signour, je vous en prie,
A la tante mon perre voiant la baronnie ! »
Cil dient…Florantine vollantier ont saisie,
26658 Guillamme et Bauduyn, Ysorez et Marie.
Florantine regarde, si ait la faice choisie
Du gentilz Ollivier qui la char ot herdie :
C’est tout ung de Guillame et de sa face polie !
26662 Qui en regarde l’un, a l’autre se ravise.
Adont fuit la royne durement esbaihie,
Et disoit : « Qu’esse cy, doulce Vierge prisie ?
Cil gentilz damoisialz, de sa faice polie,
26666 Muielz samble Guillame que hons qui soit en vie !
Vueilliez moy concillier, doulce Vierge saintie. »
Florantine regarde Ollivier l’avenant,
Et aprés regardoit Guillame son anffan ;
26670 Et pués alloit la damme si grandement pansant
Que ne sceit que dire la royne plaisant
Se elle ne li disoit : « Biaulz filz, venez avant. »
Jusques au trés Lion ne s’i vait atargant.
26674 Elle persoit Lion qui seoit sus ung banc ;
Elle dit a Guillamme : « Biaulz filz, je vous commant,
Baisiez le voustre frere que veés si devant,
Car vecy voustre perre Lion le combaitant ! »
26678 Dont se laissait cheyr la damme maintenant,
Et Lion vait dessus li a terre versant,
Et acollant l’un l’autre se vont vingt foid pasmant.
Ollivier va sa mere vistement acollant.
26682 La peussiez veyr grant piteit apparant,
Et li ung et li aultre en alloient plorant.
Grande fuit la pitiet deden la pavillon.
Quant Florantine vit le riche duc Lion,
26686 La royne l’escolle et le baise a foison,
Et Ollivier plouroit sa main a son menton
Et crioit a sa mere et demandoit pardon.
Et quant li duc levait adont de pasmison,
26690 A Marie est venus, si la mist a raison :
« Marie, dit li duc, entandez m’entancion :
Tant ait trouvér en vous de revisitacion,
D’onnour et de bonteit et de bonne avision,
26694 Que je ne vous poroie ottroier trop hault dont ;
Et veci ung mien filz qui Gerard ait a nom.
Si l’ayme loialment, car cuer ait de proudom.
Ceu fuit le filz Clarisse, suer au duc felon
26698 Garnier qui de Callabre tenoit la mension.
J’ai donnér a mon filz toute la region ;
Or vuellez, s’i vous plait, qui l’aiéis a baron !
De Callabre tanrez la duchiez en vous nom ;
26702 Ne lou sai assener nulle parrt s’a vous nom
Ou si tres bien me plaise, foid que doie saint Symon ;
Mon filz et la duchiez met en voustre bandon. »
Celle l’en mercie et li dit a hault son :
26706 « Sire, Dieu le vous mire que Longis fist pardon,
Car pués que je arait a signour telz baron
J’arait pour mon sollaire moult riche gerrandon ! »
Dont lez fist espouser le damoisialz Lion.
26710 Li bastard espousait la pucelle de nom ;
Lez nopcez furent grande que adont y fist on.
De toute reverie orent bien lour parson !
Sonnent trompe, tabour et si cor de laiton,
26714 Vieelle, cornemusez et si salterion.
Toute jour sont nous gens en consollacion.
Ensi li boin bastard dont je vous signiffie
Espousait celi jour la cortoise Marie
26718 Qui en fuit en son cuer joians et esbaudie.
La feste celui jour fuit forment essaucie :
Grant joie et grant desduit y ot la baronnie.
Noblement y sonnoit la menestraderie,
26722 Que de biaulz dons et noble orent bien lour partie ;
Et si vait on behourdant permey la praierie ;
Et la fist li duc Lion qui proesse maistrie
Chevalier de son filz qui tant ait signorie.
26726 Guillamme le vaillant a la faice pollie
La collee la ressut de la chevaillerie.
