La Faculté des Lettres
PAS building room 2401
Read in English
Guillaume, Mélior and Gracienne flee from Palermo. When Morandin learns of this news, he ends his own life. The three escapees get to Rome where they obtain an audience with the pope, who is very happy to meet the son of his old friend Lion. The pope baptizes Gracienne, then marries her to Guillaume. After two weeks in Rome, Guillaume and Gracienne head for Monlusant where they hope to find Olivier, but he is in the Holy Land. Guillaume therefore decides to go to Bourges to sound the horn and claim his rights.
Guillaume takes leave of his wife Gracienne in order to head for Bourges, where he stays at the home of Fouquier, who describes the atrocities of the thirteen sons of Hermer. To everyone’s joy, Guillaume reveals his identity. The sons of Hermer are the only ones that are not happy but one of the brothers, Ysacart, reminds them that Guillaume is no threat since the real horn was replaced. Ysacart insists that Guillaume try the test with the magic horn. Naturally, Guillaume fails, and Ysacart tries to take advantage of this in order to execute him. The barons notice the extraordinary resemblance between Guillaume and Lion and they decide to spare Guillaume and imprison him instead.
Olivier ends his expedition in the Holy Land and sails for Sevilla. From there, he reaches the castle of Caffaut that he had given to Elie and his wife Béatris. From the window of the castle, he sees a ship that is heading for Caffaut carrying a beautiful young girl, who only has one hand. Joieuse is known by the name Tristouse. Olivier is in love with this young girl and offers to marry her. After some hesitation, Joieuse accepts. The wedding takes place the next day, followed by a great celebration and a tournament in spite of Béatris’ violent opposition.
A month after the wedding, Gracienne arrives in Caffaut, where she tells Olivier that his brother escaped from prison in Sinagon, but that he had been imprisoned in Bourges by the sons of Hermer. Olivier gathers an army and takes leave of his young wife.
Accompanied by Guy de Carthage, Olivier crosses Spain and France to lay siege to Bourges. He tries many assaults on the defense of the city but without success. Under pressure from the inhabitants of Bourges, Ysacart allows Olivier to try the test with the horn, knowing that he will be unable to sound it. As expected Olivier fails causing him to doubt that he really is Lion’s son. On the road, he is attacked by the sons of Hermer and imprisoned. Not seeing Olivier, Guy de Carthage cuts the head of the hostages. Gracienne convinces him to continue the siege of the city.
Lion had withdrawn to the hermitage where his father had spent eighteen years. He spends his time praying for the soul of Florantine, while the White Knight brings him the Manna from heaven three times per week. One day, the White Knight predicts that he will be absent for two weeks. Lion tells him of a premonitory dream that he had the previous night, and he asks the White Knight to explain the reason for his departure. He tells Lion that he must help Guillaume and Olivier. Lion expresses his intention to go with him but the White Knight reminds him of his vows that he had made before becoming a hermit. Lion dismisses this objection and takes leave.
Venés en avec moy. Je sus a mort livree! »
28894Et Guillamme la prist et celle quiet pasmee.
Per une estroite rue est la royne allee;
A grant meschief trouvait et la voie et l’antree
Pour venir au lieu dont elle estoit desevree.
28898Sitost que la royne en sa chambre entra,
Guillamme le gentis doulcement l’acollait,
Et pués ait dit: « Amie, pour Dieu, comment yrait? »
Et la damme li respont: « Raller vous covanrait
28902En la chartre parfonde dont je vous getait ja.
Et je m’aviserait quant mez cuer revanrait
Comment je me maintanrait. » Et le roy l’otriait;
En la chartre est entréz et la damme le fermait.
28906Or escoutez de quoy la damme s’avisait:
Ung si tres grant mallice la damme porpansait
C’oncque maix creature si grant n’avisait.
Elle vint en sa chambre, toute se desquirait,
28910Et tout cez biaulz chavoulx elle desgallonna
Et de terre et d’ordure elle s’enbrowillait.
Ver la chambre son oncle tout criant en alla;
Oncque si laide vie personne ne menait
28914Que fist la royne. Antour li esveillait
Tous ciaulz qui dormoient, oncque ne s’i arestait.
En la chambre son oncle s’an vint, et la busqua
Tant que lou chamberlain teillement c’escria:
28918« Quel diable d’infer, dit li Turc, esse la? »
Signagon sault en piet que bien morir cudait;
Il meysme ouvrit sa chambre et deffermait,
Et quant il vit sa niepce, tout li sang li mua;
28922Son bras li mist au col et pués li escriait:
« Niepce, s’ai dit li roy, per Mahon, comment vait?
– Oncle, dit la royne, et on le vous dirait! »
« Oncle, dit la royne qui bien fuit ensignie,
28926A vous je me conplain de la grant villonnie
Que Melior m’ait fait, que Mahommet maldie,
Car acordee c’est a la gent baptisie:
Le roy ait delivrér et l’autre baronnie,
28930Et m’ont en ma chambre tant baitue et froissie
Que pour mort, biaulz sire, m’ont cudiér avoir laissie.
Li crestien s’an vont, vous prison ont brisie;
Melior lez enmenne qu’a tousjour je renie,
28934Et ceu m’ait ensement la pute apparrillie:
Morte me cude avoir et elle et sa maignie.
Ensi qu’a vous venoie en la saulle voltie
Pour vous conter ceu fait et ceste diablie,
28938Guillamme trouvait lez la saulle garnie;
Je lou fis tous court tenir de vous maignie,
En la prison l’ait renvis et si l’ait verrollie.
Per Mahon, que faite armer vous baronnie,
28942Et suiés Melior per qui je sus traye! »”
Adont rechiet pasmee et tanrement larmie.
Li roy l’ait amont entre cez bras redressie
Et la baise cent foid, et pués briefment escrie:
28946« Az arme, signour, la ville aiez veudie
Per quoy ceste putain soit raconsuwie
Qu’ansi ait delivrér ciaulz que n’amoie mie! »
Li fort roy Signagon point ne s’i arestait;
28950Cez homme fist armer et sa niepce acollait,
Et celle fait ainsi que c’elle se pasmait.
La clerteit fuit enprise et desa et dela.
Signagon se vestit et pués s’aparrillait.
28954Atant est venus Hurtalz qui illuec amena
Lez vaillant crestien; tout quaitre lez ait.
Melior sa cosine plux de cent cop donnait;
Il vint devant le roy et il s’agenoillait.
28958Quant il vit Gracienne tout li sang li muait,
Car avec Melior veoir le cudait;
De la damme se tait; plaindre ne s’ozait;
Ains ait dit: « Gentis roy, oiez c’on vous dirait:
28962Veci une damme que ardoir couvanrait,
Car lez faulz crestien enneut delivrerait,
Et pour my faire ossire a moy lez amenait
Pour avoir lez baron que j’ai gardéz piessait.
28966Quant je ovrit l’ux, li ung ung tel cop me donna
D’unne espee a doulx main que la main me trancha.
Je sus deshonnoréz; mal ait qui ceu braisait! »
Gracienne la belle Melior regardait,
28970Et puez li dit: « Putain, je vous occirait ja! »
Puez la fiert de son poing qu’a terre la versait.
« E, Dieu, dit Melior, quelz diable esse sa?
Quant que cest ait braisee, boire le me covanrait! »
28974Forment fuit esbaihie Melior la gentis,
Et ait dit a lie meysme: « Or est mez corpz cheti[s]!
Il appert et c’est voir et il avient tousdis
Qui avec son maistre s’an vait per le pays
28978A la faulce monnoie, il est tout seulz boulli;
Li maistre en sont tout quite et on pent lez quetis.
Ne sai que ferait, trop est mez corpz honnis!
Se ma damme racuse enver tout cez amis,
28982Jamaix ne serait crute, se n’est pas mez proffit.
Espoir qu’elle ferait ou en fait ou en dis
Que delivree serait, s’i plait a Jhesu Crist;
Et se je l’acuse, li mien corpz est perris. »
28986Dont fuit toute esbaihie, et li rois esrabis
Ait dit: « Folle putain, le vous corpz soit maudis!
Dont vous vint li pancee, li fais et li avis
De delivrer ensi nous mortez ennemis?
28990Foy que doie Mahon, ceu fuit mal vous proffit,
Car vous corpz en serait deden ung feu bruys! »
Et selle se tait cui la royne au cler vis
Dit: « Pute malvaise, or est vous corpz perris!
28994Per vous ait moult ressus de mal et d’enneut
Que ne remeist pas en vous que mez corpz ne fuit ocis,
Per lez faulz crestien affolléz et mourdry!
– Damme, dit Melior, ceu est vray que tu dis:
28998Je sus digne d’ardoir, li fais est deservir. »
« Damme, dit Melior, j’ai ouvréz follement.
Je cudait, per Mahon qui ne fault ne ne ment,
Que morte fuissiez piessa; maix pas n’est ensement.
29002Or me faite morir tout a vous jugement.
– Aie, pute malvaise, dit li roy putement,
Mahommet vous maudie, a cui li monde appant,
Quant ver ma niepce avez ovréz sifaitement!
29006Dite moy voustre estet san nul arestement
Et comment vous aviez fait voustre acordement
Az felon crestien qui Mahommet crevant.
– Sire, dit la pucelle, je lou dirait briefment:
29010J’avoie fait au roy tant que tout premierement
Que sur la loy de Dieu m’avoit fait serement
Que il me pranderoit en droit mariement
Et me feroit royne a son grant tennement;
29014Et per telle voie, biaulz sire, l’avoie teillement
Delivrér de prison, et pour avoir sa gens
Je l’avoie menér a Hurtalz mon parrant,
S’en ait le pung copér a ceu commancement
29018Pour ceu qu’il vint trop pres et arméz maisement.
– Malle, dit Sinagon, or vous va mallement!
Je vous ferait ardoir et morir maisement!
– Ne lou puez amander, » dit celle vraiement.
29022Li roy en appellait sa niepce vistement;
S’ai dit li roy: « Ma niepce, a voustre jugement
Prenez ceste pucelle pour faire voustre tallant.
– Sire, dit Gracienne, vous parlez saigement. »
29026Dont le fist en prison mener villainnement.
Et dit a Signagon: « Oncle, certennement
Je vuel que vous mandez ciaulz qui sont mi parrant
Et tout lez vaillans homme de voustre chaissement
29030Qui feront ceste pute morir a lour tallant,
Et tout lez crestien me faiciez pandre au vant;
Et se plux lez gardez, je vous ai en couvent
Vous vous en repantirez, car le cuer le m’aprent. »
29034« Oncle, dit Gracienne, faite vous gens mander,
Vo prince souverain qui sont li voustre perre,
Et per devant yaulz faite morir et encrouuer
Trestout lez crestien qu’avés a gouverner.
29038– Niepce, dit li roy, ceu fait a creanteir. »
La damme fist tost et briefment enprisonner
Melior et la volt a ung paien livrer,
Et rien que pain et yauwe ne li faice donner,
29042Et sur la loy Mahon li ait fait affyer;
Cil amainne la damme qui ne solt que pancer.
« E, Dieu, dit Melior, qui tout ait a salver,
Si voir que me ferait baptisier et laver
29046Si vuelliez moy, vrai Dieu, de ceu perril geter!
Damme, sainte Marie, royne qui n’a per,
Damme, sainte Marie, vuelliez moy delivrer
De ceste prison si san longuement demourer!
29050Royne Gracienne, que voullez vous pancer? »
Ensi dit Melior qui moult fist a louer;
Ensi volt trestoute jour la damme viser
C’elle poroit jamaix en joie recovrer.
29054Et Gracienne pance de li a delivrer
Et dit que muelx volroit en ung feu alumer
Que sans la gentis damme volcist de la sevrer.
Gracienne la damme trestoute jour pansait
29058Comment le roy Guillame deprisonnér serait
Et Melior la belle qui loialteit fait ait,
Car oncque pour son dit point ne la racusait.
