en général on préfère l’absence de contraste

entre l'environnement et les sentiments 

mais aussi entre les sentiments tout court

chez un seul individu et dans un groupe

Dans Pas de tombeaux pour les lieux (paru en 2017), Judy Quinn procède à l’anatomie de l’Auberivière, quartier résidentiel semblable à bien d’autres. À travers le quadrillage des rues aux noms fleuris ou désertés de mémoire, «l’Auberivière / est sans abri», un espace où le paysage semble aboli, où tout s’équivaut, tout se voit et se prévoit, dans une ronde de l’identique à l’infini:

vivre

est devenu une chose transparente

[…]

ils voient tellement au travers

de la vie que leurs pas

sont des cartes

abattues devant le sable

et le sable ne cesse jamais

Les questions que pose ce lieu résonnent dans les êtres qui s’essaient à l’habiter: «ce qu’il y a ici / c’est ce qui se passe au fond de soi»; mais l’habite-t-on jamais? «[I]l est des lieux où l’on n’entre jamais / mais dont on sort nu», semble répondre le poème pour évoquer ces lieux dotés tout à la fois d’une immense densité de matière et d’une puissante vacuité existentielle qui rend les êtres vulnérables dans l’ici et maintenant, mais aussi en hypothéquant leur devenir: «Les enfants aiment et ne savent plus / comment sortir de leurs tentes brûlées / sans mettre le feu à leur avenir.»  

les rues sont des pistes d’atterrissage

pour des avions qui ne viendront jamais

trois herbes