Toute jour behourdoit celle gent essalcie,
Et li roy Signagon qui Dieu ne creoit mie
26730 Estoit desur lez mur de la citeit baitillie
Et regarde la feste qui estoit commancie ;
Dont estoit si dollant, pour poc que n’esraibie,
Et dit a cez baron de la soie lignie :
26734 « Signour, per Mahommet qui le monde maistrie,
Felon crestien ont lour jouvante adressie
De toutdis demourer dessus ma signorie !
Il ne s’an partiront si l’aront gaingnie.
26738 Se croire me voullez, ne vous mentirait mie,
Nous ferons metre en la mer mainte navie
Et si lez querqueriens de ma grant tresorie
Pués yrons a garant a Farisse l’antie.
26742 Gracienne ma niesse tint la Thierce garnie ;
Bien sai ceu qu’elle arait, ne m’escondirait mie.
Muelx vault, s’on lou me loe, delaissier follie
Que ci a demourer devant la gent haye
26746 Que n’averont piteit de nous tollir la vie
Nient plux que fuissiens chien ou beste resoingnie !
̶ Mahon, dient paien, veci raison jollie ;
Que plux y demourait, Mahommet le madie ! »
26750 Dont se sont aprestéz a ycelle neutie.
Chergiér ont lour avoir celle malle maignie
Quoiement a celer, c’on ne s’en persoit mie.
Et li bastard couchait la neut avec Marie ;
26754 Sa voullanteit en fist, car celle s’i ottrie.
La neut jeut li bastard avec sa mouillier,
Si en ait acomplir tout le sien dezirier.
Et li felon paien ne finent de veudier :
26758 Es neif et es challant font lour avoir chergier ;
Oncque deden Pallerne ne vorent rien laissier.
Per mer s’an vont naigant li Sairaisin lanier,
De si jusques en Farisse ne se volrent estargier.
26762 Si ot une pucelle qui gardoit l’iretier ;
Niepce estoit Signagon, le felon adversier.
N’ot plux belle pucelle, se saichiez san cudier,
Je croy en tout le monde ne avant ne arier.
26766 Gracienne ot a nom, moult fist a prisier ;
La loy dez crestien elle amait et tint chier.
Ycelle Gracienne fist forment a louer.
La s’an vait Signagon permey la halte mer ;
26770 Sa niepce le volt moult essaucier et louer.
De Signagon larait si ung petit ester,
Et du bon duc Lion vous volrait recorder,
Qui fuit devant Pallerne logiéz prez de la mer.
26774 Trois jour pués que li roy en fist cez gens aller
Fuit devant la citeit ains qu’il en ceust parler ;
Pués allait a la ville ung grant assault livrer,
Maix ne lou deffandirent Sairaisin ne Escler,
26778 Car n’i avoit paien qui lez peust grever.
Crestien y entrerent san point de l’arester ;
Per la citeit se vont vistement osteller :
Li duc y tint sa court, si comme j’oys conter,
26782 Et pués en volt Guillame son filz corroner.
La citeit de Pallerne li donnait a garder
Et le riche roialme dou tout a gouverner.
« Biaulz filz, s’ai dit Lion, me vuelliez escouter :
26786 La citeit de Pallerne vous donne san demorer
Et le riche roialme pour coronne porter ;
Si vous en ferait roy et corronne pozer.
Ensi polrait bien Dieu et servir et loeir,
26790 Quant a ung jour polrait a mez yeulx regarder
Doulx roy qui sont mez filz, de ma char engenrér,
Et ung bastard aussi qui se puet duc calmer !
Biaulz filz, de ceu roialme vous lara pocesser
26794 Et de toute la terre que porez conquester.
Et pour ceu que paien ne vous puissent grever,
Vous larait le bastard que je doie moult amer,
Et Hanry, et Thiery, et Mourandin le ber,
26798 Et Ganor le vaissalz ou je me doie fyer.
S’an volrait Bauduyn avec moy mener,
Et Ollivier polrait en son pays raller
Pour sa noble moullier et son pays garder.