Le jour est trespesséz, le vespre approchait;
29062Et quant li vespre vint que li roy couchier vait,
Gracienne la belle a la chartre en allait;
La damme avoit lez cleif, briefment le defferma.
Quant elle vit Guillamme, tantost baisier le va,
29066Et pués ysnellement li dit et devisait
Comment ne per queil tour elle se demenait;
Et quant Guillamme l’ot, adont l’acollait,
Et li dit: « Doulce amie, per ma foid moult bien vait;
29070Loez en soit li Sire qui nous fist et formait! »
Il issit de la chartre et celle l’amenait.
Venue est en sa chambre, sus son lit se getait;
Li ung acolle l’autre et doulcement baisait.
29074Gracienne la belle le roy moult bien armait
D’armeure moult bonne que li apparrillait.
Or escoutez de quoy la damme s’avisait:
Elle dit au boin roy: « Sire, or entandez sa:
29078G’irait Melior querre qui o nous se vanrait.
– E, Dieu, dit Guillamme, que biaulz parler ci ait!
Li plux tres loialz estez qui oncque de pain menjait. »
Adoncque vistement Gracienne en allait
29082Et vint au Sairaisin a qui Melior quarquait;
La damme vint a la prison, tantost y baichait
Que li paien vint qui tost demandait:
« Damme, que voullez vous? » Et elle dit li ait:
29086« Amenez Melior la ou on vous dirait;
Je croy ceste neutie justice ons en ferait. »
Et li paien respont: « Si soit qu’i vous plairait. »
Il vint en la prison ou Melior trouvait.
29090« Or sa, malvaise femme! li paien dit li ait,
Or est venus li jour que morir vous faurait. »
Quant Melior l’oyt, tout li sang li muait,
Et dit: « Sainte Marie, qu’esse qui m’avanrait? »
29094Et le paien la prist qui avalz l’amenait.
Quant Melior la belle royne esgardait,
Dont fuit toute haitie, dou tout se ravigorait
Et dit tout quoiement: « Je croy qui bien yrait.
29098Gracienne ma damme, se Dieu plait, m’aiderait. »
Or fuit Melior moult bien asseuree
Quant la royne vit, Gracienne la senee.
Nonporquant fist la damme durement l’adollee,
29102Et dit: « Laisse, meschans, de queille houre fuit nee!
Or sai bien que sus morte et affinee!
– Or avant, dit Gracienne, folle garce prouvee!
Je fus yer pres per vous estre mordrie et tuee,
29106Maix vous le comparrés ains qui soit l’ajornee. »
Li Sairaisin l’amainne a pute destinee;
Il s’an repantirait ainsois l’aube crevee.
De si jusques a la chambre n’est la damme arestee;
29110Gracienne devant s’an vait ouvrir l’antree;
A Guillamme fist signe qui tost sachait l’espee;
Et quant il vit le Turc qui leans fuit entree,
Tost et ysnellement l’ait dou fourelz getee;
29114Le paien en donnait ung teille collee
Que desi es dent est l’espee coullee;
Il l’ait mort abaitut dallez la cheminee,
Et puez a Melior s’an vait sans arestee;
29118Lez bras li mist au colz en disant: « Damme senee,
Oncque millour de vous ou siecle ne fuit nee;
Benoite fuite l’oure que fuitez engenree!
– Sire, dit Gracienne, trop faisons demouree,
29122Ja vont li cocque chantant per devant l’ajornee;
Melior serait ci dez arme adoubee,
A loy de chevalier serait bien aprestee.
– E, Dieu, s’ai dit Guillamme, comme j’ai la chiere yree:
29126Demourait li bastard a qui proesse agree
Et Ganor d’Orifflour qui tant ait renommee,
Bauduyn de Monclin a la barbe merlee.
– Sire, dit Gracienne, laissiez ceste pensee,
29130Car muelx vault que demeurent en celle tour quaree
Que vous aiez demain voustre teste copee.
– C’est voir, dit li roy, maix j’ai la chiere yree
De ceu que larait ensi ma maingnie privee.
29134– Sire, dit Gracienne, or ne m’en dite rien nee;
Maix quant vous vanrez en la voustre contree
Si faite de vous gens une teille assamblee
Que ceste citeit ci aiez reconquestee
29138Et mon oncle pendu que a nulz bien ne bee;
Aultrement ne puet estre voustre gens delivree. »
Et Melior s’armait, la pucelle loee;
A loy de chevalier c’est moult bien aprestee.
29142La damme lez getait de la chambre pavee;
De si jusques a l’estable n’i ont fait arestee.
La ont pris trois chevalz sifait que lour agree;
Il ne truevent personne qui lour lez devee.
29146Guillamme montait, Melior est montee,
Ossi est la royne; devant s’an est allee.
Le roy en ait menér la chaussie pavee,
De si jusques a la porte n’i ont fait arestee;
29150La ot dis Sairaisin qui l’avoient gardee,
Et Gracienne en est tantost a yaulz allee.
« Signour, dit Gracienne, enver my escoutez:
Roy Signagon vous mande, li mien oncle charnez,
29154Que a cez doulx messaigier tantost la porte ovrez,
Car saichiez qu’il vont quere nous boin ammi privéz,
Lez prince et lez perre de ceste grant hireteit
Pour jugier Melior, ou grande est li biaulteit,
29158Et pour veyr morir tout lez crestiennés
De quoy li amiralz en ait cent enprisonnés;
Saichiez per Mahommet: tout morir lez verrez.
Maix que si soit venus mez oncle Ysorés,
29162Mes colsin Clariant et li roy Sollatrés
Que vanront a Pallerne ains quaitre jour passéz;
Cis messaigier enportent nous escripz seellés. »
Et cil ont responduit: « Si soit comme dit avez. »
29166Il ont la porte ouverte et lez pont avallér;
Guillamme en issit, li gentis et li belz,
Et Melior aprés ou grande est li bonteit.
« Signour, dit Gracienne, a Mahommet allez;
29170Faite bien lou messaige, bien paiéz en serés.
Je m’en voix ariere ou pallais principés
Au riche roy mon oncle qui tant est naturéz;
Nonpourquant vous vuelz ung poc dire doulx mot secrez
29174Que direz a Clariant sitost que lou verrez. »
Elle retorne arier, si ait lez pont paisséz,
Et Guillamme la prist, li chevalier loés,
Et dit au Sairaisin: « Vous porte reffermez!
29178Signagon de Pallerne vous me salluerez
Et se li dite bien sitost que lou verrez
Que le droit filz Lion li est huy escheppér,
Maix icy revanrait au logiez et au trez
29182Et si l’asiegerait ains quaitre moix paisséz.
Teillement, se je pués, il en serait yrés! »
A cez mot se partit Guillamme li doubtéz;
S’anmainne la pucelle ou grande est li biaulteit.
29186La ville c’estourmy environ de tout lez;
A Signagon s’an est ung messaigier alléz
Qui li ait dit: « Per foid, biaulz sire, vous ne savez?
Gracienne s’an vait et Melior delez,
29190Et Guillamme le roy qui vous est escheppéz.
Per moy vous mande, sire, Guillamme li doutéz,
Le filz Lion de Bourge, le chevalier loéz,
Il vous mande, biaulz sire, que de li vous gardez
29194Et que veyr vous vanrait ains que l’an soit paisséz
A cent mil crestien fervestis et arméz. »
Quant Signagon l’antant, li sang li est muéz,
Et tost et ysnellement est de son lit levés.
29198Adont c’escrie: « Alarme! Aprés ma niece allez! »
Il issent de Pallerne sus lez chevalx montéz;
Maix Guillamme fuit ja deden la mer entréz
Avec merchampz qu’il avait la trouvéz.
29202Toute jour l’a suwit Signagon li dervéz,
Maix trouver ne lou pot, dont il fuit mout yréz;
Il est deden Pallerne moult dollant retornér.
Et Morandin estoit ensi comme foursenéz,
29206Et dit a lui meysme: « Chaitis malleurez!
Or est mez ennemis de prison delivréz;
Jamaix n’averait paix tant qu’il soit vif ne nerf. »
La fuit Morandin de tel air apresséz
29210Que la neut se pandit et fuit desesperér;
Pués enportait son arme li diable et malfez,
Car qui trayst son maistre, il doit estre dampnéz.
Dollant fuit Signagon et forment abaubis,
29214Et dit que qui croit femme bien doit estre honnis.
« Mahon, dit Signagon, com mez corpz est chaitis!
Tant avoie fiance en ma niepce gentis:
Plux me fioie en lie que en tout mez amis,
29218Or est mon corpz per lie vergondéz et trays;
Maix per Mahon mon dieu a qui je sus sougis,
Encor l’arderait, la putain malleys! »
Ensi dit Signagon li fort roy posteys.
29222Et Guillame s’an vait, li preux et li gentis;
Permy la haulte mer vait nagant li merchis.
O lui fuit Gracienne la royne gentis
Et Melior la belle, la pucelle de pris.
29226Tant naigerent per mer, se nous dit li escrips,
Qu’a Romme il ariverent en ceu noble pays;
Quant il vinrent a terre, dessus lez destrier gris
Montent vistement; au chemin se sont mis,
29230A Romme sont venus et pués s’ont hostel pris.
L’ondemain au maitin qui jour fuit esclercis
S’an vait a l’appostolle Guillame li herdit.
De Dieu le salluait qui en la croix fuit mis,
29234Et li pappe li dit: « Bien vingniez, biaulz fis. »
A li se fist cognoistre Guillamme li eslis,
Et quant li apostolle qui tant fuit ajansis
Sot qu’il fuit filz Lion qui tant fuit cez amis,
29238Moult grant feste li fist et en fais et en dis,
Et se li ait presentéit et cez vair et cez gris.
Et Guillamme li conte comment il fuit trays
Per le glous Morandin qui fuit cez ennemis,
29242Comment le delivrait la pucelle de pris;
Tout son estet li conte que rien n’i ait mespris.
Et quant li appostolle ait tout lez mot oys,
Il en ait fort plorér dez biaulz eulx de son vis.
29246L’appostolle plorait quant oyt recorder
Guillamme de Pallerne, le gentis baicheler,
Ceu que li Sairaisin li ont fait desconbrer
Et du fel Morandin qui lou fist delivrer
29250A la gent paiennie et cez homme finer.
« Hé, Dieu, dit l’appostolle, qui feys ciel et mer,
Comment oze un homme tel trayson pancer
Que son loial signour cui on doit foid pourter
29254Ont fait sifaitement trayr et vergonder.
E, glous Morandin, Dieu te puist crevanter:
La desous en ynfer a tousjour maix demorez! »
Et li boin appostolle fist lez damme mander,
29258Et puis fist lez sains fons vistement ordonner;
Gracienne la belle royne au vif cler
Ait fait li appostolle baptisier et lever,
Maix son nom ne li vot changier ne muer:
29262Sainte est en parraidis, ceu puet on bien prouver
Per la sainte escripture qui tesmoingne a cler.
Et le boin roy peut on saint Guillame clamer;
En la citeit de Bourge le veut on aorer,
29266Et la est son esglise ou on le vot lever
En fiertre haultement et d’ergens et d’or cler.
A Saint Guillamme a Bourge porez vous bien trouver
Le droit cor de miraicle que Lion vot sonner,
29270De quoy vous orés ci grant pitiet recorder,
Maix que vous me vuelliez oyr et escouter.
Or antandez a my san point de l’arester,
Que Jhesu Crsit vous vuelle vous meffait pardonner,
29274Et quant nous serons mort que nous puissons aller
En la gloire haultainne pour tousdis demourer.
A ma droite matiere est tempz de retorner:
Gracienne prist baitesme san point de l’arester;
29278Le gentis appostolle le volt moult honnorer…
La androit vot sa moullier espouzer;
Illuec print Gracienne sans plux loing aller.
