De nouvelles recherches attribuent un spin à des anomalies d’un milieu

Friday, December 20, 2019

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Il y a constamment autour de nous — et même en nous — des champs magnétiques souvent utiles dans des dispositifs technologiques sur lesquels nous comptons, tels que les disques rigides, les appareils d’IRM et les centrales électriques.

La mesure de faibles champs magnétiques à l’échelle atomique nous procurerait encore davantage d’applications dans les domaines de la physique, de la science des matériaux, du stockage des données et des sciences biomédicales. Elle permettrait notamment de caractériser les propriétés magnétiques de pellicules minces, de réaliser par résonance magnétique des images de protéines individuelles et de mesurer l’activité nerveuse à l’échelle de dendrites individuelles.

En créant volontairement une anomalie dans un milieu, les chercheurs peuvent mesurer l’effet d’un faible champ magnétique sur l’état de cette anomalie. Un tel montage s’appelle un détecteur de spin. Avec plus d’une anomalie, il est possible d’intriquer leurs états et d’obtenir un avantage quantique donnant des résultats précis à l’échelle atomique.

Il y a toutefois un problème. Plusieurs obstacles empêchent d’obtenir un avantage quantique avec un détecteur de spin : influence néfaste d’anomalies aléatoires du milieu, limites du contrôle expérimental, décohérence et contraintes de temps.

Alexandre Cooper-Roy, associé de recherche à l’IQC et responsable technique des simulations quantiques chez Technologies quantiques transformatrices (TQT), a dirigé une équipe qui a mis au point un détecteur quantique de spin en exploitant une idée singulière. Au lieu d’essayer d’isoler leur anomalie volontaire d’une anomalie avoisinante du milieu, les chercheurs ont décidé d’intriquer les 2 anomalies dans l’espoir d’obtenir un avantage quantique et de permettre plusieurs mesures de l’état de spin principal créé.

Au lieu de voir l’anomalie du milieu comme un problème, ils l’ont considérée comme une solution.

Détection à petite échelle

Pour comprendre le fonctionnement du détecteur, il faut comprendre la notion de spin. Les particules subatomiques comme les électrons et les protons ne sont pas de petites billes tournant autour de leur axe. Au lieu de cela, lorsque ces particules élémentaires se déplacent dans un champ magnétique, elles sont déviées d’une manière qui leur donne un comportement magnétique semblable à celui d’un objet chargé et en rotation dans le monde classique.

Le spin est donc ici une analogie. Les particules peuvent être déviées dans une direction parmi deux. Lorsqu’un faible champ magnétique interagit avec l’électron d’un détecteur à semi-conducteur, il donne sur son spin une information qui peut ensuite être lue de manière optique à l’aide de lasers.

Les détecteurs de qualité quantique qui font appel à des anomalies de spin intriquées permettent de mesurer de faibles champs magnétiques à l’échelle atomique. M. Cooper-Roy donne l’exemple d’un détecteur quantique capable de mesurer l’activité nerveuse à l’échelle de dendrites individuelles — les branches microscopiques qui transmettent des signaux électrochimiques entre neurones — en mesurant le champ magnétique associé à l’activité nerveuse. Ce niveau de détail sans précédent pourrait constituer une aubaine pour l’étude du cerveau et de ses maladies.

« Nous savons comment mesurer des champs magnétiques à l’aide de ces détecteurs de spin, dit M. Cooper-Roy. Et même si le spin est un phénomène quantique, ces détecteurs ne sont pas vraiment des dispositifs de qualité quantique. L’obtention d’un avantage quantique est le Saint Graal en la matière. »

Alexandre Cooper-Roy et son équipe de chercheurs du MIT ont remplacé un atome de carbone par un atome d’azote dans un diamant pour créer une anomalie appelée centre de lacune d’azote (centre NV pour nitrogen vacancy). Le spin électronique de ce centre peut servir à détecter de faibles champs magnétiques, mais il y a des problèmes avec des détecteurs de spin individuel. En particulier, les anomalies du milieu dues au procédé de création du centre NV limitent le rendement du détecteur.

