Une expérience vient de montrer qu’une intrication parfaite à l’aide d’une boîte quantique est possible — à condition d’avoir le bon photodétecteur. Des détecteurs plus rapides ayant une gigue temporelle et des bruits de comptage ultrafaibles pourraient bientôt ouvrir la voie à des applications pratiques de l’intrication.
Lorsqu’ils seront maîtrisés, les phénomènes incroyables du monde quantique promettent de modifier radicalement le paysage de la technologie moderne. L’un de ces phénomènes est l’intrication quantique : deux particules peuvent être si étroitement liées qu’en observant l’état de l’une de ces particules, on peut prédire l’état de l’autre, peu importe la distance.
L’étude de l’intrication pourrait faire progresser les technologies émergentes des capteurs, de la communication et de la cryptographie quantiques. La capacité de produire des photons intriqués dans l’état idéal nécessaire à leur utilisation — non seulement de temps à autre, mais avec un taux de succès de 99,9 % — est importante pour la mise en œuvre pratique de ces technologies.
À l’heure actuelle, on produit des photons intriqués en excitant des boîtes quantiques — de petites particules de semiconducteur parfois appelées « atomes artificiels », mais on se heurte depuis plus d’une décennie à la difficulté de comprendre comment ce processus en cascade peut produire une intrication dite « parfaite ».
Dans le passé, des chercheurs ont essayé d’augmenter le taux de succès, ou fidélité, de l’intrication en changeant de matériau ou en utilisant de nouvelles méthodes d’excitation de la boîte quantique par un laser. Malheureusement, ces modifications n’ont pas permis d’obtenir une fidélité d’intrication approchant même les 90 %. On supposait que les spins nucléaires — mouvements subatomiques de rotation — de la boîte quantique faisaient perdre aux particules leur état d’intrication à cause d’un processus dit de déphasage, et qu’une fidélité parfaite était donc inatteignable.
Une étude menée par Michael Reimer, professeur à l’Institut d’informatique quantique (IQC), contredit cette hypothèse. Les spins nucléaires ne sont pas une cause de déphasage. En réalité, si l’on fait appel à l’excitation résonante (l’une des manières les plus nettes d’excitation d’une boîte quantique, conçue pour diminuer les interférences externes et les émissions de multiples photons), il n’y a aucun déphasage. Il s’avère que si les recherches antérieures n’ont pas mesuré de plus grandes fidélités d’intrication, c’est tout simplement parce que les dispositifs de mesure étaient trop lents pour enregistrer toutes les intrications.
Même si les photodétecteurs actuels peuvent mesurer des photons intriqués à des intervalles de quelques milliardièmes de seconde, il y a encore un écart, appelé gigue temporelle, entre les mesures. Ce sont ces périodes d’imprécision — ajoutées aux bruits de comptage, faux signaux émis par le détecteur — qui sont responsables de la moins grande fidélité perçue.
« Dans la littérature spécialisée, nous avons trouvé que des gens ont déjà réussi à produire une intrication parfaite », déclare M. Reimer, qui est également professeur adjoint au Département de génie électrique et informatique. « Mais ils ne le savent pas encore. » [traduction]
Pour en faire la démonstration, l’équipe de M. Reimer a d’abord mené une expérience d’intrication faisant appel à l’excitation résonante, puis a construit un modèle informatique simulant cette expérience et d’autres expériences semblables. Ce modèle est important parce qu’il fonctionne avec l’hypothèse qu’aucun déphasage ne se produit. Au lieu de cela, il ne considère que la cascade biexciton-exciton : la boîte quantique excitée piège 2 électrons dans 2 trous pour former un seul couplage biexciton-photon. Ce photon se recombine ensuite en présence d’un photon distinct, créant une intrication entre les 2 photons.
Fait remarquable, les résultats de la simulation correspondaient parfaitement à l’expérience réelle, même si le modèle ignorait tout déphasage. Cela montre que le déphasage dû aux spins nucléaires n’a pas d’effet significatif sur la fidélité d’intrication. Il n’est pas responsable d’un échec d’intrication.
Étant donné ce résultat, la réalisation d’une intrication parfaite n’est plus qu’un problème technique. Selon le modèle de M. Reimer, l’emploi d’un dispositif d’excitation résonante et d’un détecteur ayant une gigue temporelle ultrafaible de moins de 30 picosecondes pourrait permettre d’atteindre une fidélité approchant les 99,9 %. Les détecteurs mis au point au cours de la dernière année, qui font appel à des nanofils supraconducteurs plutôt qu’aux photodiodes à avalanche actuellement utilisées, ont cette capacité.
« Il est donc réellement possible d’obtenir le degré de fidélité requis pour des applications, ce qui est vraiment prometteur », a déclaré M. Reimer. Dans l’avenir, son équipe compte utiliser des champs électriques pour augmenter radicalement les taux d’émission de photons individuels, rendant leur intrication plus « applicable, compacte, et utilisable dans divers types de technologie » [traduction].
L’article intitulé Dephasing free photon entanglement with a quantum dot (Intrication de photons sans déphasage à l’aide d’une boîte quantique) a été publié le 30 mai 2019 dans ACS Photonics.