Et li saint appostolle en donnait le dyner;
29282Pour l’amour de Guillamme fist a Romme cryer
Que tout cil qui volroient a sa court demorer
Aroient pain et char avec le vin cler
Que jai ne paieroient vallissant ung boucler;
29286Court planier et ouverte volt a tous livrer.
Grant joie fist Guillamme qui moult ot le cuer ber;
Il jure Dammedieu qui fist ciel et mer
Que Signagon ferait chierement comparer
29290Tout ceu que li ait fait souffrir et endurer.
Toute jour ajornee volrent le tempz paisser
Et au vespre s’allait Guillamme repozer
Avec sa moullier qu’i volt dezirier;
29294La androit vait sa damme baisier et escoller,
Et celle fuit moult lie qui le pot endurer,
Car il y ait moult loingtempz qu’amour le fis pense[r].
Elle acolle Guillamme le gentis baicheller,
29298Moult doulcement le scert de boin cuer san faucer;
Il amoient l’un l’autre, si n’ont soing d’estriver,
Car ceu que li ung vuelt dire et commander
Nullement ne lou vuelt li aultre reffusser.
29302La lez fist bonne amour si bien acorder
Que tout ceu qu’il affiert a bonne amour demener
Ont fait anthierement jusques a l’ajorner,
Que Guillame s’an vait en ung moustier aourer
29306Et prieir Jhesu Crist qui tout ait a salver
Que vangence li donne de Signagon l’Escler
Et le glous Morandin qui le volt delivrer.
Bien dit qu’il en ferait tous cez frere finer,
29310A tout le mains venir dou lour desherriter:
Ne lour lairait de terre vallissant ung soller;
Et qu’il yrait a Bourge a cez homme parler
Et que encontre Signagon le vanront visiter.
29314Ensement dit li anffe que vous m’oez conter,
Maix il arait per tant tant de mal a porter
C’on ne lou vous poroit dire ne deviser:
Tout ceu que li pourchesserent li trese filz Hermer,
29318Ensi que je dirait san point de l’arester.
Signour, or faite paix, pour Dieu le vous demant;
Si antandez maitiere dont li ver sont plaisant.
Quinze jour vait a Romme Guillame demourant
29322Avec sa moullier Gracienne au corpz blanc.
Dont vint a l’appostolle, si li dit en oiant:
« Sains Perre debonnaire, le congier vous demant.
Jamaix ne finerait en jour de mon vivant
29326Se me serait vangiér dou felon soldoiant
Qui ainsi me vandit au pueple mescreant. »
Congier li ait donnér li Saint Perre en plorant;
Guillamme s’an partit, plux n’i vait arestant.
29330Tant vait per cez jornee li boin roy esploitant
Qu’en Sezille est venus, le pays qui est grant.
Il demande son frere Ollivier le vaillant,
Et lez gens dou pays li ont dit maintenant
29334Qu’encor estoit li roy oultre la mer bruyant
Et que la gerrioit encontre li soldoiant;
De ceu ot li boin roy le cuer triste et dollant.
Oncque ne s’i arestait, si vint a Monlusant;
29338Illuec ait trouvér ung chevalier vaillant
Qui gardoit le roialme pour Ollivier l’anffan.
Grant feste fist Guillamme quant le vait ravisant;
Son corpz et son avoir li ait mis au devant.
29342Illuec s’an vait li roy quinze jour reposant;
Quant il vit que cez frere ne vait point repairant
Dont dit qu’il s’en yroit a Bourge la devant,
Car Lion li donnait droit a son plain vivant:
29346La terre et le pays li donnait en estant.
Maix Guillamme n’i fuit oncque en son vivans;
Se dit que se li homme ne lou vont cognissant
Que per le cor sonner l’iront trestout servant
29350Et qu’i demanderait a sonner l’olliffant.
Il ait dit a sa damme: « Le congier vous demand
Tant que j’aie estéit a Bourge; et si yrez sejornant,
Car trop seriez laisséz de venir si avant;
29354Au pluxtost que porait m’en yrait repairant. »
Et la damme li donne, maix ceu fuit en plorant.
Guillamme prist congier a sa noble moullier;
Que veyst la royne plorer et larmoier
29358Bien deyst: « Vela damme qui son mary ait chier! »
Et li roy s’an partit droit a ung esclairier;
Avec le roy vont doulx gentis chevalier;
Bien furent d’unne routte ensamble au chevalchier
29362Ne sai de douze ou de trese, de mentir n’a mestier.
De Monlusant issirent san point de l’estargier;
Au chemin se sont mis, c’est pour France approchier
Et le pays de Bourge dont il ont desirier.
29366Ne sai de lour jornee lez gitez applicquier;
Il avallent lez vaulx, si montent maint rochier,
Mainte ville paisserent et maint chaistel plennier;
Tant se vont esploitant, selonc le mien cudier,
29370Que a ung mardit a prime se vinrent habergier
En la citeit de Bourge chiés l’oste Foucquier
Qui lour fist apporter a boire et a mengier
Et tout le millour vin qu’i solt en son cillier.
29374Guillamme le sien oste en prist a esraignier:
« Hoste, pour Dieu de gloire, dite moy san cudier
De qui tient on or ceu noble hiretier
Et la noble citeit qui tant fait a prisier?
29378– Sire, dit li oste, per le corpz saint Richier,
Il y ait trese filz, filz Hermer le guerrier,
A qui Lion nous sire volt la citeit baillier.
Nous sire ait doulx filz qui sont boin chevalier,
29382Allez sont oultremer lez paiens gerroier;
Et li ung dit que jamaix ne verrons repairier,
Et li aultre tesmoingne qu’il sont sain et entier;
Ensi ne savons nous bonnement que cudier!
29386De ravoir l’un dez doulx avons grant mestier,
Car cil anffan Hermer sont si fel et si fier
Ne prisent povre gens vallissant ung denier.
Se ung riche hons ait tort et il vuelt plaidyer,
29390On li fait pour argens son tort au droit changier.
Et c’il est aulcun hons qui ait une mollier,
Quant il en est ung qui vait a yaulz pryer
Et lour donne aulcun don pour yaulz esliessier,
29394Il donnent bien congier d’un aultre fiancier
Et si lez font espozer ens ou benoit moustier;
Se lou prestre en vuelt ne point ne poc groncier,
On li fait la coronne et une main tranchier.
29398Se ung homme ait une fille, s’i la vuelt apairier
A ung jonne donzel qu’i la prengne a mollier,
Quant elle est espozee que vient a l’aneutier,
Au trese filz Hermer le covint envoyer:
29402Trese neut le covient o lez trese couchier,
Et pués li renvoions, n’en ont aultre loyer.
Se li hons en parrolle, il ont grant encombrier.
Et dient qu’i sont tout hoir de ceu rengnier;
29406Lez homme du pays vuellent si maistryer
Que chescun an lour font jurer et fiancier
Hommaige et feuté et lour covient baisier;
Et ont fait la citeit teillement efforcier
29410Et se nulz dez filz Lion le venoit assegier,
A painne a nulz ne lou poroit gaingnier. »
Et quant li roy oyt teille parrolle noncier,
Adont li commansait tout le vis a rougier:
29414Assi vermaulx devint que roze de rozier.
Quant li boin hons le vit ensement rougoyer,
Dont li dit: « Biaulz doulz sire, se Dieu me puist aidier,
Li cuer me dit ou ventre, ne lou vous pués noyer,
29418Que vous me sariez bien mon signour ensignier,
L’un dez filz Lion, Guillame ou Ollivier.
– Oste, dit Guillamme, laissiez vous playdieir!
Il ne vauroient ci ne maille ne denier
29422Pués qu’il y ait tel maistre qui sont si fier. »
« Oste, se dit Guillame, enver moy entandez:
Plux ne vous cellerait, per mon chief, mez secrez:
Je sus le filz Lion, Guillamme sus claméz,
29426J’ai estéz en Pallerne loingtempz enprisonnéz
Per le glous Morandin qui fuit filz Hermer.
Li leire me vandit au Sairaisin dervéz;
Per lui fus faulcement trays et vergondéz. »
29430Quant li oste l’antant, au piez li est alléz;
Doulcement li baisait, maix Guillame li ber
Le dressait vistement, car plain fut de bontez,
De dis et de maintieng, et de biaulz parler.
29434Et li oste s’an est au v[es]inaige alléz,
Et dit a cez voisin: « Signour, vous ne savez?
Le filz Lion de Bourge est ceans ostellér!
Nous droit sire il est, si voir que Dieu fuit nez! »
29438Dont c’est li vesinaige entour li assambléz;
En poc d’oure, signour, fuit li cris levéz,
Car ceu que commun sceit il n’est pas celléz.
A lour droit signour vinrent et fuit moult honnoréz.
29442Ung bourgois de la ville est venus au filz Hermer
Et lour ait dit: « Signour, per Dieu, vous ne savez:
Fuyés vous an de si, nous droit signour est nez;
A l’osteit Fouquier est maintenant ostellés.
29446C’est l’un dez fis Lion, la mer est trepessér;
Tout li homme de Bourge environ de tous lez
Li ont ja lez present noblement apportés. »
Quant li felon l’oyrent, si fuit chescun yréz;
29450Chescun est abaubis et moult desconfortér
Fors li glous Ysacar; si lour ait dit: « Qu’avez?
Trop vous voy san raison ici espouantéz!
De tout lez filz Lion n’i aconte doulx dez.
29454Ne fuit pas dont de nous temps le cor estoréz
Que ne lou sonneroit nulz hons de mere neis?
Allons li faire feste, couvenir m’en lairez:
Se je ne vous en ay ains qu’i soit avesprer
29458Delivrér nettement, jamaix ne me creés.
Ja sus je bon traytre, ains ne fuit tel:
Je sai de trayson et de grant faulceteit
Tout lez point que y sont; je lez ai seelléz
29462En mon cuer propprement! Je sus si aviséz
Qui m’en vient plux devant que je n’en vuelz assez! »
« Signour, dit Ysacart, ne vous en doutez mie:
Bien sai u li dez pent, la cause ait gaingnie;
29466Or me laissiez aller, pour Dieu je vous en prie!
Venez en avec moy, si faisons chiere lie,
Car [qui] cante souvent en la plaice jollie
N’ait plux dollant de li, il avient a la fie;
29470Car force paist le pré et besoing nous maistrie…
Et d’aviser comment cilz chevalier n’ait mie
En la citeit de Bourge sur nous la signorie,
Car nous avons tant fait de mal et de follie,
29474Se au dezoure il en vient, il n’est rien de nous vie,
Car nous ne lour portons ne honnour ne cortoisie… »
Du palais ilz se departirent
Et pour aller vers luy [Guillaume] partirent
29478Ou estoit en l’hostel Foucher,
Lequel Guillame tenoit cher.
Mais quant il sceut que la venoient
Les filz Hermer et parvenoient
29482Desja de aprocher son hostel,
Ledit Foucher ne fust otel
De se tenir en sa maison;
Et aussy il avoit raison,
29486Car si en l’heure on l’eust peu prendre
Sans atarger on l’eust faict pendre
Pour l’amour qu’il avoit celé
Ledit Guillame et recelé
29490Aux treze freres capitaux
De Bourges remplis de tous maulx.
Cesditz treze freres venuz
Devant Guillame et parvenuz,
29494Chacun luy fist bien grant honneur;
Et puis Ysacar le grigneur
Pour eux tous entra en parolle
Lequel a Guillame il recolle
29498Par une faintive maniere
Qu’ilz avoient grant joie et planiere
Du bien qu’il leur est advenu
Qu’il est dedens Bourges venu,
29502Moiennant qu’il fust bien prouvé
Et pour verité aprouvé
Qu’il fust vray enfant legitime
De Lyon sans maulvais estime
29506Avoir de luy
qu’il ne fust tel.
Et eux sortis de cest hostel
Si la verité est congneue
Qu’il soit ainsi chose incongneue
29510Ne luy sera ny bas ny hault
Sans estimer ce qu’elle vault
Que [ma]intenant on ne luy baille.