C’est là qu’un nouveau concept entre en jeu.

Si vous ne pouvez pas les vaincre, joignez-vous à eux

« Comme nous voulons obtenir un avantage quantique et qu’il est extrêmement difficile de créer une paire de spins à cause de ce milieu plein d’anomalies non caractérisées et non contrôlées, dit M. Cooper-Roy, nous avons pensé tirer parti de ces anomalies. »

Au lieu de considérer ces anomalies du milieu comme un problème à éviter, M. Cooper-Roy et son équipe se sont rendu compte qu’ils pourraient intriquer une anomalie du milieu avec l’anomalie du centre NV. En théorie, l’utilisation de spins intriqués à la place d’un détecteur à spin unique pourrait entraîner une notable amélioration de la sensibilité.

Les chercheurs ont travaillé à coupler le spin de leur centre NV avec celui d’une anomalie du milieu voisine et inconnue. Ils ont réussi à intriquer les deux et à utiliser leurs spins couplés comme détecteur de faibles ondes magnétiques à l’échelle atomique. Des limites liées au contrôle expérimental ont abaissé le niveau de l’avantage quantique obtenu, mais les chercheurs ont accompli un exploit inédit qui a permis d’autres améliorations. Le couplage des 2 spins a non seulement permis de réaliser un détecteur à spins intriqués, mais a permis de lire à de multiples reprises les données du détecteur et d’améliorer ainsi le rapport signal sur bruit.

Normalement, lorsque l’on mesure le spin du centre NV après qu’il ait été exposé à un faible champ magnétique, l’information sur ce champ est perdue. Mais comme leur centre NV était intriqué avec une anomalie du milieu, les chercheurs ont été en mesure d’utiliser le spin de cette anomalie comme détecteur de l’état du centre NV, ce qui leur a permis de lire l’information à de multiples reprises. « C’est comme d’avoir un petit aimant aligné avec un gros aimant, explique M. Cooper-Roy : pour connaître l’orientation du gros aimant, il suffit de regarder le petit aimant. »

La mesure répétitive de spins nucléaires avait été réussie dans le passé, mais non celle de spins électroniques. Le fait de diriger un rayon laser sur un électron pour en connaître l’état déplace généralement l’électron. L’anomalie du milieu utilisée dans cette expérience était à l’abri de cet effet, de sorte que l’on pouvait lire à plusieurs reprises les données du champ magnétique.

Il y a encore beaucoup à faire pour obtenir un détecteur quantique de spins parfait, mais cette nouvelle méthode constitue une avenue prometteuse pour des avancées futures.

Lidée que le milieu puisse être contrôlé et exploité, et que cela soit indépendant du contexte, constitue un concept utile, dit M. Cooper-Roy. Le fait que lon puisse contrôler le milieu, qui normalement nest pas contrôlable, et lutiliser pour étendre notre propre système ouvre vraiment de nouvelles possibilités en détection quantique. [traduction]

Larticle intitulé Environment-assisted Quantum-enhanced Sensing with Electronic Spins in Diamond (Détection à avantage quantique assistée par le milieu dans le cas de spins électroniques dans le diamant) a été publié le 21 octobre 2019 dans Physical Review Applied.

Environmen-Assistanted Quantum-Enhanced Sensing with Repetitive Readout

Signal magnétométrique obtenu pour un temps de détection de 19 microsecondes en utilisant de m=0 (losanges violet clair) à m=9 (losanges violet foncé) répétitions de la mesure du spin X. Le signal cumulatif est normalisé par rapport à lamplitude maximale du signal magnétométrique mesuré sans répétition (m=0). Le contraste du signal cumulatif est multiplié par 4,2 avec m=9 répétitions de la mesure, ce qui donne une augmentation de 1,91(8) du rapport signal sur bruit avec une pondération optimale.

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