Infonuagique quantique avec autovérification

Wednesday, May 15, 2019

Une nouvelle méthode permet de réaliser de puissantes simulations quantiques sur le matériel actuel

IQC researcher Christine Muschik
Pour la première fois, selon une nouvelle étude publiée dans la revue Nature, un coprocesseur quantique a simulé avec succès des phénomènes de physique des particules sur 20 bits quantiques (ou qubits) avec autovérification des résultats.

Menée à Innsbruck par une équipe de chercheurs comprenant Rainer Blatt et Peter Zoller, de l’Université d’Innsbruck, et Christine Muschik, de l’Institut d’informatique quantique (IQC), cette expérience ouvre la voie à la simulation de problèmes auparavant insolubles de chimie, de science des matériaux et de physique des hautes énergies.

« Grâce à ce nouveau type de simulateur quantique, nous allons étudier et mieux comprendre la physique des hautes énergies et la physique des particules, et notamment des questions sur l’univers primitif » [traduction], a déclaré Mme Muschik, qui est également professeure adjointe au Département de physique et d’astronomie de l’Université de Waterloo.

De nombreux scientifiques étudient actuellement comment l’avantage quantique peut être exploité sur le matériel déjà disponible aujourd’hui. Il y a 3 ans, à l’Université d’Innsbruck, une équipe dont faisaient partie Mme Muschik et MM. Blatt et Zoller a simulé pour la première fois à l’aide d’un ordinateur numérique quantique la formation spontanée d’une paire de particules élémentaires. Cependant, en raison du taux d’erreur, des simulations plus complexes exigeraient un nombre de qubits qui n’est pas encore disponible dans les ordinateurs quantiques actuels. La simulation analogique de systèmes quantiques dans un ordinateur quantique comporte aussi de strictes limites.

En faisant appel à une nouvelle méthode, des chercheurs de l’Institut d’optique et d’information quantiques (IQOQI) de l’Académie autrichienne des sciences sont allés au-delà de ces limites. Ils ont utilisé comme coprocesseur quantique un ordinateur quantique programmable à ions piégés comportant 20 qubits, auquel on fait exécuter des calculs quantiques qui atteignent les limites des ordinateurs classiques.

« Nous exploitons les meilleures caractéristiques des deux technologies », explique Christine Maier, physicienne spécialisée en expérimentation. « Le simulateur quantique résout les problèmes quantiques dont la complexité de calcul est grande, et l’ordinateur classique se charge des autres tâches. » [traduction]

Une boîte à outils pour les modélisateurs quantiques

Les scientifiques ont utilisé la méthode variationnelle connue en physique théorique, mais en l’appliquant à leur expérience quantique. « L’avantage de cette méthode réside dans le fait que nous pouvons utiliser le simulateur quantique comme une ressource quantique indépendante du problème étudié, explique Rick van Bijnen. Ainsi, nous pouvons simuler des problèmes beaucoup plus complexes. » [traduction]

La différence est illustrée par une simple comparaison : un simulateur quantique analogique est comme une maison de poupée; il représente la réalité. Pour sa part, le simulateur quantique variationnel programmable offre des briques individuelles avec lesquelles on peut construire de nombreuses maisons différentes. Dans les simulateurs quantiques, ces briques sont des portes d’intrication et des rotations de spins individuels. À l’aide d’un ordinateur classique, on ajuste ces composantes jusqu’à ce que l’on atteigne l’état quantique voulu. Pour cela, les physiciens ont mis au point un algorithme d’optimisation sophistiqué qui, au bout d’environ 100 000 utilisations du coprocesseur quantique par l’ordinateur classique, donne le résultat.

Combiné à ces cycles de mesure extrêmement rapides de l’expérience quantique, le simulateur de l’IQOQI d’Innsbruck devient extraordinairement puissant. Les physiciens ont simulé sur 20 qubits la création et la destruction spontanées de paires de particules élémentaires dans le vide. Comme la nouvelle méthode est très efficace, elle fonctionne même sur de plus gros simulateurs quantiques. Les chercheurs prévoient construire dans un avenir rapproché un simulateur quantique comportant jusqu’à 50 ions. Cela ouvre des perspectives intéressantes pour l’étude d’autres modèles à l’état solide et problèmes de physique des hautes énergies.

Autovérification intégrée

Un problème auparavant non résolu de simulations quantiques complexes est celui de la vérification des résultats de la simulation. Le physicien théoricien Christian Kokail a expliqué : « De tels calculs peuvent difficilement, sinon pas du tout, être vérifiés à l’aide d’ordinateurs classiques. Comment vérifions-nous alors si le système quantique donne le bon résultat? Nous avons résolu pour la première fois cette question en effectuant des mesures supplémentaires dans le système quantique. Selon les résultats de ces mesures, la machine quantique évalue la qualité de la simulation. » [traduction] Un tel mécanisme de vérification est un préalable nécessaire à des simulations quantiques plus complexes, parce que le nombre de qubits requis augmente rapidement.

« Nous pouvons encore tester une simulation sur 20 qubits dans un ordinateur classique, dit Rick van Bijnen, mais cela est impossible avec des simulations plus complexes. Dans notre étude, l’expérience quantique a même été plus rapide que la simulation de contrôle sur ordinateur classique. Au bout du compte, nous avons dû retirer cette dernière de la course, afin de ne pas ralentir l’expérience. » [traduction]

Les travaux publiés dans la revue Nature ont bénéficié notamment du soutien financier du Fonds scientifique autrichien FWF et de l’Union européenne.

Publication:

Self-Verifying Variational Quantum Simulation of Lattice Models. C. Kokail*, C. Maier*, R. van Bijnen*, T. Brydges, M. K. Joshi, P. Jurcevic, C. A. Muschik, P. Silvi, R. Blatt, C. F. Roos, and P. Zoller. Nature 2019


Contact:

Kayleigh Platz, Institute for Quantum Computing, University of Waterloo
phone: 519-888-4567 ext. 30264 email: kplatz@uwaterloo.ca

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