Et jusque a la derniere maille
29514On luy rendra bon vray compte
De tout ce que le denié monte
Qu’il ont recçu de la duché
Parquoy le tout bien epeluché.
29518Quant Guillame le oit parler,
Disant qu’ilz ne voulloient aller
Que le bon chemin nullement,
Les remercia humblement
29522De leur tres noble courtoisie
Et dit qu’il a grant fantasie
De leur faire des biens assez
Mais aussi qu’ilz ne soient lassez
29526De le servir comme devant
Et ainsi que faict bon servant
Son maistre de franc cueur entier.
Se vous frere m’ait fait annoy per sa follie,
29530A vous n’en vuelz moustrer nezune felonnie,
Car je lou vous perdont per le corpz saint Elie;
Ja pranderait de vous a la chevaillerie
Et selonc voustre estet vous ferait cortoisie.
29534– Sire, dit Ysacart, droit est que vous en mercie.
Maix je vous prie, biaul sire, que il ne vous ennue
De ceu que vous dirait devant ceste maignie.
Il m’ait estéit requis de la grant baronnie
29538Pour ceu c’oncque maix en jour de lour vie
Ne virent voustre corpz, chescun si vous supplie
Que le corpz de miraicle qui tant ait signorie
Que vous perre jaidis sonnait per sa maistrie,
29542Que le vuelliez sonner. Se la voix est oye
Adont vous servirait chescun a chiere lie
Et feront vous volloir et voustre commandie.
– Signour, dit Guillamme, et mez corpz s’i otrie. »
29546Dont montait ou pallais et toute la clergie
A grant porchession chantant la letanie.
Si vont quere le cor deden la tresorie
Et si l’ont apportér ou pallais qui flambie;
29550Li olliffant li baille et dit per signorie:
« Sire, veci le cor ou vertut multiplie.
Se vous estez du sang et de la grant lignie
Au gentis duc Lion qui perdue ait la vie,
29554Briefment le sonnerez, je ne m’en doubte mie. »
Et Guillamme le prist, si ait sa main dressie,
De Dieu et de sa mere se singne et begnie,
A sa bouche le mist si que point ne l’oblie.
29558Guillamme li gentis ait prins le cor briefment,
A sa bouche le mist tost et haitivement;
Pour sonner se penait et souffla grandement,
Maix n’en getait ung son pour tout l’or d’Orient.
29562Quant Guillame persoit ne pouoit sonner niant,
Oncque maix en sa vie n’ot le cuer si dollant;
Il se painne et travelle du sonner raidement,
Si grant painne y ait mis a ceu commancement
29566Que une vainne li rompit ens ou corpz proprement.
La fuit a si grant meschief et a si grant torment,
Dez yeulx de son chief vait plorant tanrement;
Dit a l’officialz: « Tenés, reportez l’en,
29570Je ne lou sonneroie pour plain ung valz d’ergens. »
Et Ysacar parlait et ait dit haultement,
Et dit: « Signour baron, il apperrt clerement
Que cil chevalier vient embler faulcement
29574L’esritaige Lion et cez filz ensement.
Je vous prie et requier que en faite jugement! »
Dont sont tant esbaihis avironneement
Et ne sceit que dire. Guillamme au corpz gens
29578A dit: « Signour baron, entandez mon tallant:
Je sus le fiz Lion, on le sceit vraiement!
Et si m’ait donnér, voir, ceu riche chaissement
Que je n’i fuisse pas venus aultrement;
29582Et s’ais ancor ung frere qui moult ait herdement,
C’est Ollivier de Burs au fier contennement;
Il est oultre la mer sus la paienne gens.
Ne me faite morir n’ensi ne aultrement,
29586Car jamaix n’en ariez pais ne acordement.
– Per foid, dit Ysacars, il y perrt mallement
Que soiez filz Lion ou noblesse conprant:
Que je dit per devant tous pués qu’il est ensement
29590Que ne pouez sonner le cor parfaitement:
Pais n’estez du droit sang ne de l’engenrement
Au duc Lion de Bourge qui ait prins finement!
Maix Lion fuit filz Herpin propprement,
29594Car il sonnait le cor et bien et haultement;
Quant ne l’avez sonnér vous vollez maisement
Desherriteir aultrui per vous fol errement.
Digne estez de mort, veci mon jugement;
29598Et tout vous compaingnon seront pandut au vent. »
Et quant Guillamme l’ot, s’an ot le cuer dollant;
Lez chevalier regarde assez piteusement,
Plussour en ont pitiet et dient quoiement;
29602« Je ne sai que c’est ci, per Dieu omnipotent,
Mais ci frans chevalier cy ressamble propprement
Le duc Lion de Bourge si bien certennement
Que nous n’i sariens faire nulz amandement. »
29606Adont furent d’acord trestout communalment
Que en prison le tanront tant et si longuement
Que de ceu fait icy saront le couvenant.
Li chevalier se sont tout ansamble acordér
29610Que Guillamme aront leans enprisonnér
Tant qu’il aront cognut tout le sien parrantez
Et qu’il saront l’estet de li et de son rengnez.
De ceu sont li bourgois moult tres bien avisér;
29614A Ysacar ont dit, n’i ont arestéir,
Et a trestout lez frere qui la sont assamblér:
« Signour, dient li baron, nous avons avisér
Que pour ceu que entre nous ne soions atrappér
29618Et que ne puissons faire nezune laicheteit,
Nous avons ceu vaissalz en prison avallér
Tant qu’il arait, signour, son aquit bien trouvér.
Et se pouons savoir de li la veriteit
29622Qu’il ait perre ne mere en estrainge rengnez,
Nous en ferons justice comme d’un lairon prouvéz;
Maix espoir il avient en mainte roialteit
Que quant ung proudom ait sa mollier espozér
29626Que en li cude moult bien filz avoir engenrér,
Que c’elle en volloit dire toute la veriteit
Que lou prestre li donroit que ne l’an saroit grez;
Espoir Lion de Bourge a qui estoit la duché
29630Si ot une moullier plainne de grant biaulteit,
Pais ne jut avec lie tous lez jour de son aiez,
Et se elle se meffit elle fit folleteit.
Maix femme mariee puet faire tout son grez,
29634Car tout ceu qu’elle aporte ait son marit donnér. »
Quant Guillame l’entant, pres ait le sens dervez,
Dont dit a haulte voix: « Fel traytour prouvéz,
Sus ma mere ne dite sifaite malvistez,
29638Car n’ot si bonne damme en nulle roialteit!
Se sus li filz Lion, se vous l’aviez jurér,
Maix vous m’avés trays, j’an voy le fait prouvér:
Vous m’avés per mallice ci ung cor apportér;
29642Espoir c’on l’ait changiér et si mal atornér
Que jamaix hons vivans ne l’averait sonnér. »
Et quant li frere oyrent Guillamme le doutéz,
Sur li ont corrus, maint cop li ont donnér.
29646Per le mien ensiant ja l’eussent tués
Se li baron ne fuissent qui bien l’en ont gardér.
En une prison l’ont erramment enfermér;
Et quant Foucquier li oste ait tout ceu avisér,
29650Il dit a soy meysme: « Me veci atrappér!
Cilz lairon deputaire me saront mal grez
De ceu que sifait homme averait ostellér,
Et de ceu que l’avoie si forment honnorér.
29654Il m’aront en mon lit pris et amenér
Et si me feront pandre tout a lour vollanteit.
Je ne pués demourer jamaix en ceu rengnez. »
Il vint a son hosteit, s’ait son avoir trosséz;
29658Quoiement issit per neut de la citeit;
Il dobvoit mille livrez per deden l’essreteit
Que tout furent paiéit a ung maitin levér.
Or est en la prison Guillamme li gentis,
29662Et tout cez compaingnon y furent aussi pris,
Fors ung tout seulz garson qui bien s’an est fuys.
Guillamme fuit dollant, corrouciéz et pancis;
Il ait dit a cez homme: « Signour, je sus trays;
29666Per le glous Morandin me vient tout cez anuis:
Il ont changiér le cor, li baron du pays,
Et li faulz traytre en ont lour conseille pris.
De vous forment m’anoie, car je vous ai ci mis;
29670Maix quant il plairait Dieu le Roy de parraidis,
Moult bien lour en serait li gerrandon meris!
A, Gracienne, damme blanche come flour de llis,
Or vous serait li tempz changiér et alaidis!
29674Certe, se poize moy qu’ansement sus soupris,
Maix pués que Dieu le vuelt, rien n’i valt li estris. »
Tanrement vait plorant dez biaulz yeulz de son vis.
Ensement fuit Guillamme deden la prison mis;
29678Jamaix n’en isterait nulz tempz, je lou vous dis,
Devant ceu que Lion li chevalier herdis
Et le Blanc Chevalier aideront le merchis,
Et li ber Ollivier que ancor n’i est revertis
29682D’oultre la Rouge Mer. Maix li ber postays
Venoit naigant per la mer come preus et gentis
Avec cez baron, cez chevalier de pris;
En Sebille la grant s’arivait, se m’est avis,
29686Et la montait sus terre, en Espaingne c’est mis.
Li boin roy Ollivier est en Espaingne entréz
Avec cez baron et cez prince quaisséz.
Il chevalchent le mont, lez vault sont alléz;
29690Tant allait Ollivier li frans roy coronnér
Que a ung bras de mer vint, si est deden entréz
Et naigait teillement Ollivier li doubtéz
Que tout droit a Caffaut est li roy arivér;
29694C’estoit ung sien chaistel dessus la mer fondéz.
Et la estoit Elie li vaicquier honnoréz.
Sa femme Bietris y fuit, c’est fine veriteit,
Car li chaistialz lour fuit ottroiér et donnér
29698Per le roy Ollivier et toute l’ireteit.
Encontre le roy vinrent que la fuit arivér;
La damme li fist feste et le baisait assez,
Et li ait dit: « Biaulz filz, bien soiez retornés!
29702– Sire, dit Ollivier, et que fait li santeit?
– Sire, elle le fait bien, dit li proudom loéz,
Tousjour beni l’oure, et Dieu en soit louéz,
Quant vous futez es boix per my trouvér,
29706Car jou en boi bien souvent boin vin et boin clarez,
Et si ne sus point, sire, d’estre au sollail hailés.
– Certe ceu vuel ge! dit li roy naturéz;
S’i vous fault rien, si lou demandez.
29710Et vous, damme loialz, pour Dieu qui fuit penéz,
Je vous prie pour Dieu que vous faiciez vous grez. »
Ensement dit li roy que la c’est arestés.
Sus une fenestre de marbre vit en la mer une nés
29714Que fort venoit naigant, se dit l’auctoriteit;
Dit a son chamberlan: « Amis, car en allez
Savoir qu’est en la barge que venir veés. »
Et cil ait responduit: « Si soit com vous vollez! »
29718Il est venus au port que ne s’i est arestéz.
Li neif est arestee, si comme dire m’oés;
Adont li chamberlan est per deden entréz;
Une pucelle y vit u grande est li biaulteit;
29722Quant il vit la pucelle, le sang li est muéz,
Car c’estoit la plus belle, se dit l’auctoriteit,
C’oncque maix ot veue en jour de son aiez.
De ceu fuit en son cuer durement ayrés,
29726Car n’avoit c’unne main, c’est fine veriteit.
Signour, ceste pucelle dont vous oyr avéz,
C’est la belle Jouueuse, ja ne vous en dobtez,
Fille du roy de Cipre dont bon est li rennez;
29730Vous avez bien oyr et il est veriteit
Qu’elle tranchait sa main, li fait en est prouvéz,
Et pour lui descognoistre que n’en feyst cez grez
Cez perre li roy. Se fuit grant loialteit;
29734S’an souffrit la pucelle dez painne et dez grietez
Plux que n’en souffrit damme pués que Dieu fuit nez.
La damme est ou challant, Thiery si fuit delez;
La damme repairoit de son noble yreteit
29738Et du pays de Cipre ou li riche barnez
Liement donne dont, avoir et richeteit,
Richesse et joyaulz et denier monnoiéz.