26802 G’iray a Monlusant pour la terre peupler,
Car Garnier de Callabre fist le pays gaister
Et la terre essillier et le pays desrober
Et mez ville abaitre et mez chaistialz verser.
26806 Je lez volrait faire vistement relever. »
Et Guillamme respont : « Ceu fait a creanter ! »
La coronne enchergait, car on li fist poser
Ens ou chief doulcement pour lui a honnorer.
26810 Or est roy de Pallarne le roy Guillame gentilz.
Il en fuit corronnéz de trestout le pays.
Doulx moix durait la feste, ceu nous dit li escript,
Et pués s’an fuit Lion sevrés et despartis ;
26814 Avec Florantine la royne gentilz
S’an repairait li duc et Bauduyn li gris.
Et li boins Ollivier qui tant fuit signoris
En remenne Ellie et sa femme Bietrix ;
26818 En Burs la grant citeit en rallait li merchis ;
La estoit Gallienne, blanche come flour de llis,
Car la damme moruit, n’en ot fille ne filz.
La terre demourait a Ollivier tousdis :
26822 Il fuit sire de Burs et d’Espaingne merchis.
Pour sa moullier fuit moult dollant et esbabis.
Pués ne demourait gaire que Lion li herdit
Mandait cez doulx anffan et tout cez amis,
26826 Car la franche royne Florantine au cler vis
Fuit teillement mallaide, en certain le vous dis,
Que pour recepvoir mort au volloir Jhesu Crist.
La belle Florantine au grez du Sapient
26830 Jeut au lit mallaide, et a cuer tel mal sant
Que bien cude morir sans nulz garant.
Lion mandait cez filz qui y vinrent briefment :
Guillame et Ollivier et trestoute lour gens
26834 Vinrent a Monlusant. Le bastard au corpz gens
Gardait le grant roialme qui a Pallerne apant,
Que ne soient soupris de la paienne gens.
Quant Lion vit cez filz, si lour dit simplement :
26838 « Enffan, s’ai dit li duc, je sai tout vraiement
Que vous mere pranderait per tant deffinement. »
Quant li doulx roy l’oyrent, si plourent tanrement.
La belle Florantine ait fait son testalment ;
26842 Cez anffan acollait et baisait doulcement,
Et pués la print la mort qui en maint cor c’estant ;
Dieu ait l’arme de li au jour du jugement !
Tout pour Lion souffrit la damme maint torment,
26846 Et li duc pour la damme ot grant painne souvent.
Li duc ploure et soupire, tout le cuer li desment ;
Oncque maix nulz hons ne fist tel mariement
Que fist li belz Lion dont je fais parlement,
26850 Car la royne amait de cuer parfaitement.
Moult fuit Lion dollant pour la mort sa mollier.
Ensevellir la fist per deden ung moustier ;
Pour l’arme de la damme volt tanrement [pryer]
26854 Et dit qu’il volrait cez terre eslongier
Et pour l’amour de Dieu qui tout ait a jugier
S’irait dedens ung boix, se dit, amenaigier.
Pour l’arme de sa femme dont il volrait pryer
26858 Il volrait estre hermitte et estez et yvier,
Et dire neut et jour bien souvent son saltier,
Cez peschief espanir et li bien redressier.
Or oiez de Lion, pour Dieu le vous requier :
26862 Il ait fait une lettre escripre a une anuitier,
En disant : « Per la graice de Dieu le droiturier
Qui se laissait pour nous pener et travillier,
Jou, li sire de Bourge et dou pays antier,
26866 Fai savoir mez anffan qui sont mez hiretier,
Que de moy a trouver vous n’aiez dezirier,
Car en telz lieu m’en vois une maison dressier
Ou jamaix ne me veront sergens ne chevalier,
26870 Ne homme de ma court ne mez noble princier,
Ne cosin ne parant, sergens ne escuieir
Ne me verront jamaix contree justicier.
