Raymond Laflamme, membre de l’Institut d’informatique quantique (IQC) et professeur au Département de physique et d’astronomie de l’Université de Waterloo, entretient sa curiosité scientifique en explorant de nouveaux domaines d’intérêt.
Il peut passer une fin de semaine à construire un canot de A à Z, puis travailler pendant la semaine avec une équipe qui élabore une simulation d’une théorie de la gravitation quantique et la met à l’épreuve dans un processeur quantique.
Collaborant avec une équipe internationale de chercheurs, M. Laflamme, titulaire de la chaire Mike-et-Ophelia-Lazaridis-John-von-Neumann d’informatique quantique, a publié ses récents résultats sur la simulation d’une propriété de la gravitation quantique dans un processeur quantique. Il est stimulé par ces résultats parce que, jusqu’à maintenant, la gravitation quantique a surtout été étudiée en théorie.
« Nous n’avons pas étudié auparavant la gravitation quantique dans un ordinateur quantique, dit-il, en partie parce que nous ne disposions pas d’un processeur d’information quantique. » [traduction]
Raymond Laflamme et son équipe ont simulé à l’aide d’un processeur quantique à résonance magnétique nucléaire (RMN) la propriété caractérisée par la formule de Ryu-Takayanagi (RT) dans le domaine de la gravitation quantique. La gravité est l’une des 4 forces présentes dans la nature; les 3 autres (l’interaction forte, l’interaction faible et la force électromagnétique) sont bien documentées en physique quantique. M. Laflamme fait remarquer que la gravité ne cadre pas aussi facilement dans la physique quantique parce que cette force est plus faible que les 3 autres, et qu’il est donc plus difficile de caractériser son comportement à l’échelle quantique.
Menés au laboratoire de RMN de l’IQC, ces travaux ont fait appel à un petit processeur quantique pour effectuer une manipulation de la formule RT puis examiner la propriété correspondante afin de voir si elle obéit à une relation prédite par les théoriciens.
M. Laflamme a été satisfait des résultats.
« Nous avons pu montrer les résultats, dit-il. Si nous avions eu un ordinateur quantique parfait, la réponse aurait été ‘oui’. » À cause du bruit détecté dans le processeur quantique, les résultats de M. Laflamme ne correspondaient pas parfaitement à la courbe théorique de l’équation, mais ils en étaient suffisamment proches pour montrer que la propriété était respectée lorsque traitée dans une simulation.
« D’une certaine manière, dit-il, nous nous demandons si nous avons suffisamment de contrôle sur un processeur quantique pour pouvoir faire des simulations liées à la gravitation quantique. Si la réponse avait été ‘non’, il aurait fallu revenir en arrière et mieux contrôler notre ordinateur quantique. » [traduction]
Mais selon M. Laflamme, la réponse a été « oui » : l’ordinateur quantique est assez bon pour commencer à tester des théories pour lesquelles on attend une réponse. Mais le chercheur fait remarquer qu’une simulation quantique donne rarement une réponse nette. Elle ressemble plutôt à une simulation météorologique, où il y a un risque d’erreur, mais les erreurs diminuent au fur et à mesure des progrès de la technologie.
Raymond Laflamme voit déjà l’avenir, où de meilleurs ordinateurs quantiques ayant davantage de qubits et moins de bruit permettront aux chercheurs de connaître les propriétés d’états que des ordinateurs classiques ne peuvent calculer, et dont les théoriciens n’ont pas encore prédit les réponses.
« Il s’agit d’une première étape pour poser ce genre de question et d’un premier essai d’immersion dans le domaine de la gravitation quantique, dit-il, mais il y aura d’autres étapes. » [traduction]
Quant à son canot, il est étanche mais M. Laflamme n’est pas encore certain qu’il va flotter. Comme en physique quantique, il va mettre à l’épreuve sa théorie dans un milieu réel, en espérant un résultat positif.
L’article intitulé Measuring holographic entanglement entropy on a quantum simulator (Mesure de l’entropie d’une intrication holographique dans un simulateur quantique) a été publié le 23 avril 2019 dans la revue Quantum Information de la collection Nature Partner Journals.