Si revenoit la damme, c’est fine veriteit,
29742Pour ceu que ne s’ozoit tenir en cez rengnez.
Dela la haulte mer ou cez corpz fuit nez
S’avint per avanture dont il avient assez
Que au chaistel de Caffault qui fuit groz et quarréz
29746S’arivait la pucelle et Thiery li louuéz.
Li chamberlain au roy lez regardait assez,
Et pués ysnellement est arier retornér;
Ou chaistel de Caffaut est vitement montéz;
29750Ou qu’il voit son signour a li c’est arestéz,
Et li ait dit: « Signour, faite paix, si m’entandez! »
A dit li chamberlant: « Riche roy, or antant:
En la neif la desous qui a ton port dessent
29754I ait une pucelle qui moult ait le cuer gens;
Oncque ne vi plux belle, per le mien serement.
Elle est doulce et riant, belle et blanche ensement,
Graicieuse et plaisant, tous li sien corpz resplent
29758De la grande biaulteit que le sien corpz comprant;
Maix de ceu ait le cuer corrouciér et dollant
Qu’elle n’ait c’unne main, ceu vous ai ge en couvent. »
Et quant li roy l’oyt, san nul arestement
29762Est avallér aval; jus du chaistel descent.
Il est venus au port, ver la neif sa voie prent;
En la neif est entréz li roy cortoisement
Et regarde Joieuse en qui biaulteit c’estant.
29766Tant la vit belle et doulce que amour le soprant
Qu’il ne sceit que dire, ne il n’oit ne antant.
Ung poc c’est arestéz li roy que tant despent,
Et pués ver la pucelle s’an vait ysnellement,
29770Et dist: « Cil Dammedieu qui fist le firmament,
Il vous gairisse, damme, de mal et de torment,
Et voustre compaingnie avironneement.
– Sire, dit la pucelle, Dieu a qui tout appant
29774Si vous vuelle garder cuer et corpz ensement.
– Belle, dit Ollivier, ne me cellez niant:
Pour Dieu, dont estez vous ne de quelz tennement?
– Sire, dit la pucelle, jou vous dirait briefment:
29778Je sus nee de Rode, en ysle droitement
Fus je nee et norie, fille d’un pescheour Climent
Que l’autrier fuit noiéz en mer piteusement;
Et je fus pres noiéz aussi certennement,
29782Maix je reclamait Dieu le Perre omnipotant
Et le baron saint Jaicque a qui j’eus couvent,
Et je lou requerroie, si vous dit vraiement…
Que je trouvait en mer meurdrous et malle gens
29786Qui violler me volrent et faire lour tallant,
Et je me deffandait encontre yaulz fierement;
Ceste main me trancherent per lour efforcement
Dont j’ai loingtempz estéz mallaide durement;
29790S’an sus du tout sanés, dont liez sus durement.
– Comment vous appell’on? dit li roy vistement.
– J’ai a nom Trestouze ens ou mien tennement.
– Pucelle, dit li roy, per amour venez en
29794Laissus en mon chaistel, s’i vous vient en tallant.
A neut vous presterait voustre herbergement
Et vous donra a vous et a vous gens
Que jai ne paierez ung soul denier d’ergens.
29798– Sire, dit la pucelle, je n’en ais nulz tallant;
Je volrait cheminer, se Dieu plait, plus avant,
Car com plux s’avans’on, je lou sai vraiement,
Plux aproch’on le lieu la ou vait desirant.
29802– Per Dieu, s’ai dit li roy, a qui li monde appant,
Vous venrez en ma court ceste neut soullement! »
Vuelle [la] belle ou nom, en fist otriement;
Ne se puet excuser ainsi ne aultrement.
29806Ou chaistel est montee et Thiery ensement;
Li roy tenoit la belle et conduit doulcement.
Graice, eur et plaisance, souffisance ensement,
Vollanteit et dezir le conduisent tellement
29810Qu’Amour per sa vertu l’ait mis ou santement
Qu’il n’ot cuer ne avis, plaisance ne tallant,
Fors d’avoir en son cuer ung si douz pansement;
Qu’il li estoit avis en son cuer propprement
29814Que c’il avoit la belle a son commendement
Qu’i n’aroit plus riche home en tout le firmament.
Plux vollantier li baisait la bouche atous lez dent
Que ne beut clarez, rochelle ne puyment.
29818Ces yeulz n’en pot oster, ainsois li lance et li tent,
Et getoit griez soupirs en disant doucement:
« Vrai Dieu, qu’esse ci, Vierge, a qui le monde appant?
Oncque maix en ma vie n’amait si loialment
29822Se ceu n’ait estéit, voir, au jour d’ui soullement. »
Or fuit li roy soupris de la graice d’Amour;
La pucelle condut lassus en sa tour
Qui estoit aussi blanche qu’est dessus l’abre la flour
29826Et aussi colloree environ et entour
Comme roze de rosier; si fuit de bel atour:
Li yeulx furent vairs comme ung faulcon muour,
S’ot la bouche riant et petite de tour.
29830Et li roy le regardait, qui estoit plain d’ardour;
Dezir et vollanteit l’ont mis en tenebrour
Et li font pour la belle endurer tel challour
Qu’il li estoit avis en son sens le millour
29834Que c’il peust baisier la pucelle d’onnour
Qu’il n’eust en ceu monde de lui plus grant signour,
Car Amour le maistrie et per ung arc atour
Li ait trait ung quarelz enpennéz per vigour
29838Qui au cuer l’ait point si que per la salvour…
De boire et de mengier et de toute labour
Fors de pencer adez ou service d’Amour;
Et met tout cez travalx en voie de dollour,
29842Car qui aimme de cuer, si penser sont grignour
Que de celi qui n’ait d’Amour nulle baudour;
Teille gens tiennent rude ynnorant li plussour.
D’Ollivier vous dirait a la freche collour:
29846Il ait prins la pucelle qui tant savoit d’onnour,
Au fenestre le mayne dever Inde la majour,
Et pués l’araisonnait comme le serf d’Amour.
Li roy en appellait Joieuse la pucelle,
29850Et li dit en oiant: « Vous me samblez si belle
Que je ne sai ou monde si riche damoiselle
Que je ne volroie mie, si m’ayst Dieu, donzelle,
Que me donnaist s’amour et j’oysse nouvelle
29854Que m’amie fuissiez, car le cuer me sautelle
Et sent pour voustre amour une teille estincelle,
Se vous ne l’estaindez m’est li mort nouvelle;
Ne trestout li boin mire qui sont jusqu’a Nivelle
29858Ne me pue[n]t gairir, se vous « Chair » ne m’appelle.
Amie, en bonne foid je vous dit ma querelle;
Pour ceu ne me soiez estrainge damoiselle,
Car s’amer me vollez pour la mien ancelle
29862Que Jhesu alaitait de sa doulce memelle,
Royne vous ferait d’Espaingne et de Caistelle
Et de Sezille aussi; or me soiez loielle!
– Sire, dit la royne, je sus povre baiselle,
29866Fille d’un pescheour; ne m’affiert tel cautelle.
Pour Dieu, ne me gaibez, n’ai soing que ceu vuelle! »
« Sire, dit la pucelle, or me laissiez ester!
Se en voustre pays sus, si me laissiez paisser
29870Bien et paisiblement, s’an serés a louer.
Je ne sus mie femme pour tel roy gouverner,
Mes estet n’apartient que je y doie pancer;
Bien me poués, biaulz sire, per force violler
29874Et faire de mon corpz vo cuer et vo pancer,
Maix se je m’i acorde, Dieu me puist crevanter;
Pour or ne pour argens c’on me saiche donner
Ne lairait le mien corpz a nul homme habiter!
29878– Belle, dit li roy, or n’i vuelliez pencer
Que voudroie malgrez vous a vous habiter;
Maix c’il vous plaisoit de voustre amour donner
A moy en tel estet que m’orez deviser,
29882Ja ne vuel avec vous dormir ne reposer
Tant que je vous arait a mollier et a per
Et que fait vous averait la coronne porter,
D’Espaingne et de Sezille toute dame clamer.
29886– Sire, dit la pucelle, que diroient vo per,
Vo conte et vous baron qu’avez a gouverner,
Se une teille meschine volliez or espozer?
Povre sus, effollee; je ne me pués conforter.
29890– Amie, dit li roy, tout ceu laissiez ester.
Je n’aconte ung bouton a quant qu’i puent conter,
Maix que vous me vuelliez voustre amour presenter
Et prandre a vous signour; plux ne vuel demander.
29894– Sire, s’ai dit Joieuse, per le cor saint Omer,
Je seroie oultrageuse de telz dont reffuser.
En vous comment me met; or me vuelliez garder,
Car je ne sai comment de mi vollez ouvrer
29898Se met le cuer et corpz et arme et le pancer
En la voustre franchisse, soit pour my honnorer
Ou pour moy amanrir ou pour mon honnour gaiter,
Car je ne pués, biaulz sire, contre vous estriver. »
29902Et quant li roy l’oyt si doulcement parler,
Adont entre cez bras la prist a escoller;
En la bouche la baise, qu’i ne s’an pot cesser,
Et pués ait fait ung avesque ysnellement mander,
29906Et li roy li ait dit a sa voix hault et cler:
« Sire, s’ai dit li roy, vuelliez moy escouter:
Veci une pucelle que je vuelz affyer
Et demain au maitin la volrait espozer. »
29910Adont li arcevesque la prist a regarder,
Pués dit au gentis roy: « Vuelliez vous aviser
Et si ne faite chose dont on vous puist blafmer! »
Et li roy li ait dit: « Laissiez vous sermonner,
29914Car ceu que je vuelz faire ne doit on reffuser.
Roy sus de ceste terre, si l’ais a gouverner;
Ne pués je pas dont femme a mon grez espouser?
Je le vuel ensi faire san point de l’arester. »
29918Et dit li arcevesque: « Plux n’en veul mot sonner. »
Adont lez vait briefment entre yaulz doulx affyer.
Li roy li ait dit: « Damme, entandez mon pancer:
Je vous jure sur Dieu qui tout ait a sauver
29922Que demain au maitin au point de l’ajorner
Volrait loialment voustre corpz espouzer;
Tant que soiez en vie n’arait a pocesser
Aultre damme que vous, se Dieu me puist sauver. »
29926Et celle li ait vollantier ceu acordér.
« Damme, s’ai dit li avesque, Dieu vous fist ariver
En yceste partie au lez desa la mer,
En monde certe ne poiés muelx assener.
29930– Sire, dit la pucelle, je ne doie reffuzer
Boin eur quant Jhesu le me vuelt presenter. »
Ensi dit la royne que vous m’oiez conter,
Maix tel cude a la foid moult trez bien merchander
29934Et a sa marchandise grossement proffiter
Que assez y perdoit quant se venoit au conter;
Ensi fuit de la damme dont vous m’oez parler.
Li roy fist ou pallais et tresquier et danser,
29938Cez viellour venir et cez trompe sonner,
La menestraderie en joie tant uzer.
Maix la belle Bietrix qu’Ollivier vot warder
Ou boix la ou solloit cez vaiche ramener,
29942Quant Bietrix oyt l’avanture conter
Que Ollivier se volloit ensement marieir
A une povre femme qui vint permey la mer,
Adont li commansait tout li sang a muer.
29946Quant Bietris oyt et dire et retraitier
Que lou roy prenoit une teille mollier,
Adont li commansait forment a annoyer,
Et dit tout bellement: « A quoy panse Ollivier
29950Que a une teille femme il se vuelt aloyer,
Ne qui ne saroit mie de quoy son pain tranchier?
Helais, come il se perrt bien, bien m’en doit annoyer!
Maix per Jhesu de gloire, se je pués esploitier,
29954Jai ne l’espozerait: trop ait cuer de lanier! »
Joyeuse fait mander san point de l’estargier;
En sa chambre l’aissit dessus ung orillier
Et pués li commansait tantost a araingnier,
29958Et li dit: « Povre femme, Dieu te dont encombrier!