Pour l’arme Florantine, pour la moie essaucier,
26874 M’en vois droit en essil san moy a espargnier.
Or mentenés la terre et soiez parsonnier
Yci trez loialment, c’on ne vous puist mocquier
Ne que vous en puissiez ja avoir recouvrier.
26878 Plourer et dolloser en vuelliez tout laissier,
Car je vous ai couvent, sur Dieu le droiturier,
Que jamaix en ma vie ne revanrait arier,
Non se je ne vous voy avoir tel encombrier
26882 Que pour mort recepvoir se ne vous vien aidier. »
Ensi ait fait la lettrez escripre et pourtraitier
Et quant se vint au neut, il assist au mengier
Tout son riche bernaige qu’il alla justicier ;
26886 Entre cez doulx anffan s’aisit san detryer
Et lez servit la neut jusqu’à morcialz tranchier.
Lion li gentis duc entre cez doulx filz senés
Fuit la neut au souppez servis et honnoréz.
26890 Biaulz samblant lour moustra, si lez ait endoctrinéz :
« Signour, dit Lion li damoisialz loéz,
Je vous prie pour Dieu que l’un l’autre servez
Et pourtez grant amour et bel vous mentenez.
26894 Ne jai pour herritaige ne vous debaitez,
Maix se li ung en perrt, trez bien le secourrez,
Si c’on ne puist pas dire que Lion li doubtéz
Ait doulx anffan cornas, ensi que folz prouvéz,
26898 Et que oncque ne vallirent vallissant quaitre dez!
Soiez cortois et saige, vous soldoier donnez
Et dez vair et dez gris quant loialz lez trouvez. »
Et dient li anffan : « Si comme vous commandez ! »
26902 Dont allerent couchier quant soupper fuit passér.
Lion li riche duc en sa chambre est entréz ;
Ains ne fuit toute neut desvestut ne paréz.
Il est a mieneut de la chambre sevréz ;
26906 Le brief qu’il avoit fait de saisine fievéz
Laissait sur son lit, et pués s’an est tornéz.
Il est sus ung chevalz tout seulz acheminéz.
De Mon Oscour issit, car celle fermetez
26910 Ot changiér son nom pour ceu qu’oyr avez,
Car elle avoit estéz arse environ et en lez ;
Maix Lion donnait boix et grant mairien quarréz ;
De Mons Oscour li fuit adont le nom donnér
26914 Pour ceu qu’il li avint si trez grande piteit.
Per la porte s’an ist Lion li redoubtéz.
A Dieu et a sa mere c’est li duc commandéz ;
San personne en vait en estrange rengnez ;
26918 Toute neut chevalchait dollant et abosméz.
Et l’ondemain maitin, quant sollail fuit levéz,
Li doulx rois sont issus de lour biaulz leit parér,
Et pués sont de lour drap vestir et aornéz ;
26922 En la chambre Lion en est chescun allér.
Il buscherent a l’uix, nulz ne s’i est amoustréz ;
Tant firent qu’il y furent, si comme oyr avez,
Maix per yaulz n’i fuit mie Lion li duc trouvéz.
26926 Adont l’ont per tout quis, et li brief saielléz
Estoit dessur le lit, permey estoit signiéz.
Ollivier prist le brief, si c’est hault escryés :
« Guillamme, biaulz douz frere, cest lettre lirez,
26930 Car je ne sai lire, per Dieu qui fuit penés !
Ains ne fu a l’escolle en jour de mez aiez,
Car je gardai lez vaiche et per boix et per prez,
Et filz d’un vaichier fus longuement appelléz. »
26934 Guillame prist le brief qui savoit lire assez,
Car de sa mere en fuit moult trez bien escolléz.
Il ait le brief veut, si c’est hault escryés :
« Ay, frere Ollivier, pour Dieu qui fuit clouuéz
26938 En l’arbre de la croix pour cez ammi loéz,
Mal nous est avenus, si comme vous l’orez !
