« Je ne crois pas que ceci sera remplacé par un ordinateur quantique dans l’avenir » [traduction], déclare Rajibul Islam, professeur à l’IQC ainsi qu’au Département de physique et d’astronomie, en désignant son ordinateur de bureau.
Il voit plutôt des ordinateurs classiques comme celui de son bureau travailler de concert avec des ordinateurs quantiques pour résoudre des problèmes actuellement hors de portée des seuls ordinateurs classiques. Grâce à de nouvelles recherches, M. Islam croit que des réseaux neuronaux entraînés — des systèmes d’apprentissage automatique classiques qui ont « appris » à résoudre un problème en analysant des exemples — pourraient jouer un rôle important dans cet avenir hybride.
Rajibul Islam, en collaboration avec Roger Melko, membre affilié de l’IQC ainsi que professeur au Département de physique et d’astronomie, a démontré qu’un réseau neuronal entraîné peut rapidement déterminer le bon montage pour exécuter une simulation quantique donnée. Il s’agit d’une étape vers des ordinateurs hybrides classiques-quantiques qui seront utilisés pour résoudre les problèmes les plus difficiles en physique et en science des matériaux.
Facile dans un sens, pas si facile dans l’autre
Dans presque tous les domaines de l’informatique, il y a un vaste ensemble de problèmes, appelés problèmes inverses, qui sont très faciles à résoudre dans un sens, mais extrêmement difficiles à résoudre dans le sens opposé. Les expérimentateurs qui tentent de simuler un système quantique avec un simulateur à ions piégés font face à un problème inverse.
En fixant les paramètres du simulateur — comme la fréquence et l’intensité des lasers —, il est facile de résoudre une équation et de déterminer quelle interaction est reproduite dans le simulateur avec ces paramètres. Par contre, lorsque des chercheurs veulent calculer comment régler leurs lasers pour simuler une interaction quantique précise telle que les interactions entre électrons dans un matériau quantique, un ordinateur classique doit faire des calculs, parfois pendant des heures dans le cas d’un système de grande taille, pour chaque interaction à simuler.
Après s’être rendu compte que ce problème est en réalité un problème inverse, MM. Islam et Melko ont eu une idée : pourrait-on entraîner un réseau neuronal à reconnaître un éventuel modèle entre les paramètres expérimentaux et les interactions entre ions piégés? Impossible de le savoir sans essayer. Ils ont demandé à Marina Drygala et à Yi Hong Teoh, étudiants de 1er cycle à l’Université de Waterloo, de travailler sur la question.
Mise à l’épreuve d’une idée
Les 2 étudiants ont trouvé que le réseau neuronal, entraîné avec des milliers et des milliers de paramètres synthétisés et les interactions résultantes, convergeait vers un modèle reliant les premiers aux secondes.
Même si l’entraînement peut prendre des heures ou des jours selon la taille du système à ions piégés, une fois que cet entraînement est fait, un ordinateur de bureau ordinaire peut donner en moins d’une milliseconde les paramètres expérimentaux requis pour simuler une interaction quantique précise. De plus, comme la difficulté du réseau neuronal est de résoudre un problème inverse, il est très facile de vérifier que les résultats sont exacts une fois que le travail difficile est complété.
« Ce problème inverse peut s’appliquer à un grand nombre de situations différentes en informatique quantique, dit M. Islam. Dans le cas des puces ioniques très complexes utilisées par des entreprises comme Honeywell et IonQ, les problèmes concernant les tensions et le potentiel électriques appliqués à leurs ions sont essentiellement les mêmes. » [traduction]
Rajibul Islam espère que d’autres applications de cette démarche d’apprentissage automatique feront surface, et qu’un jour des ordinateurs quantiques assistés de systèmes d’apprentissage automatique pourront résoudre les problèmes les plus difficiles en physique et en science des matériaux.
« Je crois que l’avenir de l’informatique quantique combinera les forces du calcul classique comme l’apprentissage automatique et celles de la physique quantique afin de résoudre des problèmes qui sont difficiles pour l’un des deux, poursuit-il. Le résultat que nous venons d’obtenir constitue un grand pas dans cette direction. » [traduction]
L’article Machine learning design of a trapped-ion quantum spin simulator (Utilisation de l’apprentissage automatique pour la conception d’un simulateur de spin quantique à ions piégés) a été publié le 21 janvier 2020 dans Quantum Science and Technology.