Comment ais tu le cuer oultrageux et si fier
Que tu cudez avoir ung si noble princier
Que le roy d’Espaingne que fait tant a prisier?
29962Moult estez nipce et folle, le cuer avez lanier
Que cudiez joyr tout a vous dezirier!
Ceu ne puet avenir, car ains ung an anthier
Serait tainés de vous, n’en ferait que mocquier,
29966Et si ne daingnerait avec vous couchier.
Il vous ferait ardoir ou en yauwe noyer.
Trop estez folle et nice, per Dieu le droiturier!
Boin consoil vous donrait pour vous a concillier:
29970Allez vous an de ci ja aprés l’aneutier
Que jamaix ne vous voie! Vous ferait convoyer
Tant qu’an estrainge terre porés amennaigier.
Et se vous ne lou faite, per Dieu le droiturier,
29974Je vous pourchesserait si mortel encombrier
Que ardoir vous ferait qui qu’en doie annoyer!
Ains yroie per tout en mez livre waitier
Que je n’i trueve chose pour vous faire encombrier. »
29978Quant Joieuse l’antant, en li n’ot que corroucier;
Dammedieu reclamait qui tout ait a jugier,
Et dit: « Vrai Dieu de gloire qui pour nous tous aidier
Presis char et sang en la noble moullier
29982Et moruit en la croix pour nous oster d’infier,
Je vous prie merci de vray cuer et d’antier. »
« Vray Dieu, dit la pucelle, qui le monde estora
Et pués fezis Adam et de terre le creait,
29986Et de sa destre coste Eve pués getait,
Ton parraidis terrestre tu lour abandonna
Fors ung tout seul pumier que tu lour deveas;
Mais Adam en mengait, se fuit li Satanas.
29990Vray Dieu, pour ceu forfait si desous t’aombra
En la Vierge Marie, nuef moix t’i reposait
Et pour nous raicheter cruelle mort endura,
Maix pués a trois jour de mort ressusitait.
29994Sire, si comme c’est voir et que lou croy san gas,
Si me vuelliez aidier, si ne me faillez pas.
Ceste vielle malvaise me tient entre cez las
Et me vait menessant. Chaitive, que ferait?
29998Et la vielle li dit: « Ne t’an yrais tu pas!
Per celui Dieu de gloire qui sauvas saint Jonas,
Se plux demoure ci tu t’en repentiras! »
Et celle ploure fort et pués dresse cez bras,
30002Et dit: « Damme, pour Dieu ne te corrouciez pas,
Car enneut m’enfuyrait toute nue et san drapz. »
« Damme, se dit Joieuse la pucelle senee,
Or ne m’en tanciez pas per la Vierge honnoree.
30006Saichiez, je m’enfuyrait tout droit a l’avespree
Que jamaix si avalz ne serait maix trouvee. »
Dont ploure tanrement, c’est cheue pasmee.
Atant est venus li roy a qui proesse agree;
30010Quant il vit la pucelle ensement adollee,
Entre cez bras la prist, estroite l’ait escollee;
Et li roy li demandait pour quoy est ensi demenee,
Et elle li ait lors la besoingne contee
30014Et comment per la vielle ot estéz aparlee.
Et quant li roy l’antant, mie ne li agree;
A Bietrix ait dit: « Ne soiez si ozee
Qu’a ceste damme ci vous meffaiciez rien nee,
30018Car se plux s’an plaint, mal estez arivee!
Je ne sai homme nul tant que terre ait duree
Que c’il li meffaisoit une pomme pellee
Que la crueuse desserte ne li fuist livree.
30022Maix taisiez vous bientost, si ne l’aiez blafmee,
Car dont qu’elle soit, sou est m’espozee;
Demain l’espozerait droit a la maitinee.
Atant qu’elle vive de mon corpz n’ert faussee!
30026– Sire, dit Bietrix, s’an ait ma chiere yree,
Car vous en avez, voir, povre destinee
Quant vous espouzerés une povre trouvee;
Maix pués qu’il vous plait, c’est droit qu’i m’agree. »
30030Et li roy Ollivier n’i ait fait arestee;
L’ondemain au maitin ait la damme espozee,
Oncque maix en ceu siecle n’ot tel feste ordonnee
Que le roy ordonnait pour sa damme loee.
30034Une joste moult belle y fuit ceu jour cryee,
La ou cent chevalier jousterent la jornee.
Li roy tint court planiere, servie et conree;
Il furent lez bonne gens de tout bien rassausee,
30038Et au vespre couchait avec s’apousee;
Ung hoir y angenrait de grande renommee
Qui ot a nom Herpin de Bourge l’onnoree,
Qui a Gouffroy fut oultre la mer sallee.
30042Celle neut fuit li roy liez et joiant forment
Avec sa mollier qui tant ot le corpz gens;
Ung hoir engenrait qui moult ot herdement:
Il ot a nom Herpin, se l’istoire ne ment.
30046Li roy mainne sa joie et elle lou consent.
L’ondemain se levait li roy ysnellement,
Au moustier vait oyr la messe doucement;
La feste ranforsait et durait longuement.
30050Li roy amait sa damme de boin cuer loialment.
Et droit au chief d’un moix, se l’istoire ne ment,
Atant est Gracienne qui au peron descent,
La femme au roy Guillame qui ot le cuer dollant
30054Per deden la prison assez et longuement.
La dame ens ou pallais monta moult simplement.
Devant le roy s’an vint o sa privee gens;
Devant le riche roy en vint piteusement,
30058De Dieu li salluait a qui li monde appant;
A genous se getait, plorait piteusement;
Et li roy le dressait que li dit humblement:
« Damme, bien viengniez vous en voustre chaissement!
30062Pour Dieu, dont estez vous? Ne lou me cellez niant.
– Sire, dit la royne, or oiez mon tallant:
Femme sus de vous frere qui tant ait herdement,
Guillamme de Pallerne a qui va mallement. »
30066Et quant li roy l’oyt, entre cez bras la prant,
Doucement l’acollait, pués li dit haultement:
« Damme, pour Dieu vous prie qui fist le firmament:
Dite moy veriteit de mon frere briefment;
30070On me dit qu’il est entre paienne gens.
– Sire, dit la royne, il fuit pris vraiement
Per le roy Signagon et trays faulcement
Fuit il de Morandin; si vous dirait comment:
30074A mon oncle vandit la crestienne gens
Et delivrait la citeit mallicieusement,
Car a son droit signour avoit en couvenant
Qu’a lui m’envoieroient et menroient liement,
30078Car avoir me volloit en droit mariement.
Et li glous fist armer des Sairaisin maint cent;
S’antrerent en Pallerne si efforciement
Qu’il orent la citeit a lour commandement
30082Et le roy en prison mis villainnement.
Jou qui estoie niepce Signagon propprement
Lou getait de prison de mourable tallant,
Et venimmes a Romme au bon pappe Clement,
30086 Et la prins en vous loy le saint baptisement;
La m’espozait li roy que j’ayme parfaitement. »
« Sire, quant li boin roy m’ot prise a mollier,
En Sezille venimme, voustre pays plennier,
30090 Maix, vous n’i estiez mie, per Dieu le droiturier.
Mes sire, qui avoit au cuer grant desirier
Qui a Signagon puist son dapmaige vengier,
Dit qu’il yroit a Bourge son noble hiretier
30094Et que cez gens feroit illuec apparrillier
Pour aller a Pallerne dont li mur sont planier.
Maix a Bourge trouva ung encontre moult fier:
Li frere Morandin qui sont tous lozangier
30098L’ont fait metre en la chartre ou poc ont a mangier;
La andure grant painne et mortel destorbier.
Si sus venus a vous ceste affaire noncier
Pour ceu que ne devés amer ne tenir chier
30102 Tous ciaul qu’a voustre frere ont pourchessiér encombrier,
Si que pour Dieu merci je vous prie et requier
Que vous me delivrez mon signour droiturier,
Voustre frere germain Guillamme le princier. »
30106 Et quant li roy oyt la chose desclairier,
De la pitiet en prist forment a larmoyer,
Et dit: « Frere Guillame, moult me doit annoyer
De ceu que en sifait point vous voy travilliér.
30110 Jai a Dieu ne plaisse qui tout a a jugier
Que je areste jamaix ne ester ne yvier
Tant que vous raverait tout a mon desirier! »
La royne honnorait et fist bien festyer,
30114 Et pués fist aprester briefment maint messaigier
Et assambler cez homme et avant et arier;
Tant assamblait de gens li boin roy Ollivier
Qu’i furent bien per nombre soissante et cinc millier
30118 De bonne gens herdie armér sus le destrier.
Li boin roy Ollivier fist cez gens assambler
Pour aller le sien frere de prison delivrer.
Il vint a sa mollier qui le viaire ot cler.;
30122« Damme, s’ai dit li roy, il m’en covanrait aller
Pour mon frere aidier a qui je ne doie faulcer.
Je vous prie pour Dieu que fist cielz et mer,
Quant Dieu vous arait fait d’aulcun hoir delivrer
30126Tost et ysnellement le me faiciez mander. »
Et la damme respont: « Ceu fait a creanter. »
Adont la vait li roy baisier et escoller;
Gracienne la damme en prist a appeller:
30130« Damme, s’ai dit li roy, vuelliez ci demorer
Et avec ma moullier ci androit sejorner
Tant que j’arait ma grant guerre fait et achevér
Et delivrér celi que vous douvez amer. »
30134Et la damme respont a sa voix halt et cler,
Et dit: « Sire, pour Dieu, laissiez moy o vous aller,
Car nous faulz ennemmi volrait dou tous grever
Et dessus le chevalz me volrait armer,
30138Tenir la lance ou pung et l’escut acoller
Et en la grant baitaille mon corpz avanturer
Tant que celi rarait que tant doie dezireir. »
Et quant li roy l’oyt, dont prist a souspirer;
30142En pitiet commansait la damme a regarder.
La neut jeut o sa damme qui tant fist a louer
Et se penait forment de lui a honnorer,
Et li dit: « Doulce amie, vuelliez de vous penser;
30146De maitin m’en yrait droit a l’ajorner,
Et sé vous la ensainte, c’est ligier a prouver.
L’oir que Dieu vous envoie, si lou faite lever…
Me mandez, s’i vous plait, s’on me puet awarder;
30150Se li vuelliez, ma damme, Herpin nom donner
En l’onnour mon taion qui tant fist a louer;
Et se c’est une fille, je vous prie san faulcer
Metés lui [nom] sifait que vous volrez merler. »
30154Ensement dit li roy que vous m’oés conter;
Maix la damme portait au vray considerer
Ung filz moult souffisant qui fist moult a doubter
Et qui moult ot de mal et de painne a porter,
30158Car pués la mort son perre le volt deshireter
Ung bastard qui en Espaingne vot en ce tempz rengner:
Le baistard de Carcaige le puet on appeller,
Ceu fuit filz Anseys qu’Espaingne ot a warder:
30162En la fille Ysorez le volt il angenrer,
Car bien avez oyr et dire et recorder
Qu’Anseys de Carcaige qui fist tant a doubter
Mandait per Ysorez femme pour espozer
30166Au roy Marcillion sa fille au vis cler.
Et entre ceu que allait son messaige conter
Volt la fille Ysorez Anseys tant amer
Qu’avec li allait dormir et repozer;
30170Roy fist malgrez li son corpz a li habiter;
La androit volt li roy ung bastard engenrer,
Et fuit li plux crueux dont on saiche parler.
Mais ains Ollivier n’ot cuer de li grever;
30174Nonporquant cis bastard y vot souvent penser.