Lion nostre perre si nous mande amistiez
Et si vous mande, frere, jamaix ne lou verrez,
26942 Car li boin duc s’an vait en estrange rengnez
Pour aller en essille comme povre esgaréz.
Hermitte devanrait li frans duc aloséz
Pour l’amour de nous mere ou grande estoit li bialtez.
26946 Prierait neut et jour et si ert amandér.
Jamaix ne chausserait lez esperon dorér,
Ne jamaix en sa vie n’iert sus destrier montéz.
Or nous croit nous duel, il est renouvelléz !
26950 N’avons perre ne mere, dont c’est grant piteit !
Le muedre chevalier s’an est enneut allér
Qui oncque en baitaille fuit nulz jour encontréz. »
Quant Ollivier l’oyt, li sanc li est yréz ;
26954 Ains ne fuit si dollant pués l’oure qu’i fuit nez.
Moult par fuit Ollivier dollant et yrascus
Sitost qu’il oyt dire que Lion est perdut.
« Ai, dit Ollivier, perre ! A, trez vaillant duc !
26958 De trestout lez crestien estiez li esleut,
Et tenus de tous homme que le muedre estreus
Qui oncque fuit ou monde pués le tempz roy Artus.
Or sus moult dollant que estez ensi meus !
26962 Je prie a Dieu de gloire qui pour nous fuit vandut
Qu’i vous vuelle garder, frans vaissalz esleus ! »
Adont plorait chescun comme triste et confus.
Per le pallais en est ung grant duel aparrut,
26966 Et des ung et dez aultre, dez grant et dez menus;
Pour Lion vont plorant, qui tant estoit cremus.
Ollivier et Guillamme li preux et li membrus
Ont partie lour terre, lez chaistialz et les murs.
26970 Li doulx anffan Lion ont lour terre partie.
Guillamme de Pallerne qui en tint la maistrie
Print Bourge en Berry en la soie baillie.
A Ollivier remest la haulte signorie
26974 De Sezille la grant, celle terre garnie.
Li homme a Ollivier, dont je vous signiffie,
Qui furent de Sezille ont lour foid fiancie,
Et au boin roy Ollivier chescun li affie
26978 Hommaige et feaulteit tous le jour de lour vie.
Et li belz Ollivier qui tant ot vaillandie
Laissait a Monlusant le bon vaichier Elie,
Sa femme Betris que moult tint a amie ;
26982 Maix pués ot per la damme la chiere moult irie,
Ensi comme dirait se ma voix est jehie.
Humaix vous en serait bonne chanson furnie,
Comment Mourandins fist Guillame tricherie,
26986 Comment il lou vandit per duel et per envie
Au fort roy Signagon et fuit, coy c’on die,
Pour ceu qu’il li volloit tollir corpz et vie
Pour Bourge dont il volt avoir la signorie,
26990 Et trestoute la terre qu’estoit en la baillie.
Et changerent le cour, de ung quart le prisie
Tout li anffan Hermer per lour lozangerie.
Il osterent le corpz de la grant tresorerie,
26994 Et si en mirent ung qui fuit de telz maistrie
Que tout cil de ceu monde, tant que le ciel tournie,
Ne getessent le son pour tout l’or de Pavie.
Au doulx anffan Lion firent teille haischie
26998 Qu’il en furent enchartré tout doulx a une fie,
Et pués Lion lour perre lour en fist grant aye
Et le Blanc Chevalier dont je vous signiffie.
Maix chanson vous dirait, s’i n’est qui lou vous die,
27002 Comment Ollivier fuit sur terre paiennie,
Comment il conquestait tout lez pors de Piersie
Et ossit en la mer la grant beste ennemie
Que a loy de poisson en la mer resoingnie
27006 Destrusoit tout adez celle gens baptissie.
Il ne fist oncque mal a la gens paiennie,
Maix li boin crestien per la beste esraigie
Estoient mis a ffin en la mer mainte fie.