Si vous dirait pour quoy il y volt arguer:
Vous avez bien oyr et dire et recorder
Que li rois Ollivier volt a femme espozer
30178La fille Anseis qu’asseztost pot finer;
Oncque n’en remeist hoir, c’est ligier a prouver,
Et s’avoit Ollivier la terre a gouverner;
Pour le bien et l’onnour dont il se volt merler
30182Et pour ceu qu’il se fist dez halt baron amer
L’en laisserent joyr li demainne et li per,
Car ains li roy ne volt grant tresor amaisser;
Ains le volt tout adez despartir et donner.
30186De li en amandoient li gentis baicheler,
Li prince et li baron, li demainne et li per;
Tant lour donnoit dou sien c’on ne lou volt disposer
De la terre d’Espaingne, ains allerent viser.
30190Pués que signour avoient qui tant fait a louuer,
Follie il feront a malvais remuer,
Et pour ceu li bastard ne s’an osait vanter
Ne lou roy Ollivier ne volt oncque grever.
30194Ici baistard avoit Connimbre a warder,
Car se fuit Ysorez le vaillant baicheller
Que Jhesu renoyait pour Anseys garder.
Le baistard de Carcaige c’est venus presenter
30198Pour le roy Ollivier aidier et conforter;
Vingt mil homme dez siens volt o lui amener
Dez barons de Connimbre qui tant estoient ber.
Et li roy Ollivier a son maitin lever
30202Allait a la royne san point de l’arester
Le parreille de son signet baillier et delivrer,
Et dit: « Per ceste seel me porez vous mander;
Tout ceu qu’il vous plairait en porez seeller. »
30206Et la damme respont: « Ceu fait a creanter. »
Et adont comansait la royne a plorer.
Li roy a sa fenestre si vait congier demander
A li vaichier Elie qui moult fist honnorer;
30210Et pués se volt d’Espaingne partir et dessevrer.
Le bastard de Carcaige fist cez ost gouverner;
Gracienne la belle volt avec li mener.
Dever Bourge s’an vont san point de l’arester;
30214Le roy chevalche fort, si pance dou haister
Et jure Dammedieu qui tout ait a sauver
Que briefment ferait pandre lez trese fil Hermer;
C’il ait le quaitorzime, il se puet bien vanter
30218Que per piece le ferait escorchier et saller!
Ensement dit li roy qui cuer ait de singler,
Maix per tant le feront d’aultre Mertin chanter,
Ensi que je dirait s’on me vuelt escouter.
30222Or chevalche Ollivier a belle compaingnie,
Ne sai de cez jornee le conte vous en die:
Tant chevalchait li rois baniere desploye,
Paissant mainte citeit et mainte menandie,
30226Mains boix, mainte haie et mainte praierie,
Qu’en Berry sont entréz, celle terre jollie.
La nouvelle s’an vait a Bourge la garnie
Que lour citeit serait vistement asegie;
30230Li bourgois sont dollant et si ne lour plait mie;
Li trese filz Hermer ont la ville efforcie
Et la font pourveyr tout a lour commandie
D’awainne et de bleif, de char et vin sur lie.
30234Il ont tant assambléz de ciaulz de lour lignie,
Dez parrans a lour femme qui sont de lour partie,
Bien furent quinze cent en la salle voltie
Qui estoient armér si comme chevaillerie;
30238Ensamble se sont trait, car il ne vuellent mie
Que nulz qui soit pour faire encontre yaulz haichie.
Et dient li premier dont voix serait oye
S’il disent au tresez frere chose qui lour annue
30242Que briefment averait la teste jus roingnie;
Ensi disoient voir, nou tenés a fablie.
Tant allait Ollivier a la chiere herdie
Que devant Bourge vint, celle citeit garnie.
30246 Ensois qu’i l’assegaist, fist une envaye
Et ossit dez bourgois trois cent a ceste fie,
Dont en la citeit ot si grande crierie
Que tout issirent hor arméz li [b]rongne vestie.
30250 Lez trese traytour tout d’unne compaingnie
Chevalchent ensamble, si mainent chiere lie;
Ysaquart de Monmort ait l’ansaingne baillie
Ung chevalier de Bourge c’ons appelloit Elie.
30254Per devant Bourge est la baitaille commensie;
Li bastard de Carcaige, cil ne s’i faindit mie:
Ver Ysaquart s’an vait permey la praierie;
Telz cop li ait donnér de la lance forbie
30258Que l’escut li persait que lut et refflambie,
Et le navrait ou corpz a la destre partie;
Pués fiert ung chevalier que l’espee ait saichie
Que l’espee li ait tout a moitiet tranchie.
30262Et li roy Ollivier ne s’i atargait mie:
Il fiert ung soldoier qui fuit de Lombardie,
Lez espaulle atout l’escut detranche et esmie;
Mort l’abait si souef qu’i ne brait ne ne crie.
30266Li roy escrie « Espaingne! » Bien fuit sa voix oye.
Signour, per devant Bourge au prande logement
Veyssiez grant baitaille et dairier et devant.
Li boin roy Ollivier s’i prouvait richement;
30270Li bastard de Carcaige fuit plain de herdement:
Il fiert de l’espee avantureusement,
N’aconsuyt homme qu’a la terre n’estent;
Il escrie: « Connimbre! Ferés ysnellement! »
30274Li trese filz Hermer orent grant maltallant
Quant vinrent nous baron prouver si vaissamment,
Car li gens Ollivier per lour efforcement
Recullerent lez aultre de terre plain arpant;
30278De si jusques es baille firent recullement
Et s’an faillit petit, se lou livre ne ment,
Qu’i n’ont prins la citeit dont je fais parlement.
Au retraire perdirent cil de Bourge grandement,
30282Car Espaingnoz sont fier, saichiez certennement,
Assi sont Sezillois que moult ont herdement.
Signour, ceste baitaille moult longuement dura.
Ysacart de Monmort la retraite sonnait;
30286Au retraire en la ville le roy lez enchessait
Et jusques a la porte s’an vint, n’an dobtez ja.
A sa voix qu’il ot clere haultement lour criait:
« Signour baron de Bourge, dit il, mal vous yrait!
30290Vous avez le mien frere que Lion engenrait
Mis en voustre prison; chier vandut vous serait!
Si m’ayst Dieu de gloire, a grant mal tornera! »
A ung dez filz Hermer de sa haiche assena,
30294Guionnel ot a nom; li ber le fraippait,
Le bras atout l’espee a terre li portait
Et son boin destrier a terre li versait.
Dont escrie « Sezille! » et « Espaingne! » criait;
30298La grant citeit de Bourge assaillir commanda.
Toute jour jusques az vespre li assalt dura,
Pués revint arier et sa tante sachait
Assez pres dez foussez que ung seul trait n’i ait;
30302Illuec se sont logiéz et desa et dela.
Trois moix tous anthier li roy y sejornait,
Tout yver greillant illuec s’arestait
Et y fist bonne ville que tout antour fermait.
30306La ville fuit fermee ou il s’amaissait
Dez foussez tout antour, et ung chaistel y leva
Et fist plussour assault ou petit conquestait.
Jusques ou moix d’avry illuec se reposait
30310Qui oncqu’a ciaulz de deden parlement n’acordait,
Ne on ne lour requist ne lou roy n’en priait.
Et quant li bourgois virent que lou roy demora
L’iver fort et vantant et que ester fort approcha,
30314Il dient l’un a l’autre: « Cis rois si demourait
Tant que tous essilliéz et tous mort nous arait!
– Il ait droit, dit li aultre, car tous nous panderait:
Nous avons deservir c’on nous pande piessait
30318Quant en prison tenons celi qui bonteit ait,
Le prince, filz Lion, qui cez corpz engenrait,
Et encontre son frere Ollivier per dela
Maintenons ceste gerre. Mallement nous en va! »
30322Ensi se devisoient et desa et dela.
Le conseille de la ville de Bourge qu’estoit la
Allerent en la holle, car la clocque sonnait;
Li filz Hermer y vinrent a qui forment annoiait.
30326La ot ung grant bourgois qui la raison moustrait
Pour toute la commune qui a li s’anclinait,
Car prevost fuit de Bourge et ot estéz piessait;
Si dit a trait: « Signour, oiez comment il va:
30330Ceste guerre mortel trop costér nous ait! »
« Signour, dit li prevost qui fuit bien avisér,
Ceste gerre est venue per vous, bien le savez;
Or y metons remede, car se seroit pitez
30334Se la ville estoit destrute, car bonne est la citeit.
Or arons bon avis et conseille nous donnez;
Nous vollons avoir paix, il en est tempz paisséz.
– Signour, dit Ysacart, se c’est droit vous l’arez.
30338Veci per queil raison a paix venir pouuez:
Mandez au roy Ollivier au tente et au trez
Que ung respit nous soit otroiér et donnéz
De cinc ou sis jour, ensi que vous orez;
30342Et que bon saulf conduit de venir li donrez
En ceste ville ci et li serait moustréz
Le droit cor de miraicle. Se per li est sonnéz,
A signour le tenrez et serait vous avoués;
30346Se sonner ne lou puet, arier en soit alléz,
Et du sorplux a ffaire si bon conseil querrez
Que nulz de nous n’en soit per nul endroit blafmér;
Et pués qu’il n’est nous sire, ceu seroit pitez
30350S’on li laissoit joyr de cez grant hiretez;
Ains yrons a Paris qui est bonne citeit
Au boin roy Loys, car Charle est finés;
A lui nous conplaindrons dez traytour mortel
30354Que nous ont ensement a tort supeditéz. »
Et li bourgois respondent: « Si come vous commandez.
– Signour, dit li prevost, g’irait se vous vollez.
– Oyr, » dient li aultre; et li anffan Hermer
30358Li otrient la chose ensi qu’oyr avez.
Et le prevost s’an vait, si c’est acheminér;
De la porte est issus que n’i est arestés;
Ver lez tentez s’an vait li prevost naturéz.
30362Ou pawillon entrait li prevost honnoréz;
La estoit Ollivier li boin roy coronnér
Qu’au bastard de Carcaige qui tant fuit privés
Se juoit az eschés li roy frans naturéz.
30366Au bastard de Carcaige juoit roy Ollivier
Az eschés liement sus ung eschecquier.
Atant est li prevost qui moult ot le cuer fier,
Et per devant le roy se vait agenoillier,
30370Et li dit: « Noble roy, si me font envoyer
Li hault baron de Bourge et tout li chevalier
Que vous mandent per moy, le vuelliez otroier,
Ung respit a voustre grez et a voustre desirier;
30374Et pués en la citeit vous vanrez habergier;
Pour plege, dont ferons bien vous corpz replegier,
Le cor vous delivrerons tout a vous desirier,
Et se vous le poués sonner et grailloyer
30378A signour vous tanrons de grez et vollantier
Et randerons vous frere que tenons prisonnier;
Mais se ne poués aulcun son essaulcier,
Nous ne vous disons mie que d’ester ne d’ivier
30382Nous vous doions tenir a signour droiturier,
Car nous ne volriens mie l’esritaige baillier
A aultrui qu’a celi qui l’ait a justicier.
– Signour, s’ai dit li roy, per le corpz saint Richier
30386Cest chose vuel bonnement acorder;
Se je lou reffusoie, cuer aroie bergier. »
Adont fist li rois ung respit denoncier,
Et tout contrevalz l’ost le crient escuier.
30390Li prevost s’an revait qui le fist p[ro]nuncier
Contrevalz la citeit qui tant fait a prisier.
Quant li prevost ot fait li respit acorder,
Dez bourgois de la ville fist jusqu’a cent aller
30394Ver le roy Ollivier ostaige demander;
Et li roy lez ait fait moult bien enprisonner
Et pués s’an vait a Bourge ou sont li filz Hermer,
Et contre le roy vinrent errant merci cryer,
30398Et dient: « Sire roy, ne nous dobvez blafmer
Se cestui hiretaige nous vollons bien warder.
Li duc Herpin de Bourge nous fist sor sain jurer
Qu’a lui ne a cez hoir nous ne vaulriens faulcer;
30402Et pués que ung chevalier ne puet le cor sonner
Ne lou tenons mie a fil, c’est ligier a prouver,
Car quant Lion vint sa d’oultre la Rouge Mer
Sonnait le cor si hault que lou puet oyr cler.