27010 Guillame s’an allait a Pallerne l’antie,
Et li belz Ollivier a la chiere herdie
Rallait deden Espaingne, celle terre garnie,
Et fist en ceu pays a ceu tempz croiserie,
27014 Car li boin roy de Cipre, si comme l’istoire crie,
Guerrioit lez paien au lez dever Surie,
Et mandait Ollivier et per lettre ploye
Qu’il venist oultremer a tout son ost banie.
27018 Ollivier y allait per sa grant baronnie
Et trouvait seli roy qui ot son ost banie
Es plain dever Dammas, une citeit bastie.
L’acist Ollivier, pour tout voir vous affie,
27022 Et li boin roy Herpin et sa chevaillerie
Qu’i conquirent Dammas et la terre jollie.
Tout droit ver Rocebrone ont lour voie aqueullie,
Et droit a Escallonne avoit gens paiennie
27026 Que la citeit d’Escallonne avoit asegie.
Li fort roy Ottiniaus ot la gerre en baillie.
C’estoit ung ennemis, si comme l’istoire crie :
Quaitre piet ot de hault, plux n’en avoit il mie,
27030 Maix il n’avoit paien en toute Turquerie
Qui ozaist a son corpz avoir joste fournie
Ne ataindre a plain cop de la lance forbie.
Tant estoit Ottiniaus de grande fellonnie
27034 Qu’i ne prisoit nulz hons une pomme porie.
Une royne volt avoir en sa baillie
Qui creoit bien en Dieu et la Vierge Marie.
Ollivier qui estoit en mer o sa maignie
27038 Allait naigant per mer avec sa baronnie,
Tant qu’au port d’Escallonne arivait la navie.
La royne gentilz ot en mer une espie
Qui a la royne vint, haultement li escrie,
27042 Et dit : « Per Mahommet, doulce damme jollie,
Crestien sont au port, celle gens esraigie !
Or serez vous trop plux que devant asegie,
Car li roy Ottiniaus si ne vous lairait mie
27046 Tant qu’il vous arait a damme fiancie. »
Et la damme, quant l’oyt, en fuit durement lie ;
Au port dez crestienz est la damme adressie ;
Vint au roy Ollivier per respit qu’il li ottrie,
27050 Et la damme li dit que point ne s’i detrie :
« Sire, se vous voullez, loialment vous affie,
Entreprandre pour my la baitaille aramie
Contre roy Ottiniaulz qui si m’ait assaillie.
27054 Se vous le poués mater, loialment vous affie,
Je croiroie en Jhesu et seroie baptisie ;
Et trestoute la gens dont je sus servie,
Feroie baptisier ; ne tenés a follie !
27058 ̶ Damme, dit Ollivier, per ma chevaillerie,
Se cudoie que voir fuit et que n’i eut tricherie
La bataille feroie ains demain complie.
̶ Sire, s’ai dit Herpin, vous ne lou ferez mie ;
27062 Se m’ayst Dieu de gloire, se seroit grant follie !
̶ Si ferait, dit li roy, se la damme agensie
Vuelle plege livrer que ne me faille mie
Et que elle me tiengne tout que elle me fie. »
27066 Et la damme respont : « Biaulz sire, je l’ottrie. »
Plege li ait bailliér de ciaulz de sa lignie.
Et li belz Ollivier issit de sa navie ;
En Escallonne entrait, la citeit baistillie.
27070 Or est roy Ollivier entrér en la citeit.
Elle montet au crenez de fin mabre listez ;
Ung Sairaisin ait briefment a la damme assenér ;
« Sairaisin, dit la damme, orez ma vollanteit :
27074 Allez querre Ottiniel, tant que j’aie a lui parler. »
Et cil li ait dit : « Damme, a voustre vollanteit. »
Oncque ne s’i arestait tant que vint jusques au trez :
La androit ait trouvér Ottinel l’amirel.
27078 A haulte voix li crie : « Oiez ma vollanteit :
Sire, roy Ottinailz, per Mahommet mon dez
Je croy que temprement arez a voustre grez
La damme d’Escallonne u tant ait de biaulteit.
27082 Elle vous mande qu’aiez a lui parler.
Le vela ou elle est au crenelz gairistér. »
Quant Ottinaul l’ot, si ait grant joie menér ;
Son destrier demande ; on li ait amenér.
27086 Il monta per desoure en son riche barnez ;
Oncque n’i arestait, si vint droit au foussez ;
Adont parlait en hault, c’on l’ait bien escoutéz.
Signour, cil Ottinalz don vous oy[ez] parler,
27090 Il avoit le visaige droitement d’un maulfer :
Lez yeulx li sont ou chief tout rouge et tous enfléz,
S’avoit la char plux noire que cherbon macheréz,
Et s’avoit le corpz lait ; tout l’eut boucerez.
27094 Maix il n’ot telz diable en nulle roialteit :
Pluxtost avoit saillit une lance d’esteit
Que ung oisialz n’aroit ung seulz piet vollér.
Il se torne et tressaulte come ung homme dervéz.
27098 Quant la damme le vit, si li dit per fierteit :
« Annemmi, dit la damme, plain de grant crualteit,
Cy androit m’as assis, il ait loingtempz passéz,
Pour ceu que vuelz avoir le mien corpz espousér,
27102 Et je t’ai tout adez a mon cuer reffuséz.
Je te dit, ennemmi plain de grant malvistiez,
Que loingtempz ait passéz que vous estez vantéz
Que c’il avoit nul homme en ma grant poesteit
27106 Que per nulle ocqueson eust la vollanteit
De combaitre a toy deden ung champz merlér,
Affin se lou pouois concquerre au brant lettréz
Que ton corpz pranderoie come mon avouéz ;
27110 Et [se] mez champion t’avoit recreandéz,
Tu m’aroie aussi et pleuvir et jurér
Le siege laisseroie et tu n’ie[r]z plus demourér
Jamaix devant ma ville ne en ma roialteit.
27114 Je ti dit, Ottinel, j’ai ung chevalier trouvér
Que se combaiterait en ung champz tout armér
Contre toy de maitin, per te[lz] actoriteit
Que je t’ai en couvent, quant tu l’aras matér
27118 A signour te prandrait et a droit avouéz ;
Et c’il te puet mater, tu m’aras jurér
Que ariere t’en yrais per deden ton rengner.
̶ Mahon, dit Ottinalz, que je l’ai deziréir !
27122 Oncque maix n’oyt raison si a mon grez ! »
La baitaille acordait Ottinel le maulfez.
Au londemain au maitin, quant veront adjorner
Per dessus Escallonne, la seront assamblér.
27126 Ambdui li champion ait richement montéz
Ensi qu’il volront et aront en pancez.
Or est pour Ollivier la baitaille acordee
Au londemain maitin, tout droit a l’ajornee.
27130 Li vaissalz Ollivier dormit ceste vespree
En la chambre la damme qui estoit corronnee ;
Avec li couchait dou tout an son agree.
Le roy de Cipre Herpin et sa gens aduree
27134 Entrent en Escallonne san point de l’arestee
Pour veyr l’ondemain la baitaille assamblee
Du vaissalz Ollivier a qui proesse agree,
Et du fel Ottinel qui ait l’arme dampnee.
27138 C’estoit ung ennemmi de la prison duree
Qui est per ordonnance et per euvre faiee.
En samblance du Turc rengnoit per la contree,
Ensi que fist Ebron, signour, mainte jornee.
27142 Signour, au londemain droit a l’aube crevee
S’adoubait Ollivier, s’ait la teste armee ;
Et Ottinalz estoit ja armér sur la pree.
Petit estoit et las ; s’olt la teste hurpee :
27146 Il n’i ot si lait homme jusques a la mer betee.
La Faculté des Lettres
PAS building room 2401
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