30406La li fist le nous perre con duc gouverner,
Comme li filz Herpin il le fist honnorer.
Et ensi volrien nous per bonne foid ouvrer
Si que nulz hons vivant ne nous en doit blafmer;
30410Se aultrement le faisiens, on nous poroit moustrer
Comme faul traytre et per tout ainsi prouver.
Se n’est mie pour chose que nous vuelliens penser
De nous signour loial en rien desherriter,
30414Car quant signour arons a qui foid doion pourter,
Toute li randerons san point de l’arester
Tel qu’il li samblerait c’on ne li vuelle celler
Ne per faulce cautelle rien dou sien ambler.
30418– Signour, dit Ollivier, je vous oie bien parrler,
Maix a ung homme oyr ne puet on esperer
Ceu que cez cuer li dit et li fait aviser,
Car j’ai mainte foid oyr dire et conter
30422Que li faulz scevent bien faulce amour moustrer;
Car tant qu’an vous verait bien ne m’en vora vanter,
Car on ne se doit mie au premier si loer
C’on puist au dairien tour desdire son parler. »
30426Et li felon traytour ne vorent mot sonner
Fors li glous Ysaquart qui ait fait apporter
Li cor per la clergie qui moult fait a louer,
Que ne savoient mot c’on l’eust fait oster
30430Ne changier ensement et a ung aultre estorer.
A Ollivier le vont ysnellement livrer;
Adont vait Ollivier Jhesu Crist ahourer,
Et dit: « Dan Jhesu qui te laissait pener
30434En la saintisme croix et d’espine corronner,
Je te prie et requier et si te vuel demander
Se je sus filz Lion que lou puisse sonner
Au jour d’ui sestui cor, si ferait delivrer
30438Guillamme de Pallerne le gentis baicheler;
Et que enver ma contree je m’en puisse raller
Pour veyr ma moullier, baisier et escoller,
Car c’est li plux rien que je doie amer. »
30442Ensi dit Ollivier; dont fait le cor combrer
Et le mist a sa bouche et le cudait corner;
Assi bien feyst son d’un grant mur geter
Comme feyst du corpz dont vous m’oez parler.
30446Nonporquant s’i volt il plussour foid esprouver
Et de teille vertut per force souffler
Que une voinne en rompit li boin roy au pener;
Maix ceu ne li vallut vallissant ung boucler,
30450Car n’en getaist ung son pour tout l’or desa mer.
Contre terre l’ait getér, en li n’ot qu’ayrer,
Et dit a li meysme: « On puet bien esperrer
Que ma mere fuit pute et mal se volt pourter,
30454Ou changiéz fus ou boix ou on me vot pourter.
Ains ne fus filz Lion li gentis chevalier;
Jamaix a l’esritaige ne vuelz rien demander
Ne encontre cez anffan je ne vuelz arguer.
30458Je lez tenoie a faulz, maix on puet veyr cler
Qu’il sont bon et certain pour lour signour warder.
J’ai eut tort contre yaulz, si lour doie amander. »
Ensi se devisait Ollivier li gentis;
30462Il ait dit au baron: « Entandez mon avis:
A ceu que je pués voir je ne sus mie fis
Au gentis duc Lion qui fuit si agensis.
Certe, se poise moy, per Dieu de parraidis;
30466Maix rendez moy Guillame qui tant par est gentis,
Je m’en irroie arier en mon pays. »
Et cil ont responduit: « Sire, per Jhesu Crist,
De prison n’isterait jamaix tant qu’il soit vis!
30470Ains le menrons en France au boin roy Loys,
Si en ferait justice du tout a son devis. »
De ceu fuit Ollivier dollans et esbaubis,
Et pués san congier prandre il est de la partis.
30474Maix per lez traytour fuit ung agait baistis
De quaitre de lour frere glouton et malloys
Et de quaitre vaissalz corraigeux et herdis.
Quant li roy Ollivier fuit de Bourge partis
30478Au fons d’unne vallee fuit retenus et pris
Et fuit desous cez cuisse son boin chevalx ocis.
Ne l’ont pais amenér en la citeit de pris.
A trois lue de Bourge fuit ung chaistelz baistis;
30482La mainnent Ollivier qui moult fuit asouplis,
Dollant et corrouciéz et forment esbaihis.
De cuer reclamme Dieu qui en la croix fu mis,
Et dit: « Perre dez cielx et Roy de parraidis,
30486Or je solloie estre honnorér et servis,
Tenant terre, fiez, chaistialz et grant pays;
Or n’ai ge pais vaillant ung petit parresis.
O graicieuse damme, blanche come flour de llis,
30490Doulce, vermelle et tanre, faite a mon devis,
Ensainte vous laissa en mon pallas de pris;
Jamaix ne me verrez tant que vous corpz soit vis. »
Adont plorait le roy qui moult fuit asouplis.
30494Droit est que li annoie, car en tel lieu fu mis
Ou on ne voit per neut quant il est esclairis
Que on fait en ung four quant il est avespris.
En celle fosse fuit li frans chevalier mis,
30498Ou tant de meschief sent li vaissalz signoris
Que ne lou vous diroit nulz hons de mere vis.
Ollivier fuit en chartre qui le cuer ot dollant,
Laisarde et colluevre li vont la char mengant;
30502Moult ordement alloit en la chartre puant.
Si homme sont au trez qui le vont attandant;
En la ville remanderent c’on lor voit renvoiant
Le roy, ou il feront mettre main tenant
30506A mort tout lez ostaige qu’il ont a lour comment.
Et li bourgois en vont sur lez crenialz montant,
Et a ciaulz qui sont venus lour vont en sains jurant
Que le roy ont ranvoiér sain et salf et vivant;
30510Et cil de l’ost respondent qu’il n’en scevent niant,
Et s’on ne lour delivre le boin roy conquerrant,
L’ondemain panderont a sollail esconsant
Lez bourgois qu’il ont en lour pawillon lusant.
30514Quant li bourgois l’oyrent, moult lour vait annoiant.
Li bastard de Carcaige ne s’i vait arestant:
L’ondemain au maitin si qu’a prime sonnant
Fist per devant la ville amener main tenant;
30518A chescun fist tranchier la teste incontinent.
Li baistard de Cartaige quant vit la trayson
C’ons avoit ansi fait dessus le filz Lion,
Cialz qui estoient plege, se nous dit li chanson,
30522Fist amener es prés, si que bien le vit on;
A chescun fist tranchier la teste sus le menton.
Oncque n’en vot avoir ayde ne pardon,
Dont ot en la citeit si grant plorison.
30526Per la mere Dieu de gloire trouver y puet on
De femme et d’anffan si grande confusion:
Li ung plaint son perre, li aultre son baron;
Et dit li ung a l’autre: « Veci grant mesprison! »
30530Li filz Hermer ont joie quant sorent l’acoison.
Pour aesmouvoir villonnie et tanson,
Et pour plux corroucier lez borgois de renom,
Et que plux eussent grande confuzion,
30534Ennoy et maltallant, pour faire mesprison
A la gent Ollivier qui sont sur le sablon,
Avoient avisér celle grant trayson.
Signour, li filz Hermer furent folz lozangier,
30538Car oncque ne sorent que trayson chaissier:
Il ont fait mettre en prison roy Ollivier
Et li ont fait souffrir maint grant encombrier.
La voix s’an vait per tout et devant et dairier
30542Que mort est li boin roy qui tant fait a prisier.
Le bastard de Cartaige s’an rallaist vollantier,
Maix la femme Guillamme c’on tenoit prisonnier,
Gracienne la belle, volt tant a li pryer
30546Que li eut en couvent de Bourge gerroyer
Sis sepmainne anthier san lui eslongier;
La belle Gracienne l’en prist a gracyer.
Ensi per devant Bourge furent li soldoyer.
30550Or avint que Jhesu pour lez anffan aidier
Tramist au duc Lion le noble princier
Une voix que li dit le mortel encombrier
Que li anffan souffroient en icelui hiretier.
30554Signour, Lion de Bourge dont m’oez plaidyer
Estoit en l’ermitaige ou lisoit son saltier;
Droitement en tel leu s’allait amenaigier
Ou cez perre Herpin qui fist tant a prisier
30558Fuit moult loingtempz hermite avec le prieur fier
Que li paien ossirent a mortel encombrier.
Signour, Lion de Bourge fut en ung hermitaige
Pres de Romme la grant et en celi bocaige
30562La ou Herpin cez perre se tint moult loing aige;
La servoit Jhesu Crist qui nous fist a s’imaige,
Et avoit fait ung veu ou il prist grant damage,
Car a Dieu ot vouéz de son grez san servaige
30566Que jamaix n’isteroit nulz jour de ce bocaige
Pour gerre maintenir ne estour ne dampmaige,
Ne pour homme vivant qui fuit de son perraige
Il ne se combaiteroit ne a folz ne a saige,
30570Ne maix ne monteroit en destrier de Carcage;
Ensois serviroit Dieu de bon cuer san follaige.
Tant avoit a Jhesu tornér le sien corraige
Car il ne vesquit de rien et mai[n]tint l’usaige
30574Que de ceu que Jhesu qui a nous tous bien faice
Li envoioit sa jus en son hermitaige
Per le Blanc Chevalier qui tant ot vassellaige.
Li escripture dit, tesmoingne et apprant
30578Que li Blanc Chevalier aportoit propprement
Tout ceu que Lion uzoit et mengoit doucement.
Chescun jour li apporte de cieus moult dignement;
Ceu dont Lion vesquit apportait saintement,
30582Et Lion li gentis qui per graice le prant
Estoit en l’ermitaige qui a Dieu grace rent.
Cez eure ot aprins, li ange li aprant,
Et li Blanc Chevalier a qui du tout se rent.
30586Il avoit le haubert a sa char propprement
Et i l’avoit portér tant et si longuement
Que li char per lez maille li saingnoit plainnement;
Et la se norissoit et cressoit amplement,
30590Car oncque ne l’avoit ostér certennement
De tent qu’il ait estéz en ceu boix qui resplent.
S’ot la corde sainte de quoy moult de mal sent.
Toute neut aneutie il gisoit vraiement
30594Per desous une piere au couver propprement.
Ensi faisoit Lion, saichiez certennement,
Car Jhesu Crist l’amoit a qui le monde appant.
Trois foid en la sepmenne, se l’istoire ne ment,
30598Venoit li blanc arméz Lion faire present
De ceu qu’il buvoit et mengoit liement.
Ung jour estoit Lion dont je fais parlement
Delez son hermitaige ou boix qui resplant;
30602Voit le Blanc Chevalier au fier contennement
Venir trestout arméz en courant raidement,
La lance ens ou pung, l’escut au colz li pant,
Et l’espee au droit lez qui tranche vistement,
30606Li hialme ou chief au quelz plux teillement.
Ne l’ot veut venir Lion au fier tallant,
Dont moult se mervillait quant le vit ansement;
De si loing qu’i le vit li criait haultement:
30610« Bien viengniez, mez amis, mez sire droitement! »
Quant Lion li gentis vit li Blanc Chevalier,
A sa voix qu’il ot clere li commance a huchier:
« Bien viengniez, mez droit sire et ammi chier! »
30614Adont se vait li ber tantost agenoillier,
Et li Blanc Chevalier li est venus baillier
Le manne dez cieux pour vivre le princier;
Ceu est le pain de miraicle qui moult fait a prisier.
30618Dist li Blanc Chevalier: « Lion, je vous requier
Que vous ne vous vuelliez enver moy coroussier,
Car cy ne me verrez venir ne repairier
Desi a quinze jour, se saichiez san cudier,
30622Et pour tant vous envoie Jhesu Crist a mangier.
– Sire, se dit Lion, se fait a otroier.
En nom de compaingnie, je vous prie et requier
Que vous me vuelliez dire ou vous vollez chevacier
La Faculté des Lettres
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